Moins médiatisés que leurs cousins orangs-outans, eux aussi en voie d’extinction, les gibbons d’Indonésie voient leurs populations sauvages diminuer chaque année un peu plus. Toutes les espèces de gibbons qui vivent dans cet archipel sont en danger. Leur survie dans leur milieu naturel se trouve menacée par la croissance galopante de la déforestation au profit du commerce de bois exotiques, du café, de la pâte à papier et de l’huile de palme, mais aussi par le braconnage.
Sept espèces, toutes menacées
Il existe plusieurs espèces de gibbons dans le monde, réparties entre plusieurs pays d’Asie. Personne ne s’accorde sur leur nombre exact, certains parlant de plus d’une vingtaine d’espèces différentes quand Kalaweit, l’association fondée par Chanee pour préserver les gibbons indonésiens dans leur milieu naturel, estime qu’il y en a dix-sept. Ce qui est sûr, c’est que sept d’entre elles ont des populations sauvages en Indonésie, à Sumatra, Bornéo et sur l’île de Java.
Le gibbon agile (Hylobates agilis)
Considéré comme « en danger » par l’UICN, ce primate vit principalement à Sumatra, mais on le retrouve également en Thaïlande et en Malaisie. Ces quatre dernières décennies, le gibbon agile a perdu plus de la moitié de sa population sauvage, et elle continue de décliner encore aujourd’hui.
Le gibbon à mains blanches (Hylobates Lar)
Egalement classé « en danger » par l’UICN, le gibbon à mains blanches vit dans le nord de Sumatra ainsi qu’en Malaisie, à Myanmar, en Thaïlande et, plus rarement, dans le sud de la Chine. Chez lui aussi, la population sauvage décline partout sur son aire de répartition.
Le siamang (Symphalangus syndactylus)
Reconnaissable entre tous par son pelage noir et sa protubérance située au niveau de la gorge qui se gonfle lorsqu’il chante, le siamang est le plus grand de tous les gibbons. Comme ses cousins le gibbon à mains blanches et le gibbon agile, il vit lui aussi à Sumatra, mais également en Malaisie et en Thaïlande. L’espèce a perdu 50 % de sa population sauvage ces quarante dernières années et est « en danger » d’extinction d’après l’UICN.
Le gibbon de Kloss (Hylobates Klossii)
Aussi appelé « siamang de Kloss », ce gibbon est extrêmement rare. Il ne vit que sur les îles Mentawai (Siberut, Sipura, Pagai Utara, Pagai Selatan), à l’ouest de Sumatra. « En danger », son espèce ne compterait plus que 1 500 individus à l’état sauvage, la moitié ayant disparu ces quarante dernières années.
Le gibbon à barbe blanche (Hylobates albibarbis)
Endémique de Bornéo, ce gibbon a longtemps été considéré comme une sous-espèce du gibbon agile, mais il s’agit en fait d’une espèce à part. En revanche, il a en commun avec ses cousins d’être « en danger » et de voir le nombre de ses individus diminuer à l’état sauvage. La moitié a déjà disparu ces trente dernières années.
Le gibbon de Müller (Hylobates muelleri)
Comme le gibbon à barbe blanche, on le trouve uniquement à Bornéo et il est, lui aussi, « en danger » selon l’UICN, la moitié de sa population ayant disparu depuis les années 1960.
Le gibbon de Moloch (Hylobates Moloch)
Endémique de Java, c’est le seul gibbon vivant sur cette île de l’archipel indonésien. Il en existerait moins de 2 500 dans la nature et sa population décline. L’espèce est, elle aussi, « en danger ».
Les menaces qui pèsent sur les gibbons indonésiens
Le constat est sans appel : toutes les espèces de gibbons qui vivent en Indonésie sont menacées et voient leur population décliner. En cause, deux principales menaces qui ne s’estompent pas avec le temps. Au contraire.
La déforestation
L’exploitation minière, la culture du palmier à huile, du café, et autres ou encore le commerce de bois exotiques ont pour conséquence directe une déforestation massive en Indonésie. Malgré que le gouvernement ait adopté en 2011 un moratoire visant à ralentir l’expansion agricole sur les forêts primaires, l’abattage forestier continue de progresser, ainsi que l’ont révélé de récentes données satellites de l’Université du Maryland avec Google, reprises par Global Forest Watch. En 2015, ce sont 796 500 hectares de forêts qui ont disparu de la carte, dont près de la moitié – 323 000 hectares – se situait à Kalimantan, sur l’île de Bornéo. En plein cœur de l’habitat naturel d’un grand nombre de gibbons. A Sumatra, il ne restait en 2015 plus que 321 000 hectares de forêt primaire, restée intacte uniquement du fait de sa position géographique, le long d’une pente abrupte difficile d’accès. Et c’est la même chose depuis plusieurs années : entre 2000 et 2015, le pays a perdu plus de 8 millions d’hectares de forêt, soit l’équivalent d’un territoire grand comme l’Autriche. Cette déforestation est d’autant plus grave que le gibbon est un animal territorial : il ne peut exister deux familles d’une même espèce sur une même zone et un couple a besoin de plusieurs hectares pour vivre. C’est d’ailleurs l’une des premières fonctions de leur chant : par ses vocalises, le gibbon signale aux autres que ce territoire est occupé.
Le braconnage
Les gibbons sont gravement menacés par le braconnage. Chassés pour leur viande ou leurs petits ensuite transformés en animaux de compagnie, ces primates constituent une proie facile pour les braconniers qui les localisent aisément grâce à leur chant. « Lorsque je suis arrivé en Indonésie en 1998, le profil du braconnier, c’était un homme qui entrait dans la forêt avec une arme, tuait les parents gibbons et récupérait le petit pour le vendre au marché noir. Aujourd’hui, c’est plutôt l’ouvrier de la plantation d’huile de palme ou en charge du déboisement qui le fait pour arrondir ses fins de mois difficiles », détaille Chanee. Une mission facilitée par le fait que ces ouvriers vivent en bordure de la forêt, près des sites où ils travaillent. Ils n’ont parfois que quelques centaines de mètres à faire pour trouver un couple de gibbons. « A Bornéo, un braconnier vend un bébé gibbon pour 15 euros environ. Une fois envoyé à Java, il est acheté entre 200 et 300 euros, puis 2 000 à 3 000 euros à l’extérieur du pays, le plus souvent en transit via Singapour », ajoute le fondateur de Kalaweit. Les petits gibbons quittent le plus souvent le pays en toute légalité grâce à de faux bons de captivité octroyés par des zoos peu scrupuleux. Mais il peut arriver qu’ils restent en Indonésie, où des particuliers fortunés et de hauts dignitaires les gardent captifs. L’association Kalaweit estime qu’ils seraient environ 6 000 dans ce cas. Elle s’est donnée pour mission de les localiser et de les récupérer avec l’aide des autorités locales avant que leurs propriétaires ne s’en débarrassent, ce qui arrive en général lorsqu’ils atteignent la maturité sexuelle, vers 6 ou 7 ans, et qu’ils deviennent agressifs.
par Jennifer Matas
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