Le 11 avril 2019, il y avait foule sur la commune d’Accous, dans la Vallée d’Aspe. Tous sont en effet venus assister à un grand moment : le lâcher de sept bouquetins ibériques (Capra pyrenaica) originaires du parc national de Sierra de Guadarrama, en Espagne. Ils s’appellent Babeth, Batman, Hardy, Franky, Lazagne, Caramel et Espoir.
Grande première en Béarn
C’est la première fois que le bouquetin est réintroduit en Béarn depuis sa disparition. D’ici 2020, ce sont 75 bouquetins qui devraient être réintroduits au total dans cette région des Pyrénées, dont 26 avant la fin de l’été.
En revanche, ce n’est pas la première fois que le bouquetin est réintroduit dans les Pyrénées françaises. Depuis 2014, 95 individus ont été relâchés dans le parc naturel des Pyrénées ariégeoises et 104 dans le parc national des Pyrénées, dans les Hautes-Pyrénées.
Ces opérations font partie d’un vaste programme de réintroduction de l’espèce de ce côté-ci de la frontière, plus d’un siècle après avoir complètement disparu.
L’extermination de l’espèce en France
En effet en France, les deux derniers bouquetins des Pyrénées – Capra pyrenaica pyrenaica, sous-espèce du bouquetin ibérique – ont été abattus en 1910 près du lac de Gaube, dans les environs des Cauterets. Sur ce versant des Pyrénées, les bouquetins ont été chassés jusqu’à l’extinction. Il faut dire qu’avec leurs immenses cornes incurvées, ils représentaient un trophée très prisé par les collectionneurs.
Un sort similaire s’est abattu sur cette sous-espèce du côté des Pyrénées espagnoles, quelques décennies plus tard. Capra pyrenaica pyrenaica a été déclarée éteinte à l’état sauvage en 2000. Elle a disparu avec la mort de la dernière femelle représentante de la sous-espèce, tuée le 6 janvier 2000 par la chute d’un arbre lors d’une violente tempête à Ordesa, en Aragon.
Si cette sous-espèce est officiellement éteinte, le bouquetin ibérique est toutefois assez répandu en Espagne. Il vit dans les zones rocheuses et les sommets montagneux. Sa population – plusieurs dizaines de milliers d’individus – est même en augmentation et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe l’espèce dans la catégorie « peu concernée » par l’extinction.
Ce sont ces individus qui sont aujourd’hui réintroduits dans les Pyrénées. Ils ont été sélectionnés selon différents critères (variabilité génétique pour éviter tout risque de consanguinité, ressemblance avec la souche pyrénéenne, état de santé, etc.).
Une réintroduction compliquée
Comme pour le bouquetin des Alpes, c’est en partie la création en 1905 de la réserve de chasse de la Sierra de Gredos qui a permis à l’Espagne de garder l’espèce en vie. Un programme de conservation est même né en 1950 à l’échelle nationale.
En France, la volonté de réintroduire l’espèce dans un environnement protégé naît dans les années 1970 avec la création du parc national des Pyrénées. Mais le projet est complexe à mettre en œuvre, parce que l’Espagne – seul pays à accueillir l’espèce – se montre plutôt réticente et ne souhaite pas confier des individus à la France.
« Les autorités espagnoles craignaient une banalisation de la chasse au bouquetin alors qu’elle représentait un apport économique important pour certaines collectivités espagnoles. Un beau « trophée » pouvant dépasser la valeur de 20 000 € en Espagne », peut-on lire sur le site internet du projet « le Retour du bouquetin dans les Pyrénées ».
Premières réintroductions en 2014
La France décrète en 2012 que le bouquetin ibérique est une espèce protégée sur son territoire. Leur chasse est donc censée être interdite, à moins que ne soient créées des dérogations comme c’est le cas pour le loup. De quoi rassurer les autorités espagnoles quant à leurs craintes initiales : elles gardent la main mise sur le commerce lucratif de la chasse au trophée.
Finalement, la France, l’Espagne et l’Andorre signent en avril 2014 un traité pour le retour du bouquetin dans les Pyrénées.
A partir de là, les choses s’accélèrent : 38 bouquetins ibériques sont relâchés pendant l’été 2014 en Ariège et dans les Hautes-Pyrénées. D’autres réintroductions* suivront dans ces départements, ainsi qu’en Béarn à partir d’avril 2019. Les premières naissances côté français ont été enregistrées dès le printemps 2015.
Au total, ils seraient aujourd’hui 140 dans les Pyrénées françaises. La réintroduction de nouveaux individus devraient permettre à cette population de devenir viable. Pour cela, il faudrait selon plusieurs experts un minimum de 200 bouquetins dans la nature.
Bouquetin des Alpes et bouquetin ibérique, quelles différences ?
Parfois confondu avec son cousin le bouquetin des Alpes, le bouquetin ibérique est toutefois une espèce à part, avec des caractéristiques qui lui sont propres. La première de toutes, celle qui permet de distinguer à coup sûr un ibérique d’un bouquetin alpin, ce sont la forme des cornes. Chez Capra pyrenaica, elles forment en effet une torsade, tandis que chez Capra ibex, elles sont en courbe linéaire.
Autre différence, la taille. Le bouquetin ibérique est en effet plus petit, avec une taille maximale au garrot de 70 cm chez les femelles et 85 cm chez les mâles. Le bouquetin des Alpes est légèrement plus grand : les mâles peuvent atteindre les 90 cm de haut au garrot et les femelles 78 cm.
*Pour connaître la chronologie exacte des lâchers de bouquetins ibériques dans les Pyrénées, cliquez ici.
par Jennifer Matas
1 réponse to “La réintroduction du bouquetin dans les Pyrénées françaises, une longue histoire”
18.04.2019
martine rahmounij’étais à Accous et je suis curieuse d’avoir des nouvelles de nos amis bouquetins et aussi de nos deux ourses.