La France n’est pas l’amie des tourterelles des bois

Dans la famille tourterelle, je demande celle des bois : Streptopelia turtur. Moins connue que sa cousine turque – Streptopelia decaocto – elle est également bien plus menacée. Pourtant, la France, comme six autres pays européens dont l’Italie et l’Espagne, s’est opposée en mai dernier à la proposition de la Commission européenne de suspendre la chasse de la tourterelle des bois. Ces pays ont jusqu’au 30 août pour revenir sur leur décision.

Une espèce discrète en France

La tourterelle des bois est une espèce migratrice visible en Europe de fin avril à septembre, sa période de reproduction, avant de passer l’hiver en Afrique du nord, dans la zone du Sahel, où les températures lui sied davantage. Contrairement à la tourterelle turque qui a envahi depuis quelques dizaines d’années nos jardins, Streptopelia turtur est une espèce menacée qui vit à l’écart des Hommes et des villes, en bordure de forêt, dans les haies, les bosquets, la garrigue ou encore les marais boisés. Dans l’Hexagone, on la connait peu et sa discrétion est peut-être en cause : « La France accueille près de 10 % de la population européenne de tourterelles des bois, derrière l’Espagne (46 %) et la Turquie (12 %) », explique la LPO dans son communiqué de presse.

La chasse de la tourterelle des bois est autorisée à Chypre, en Autriche, en Bulgarie, en France, en Grèce, en Italie, à Malte, au Portugal, en Roumanie, en Espagne. Environ deux millions d’oiseaux sont tués chaque année en toute légalité. Pourtant, l’espèce est victime d’un déclin important.

Une population en déclin, menacée de disparition

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a classé l’espèce dans les espèces menacées en 2015 et n’a pas modifié sa position depuis. Et pour cause : sa population européenne aurait décliné de 30 à 49 % en un peu plus de quinze ans. L’espèce aurait même perdu près de 70 % de son effectif en Angleterre ces trente dernières années et plus de 90 % en Russie occidentale ! Les causes de ce déclin sont connues : la perte d’habitat, l’utilisation d’herbicides en agriculture – la tourterelle des bois se nourrit essentiellement de graines poussant sur les mauvaises herbes des champs cultivés –, la concurrence avec la tourterelle turque qui prolifère dans toute l’Europe mais également la chasse. En France, un quota de 100 000 tourterelles des bois est autorisé à la chasse mais la LPO dénonce le manque de chiffres précis. « Faute de remontée des tableaux de chasse, l’ONCFS estime les prélèvements annuels entre 45 618 et… 137 789 ! ». Or, notre pays est non seulement un pays d’accueil pour les oiseaux reproducteurs mais aussi un pays étape essentiel dans leur migration.

Face aux menaces encourues par la tourterelle des bois, la Commission Européenne a proposé en mai dernier d’interdire sa chasse dans les pays membres. La proposition a été rejetée par l’Autriche, la France, l’Italie, Malte, le Portugal, la Roumanie et l’Espagne. Ces pays ont jusqu’à la fin du mois pour changer d’avis. La LPO en appelle à Nicolas Hulot pour encourager l’Hexagone à montrer le bon exemple.