La dimension humaine, notamment avec les communautés locales, semble pour vous très importante…
J.C. – C’est encore plus vrai avec l’Expédition Darién. Le but scientifique était de révéler la diversité biologique de ces localités mais nous savions que des communautés indigènes vivaient proches de la forêt. Pour nous, la protection de ces zones passe nécessairement par l’implication des communautés. Une partie intégrante de notre travail sur place était donc d’inclure ces communautés dans le processus. Ça commence en allant à leur rencontre et en leur présentant notre travail. Ensuite, par exemple, les hommes du village se proposaient pour nous accompagner en forêt. Et le soir, nous montrions à tout le village les photos et vidéos prises dans la journée.
Depuis notre retour, le cœur de notre travail, avec Barbara, va être de révéler au grand public cette région, sa richesse biologique et culturelle, par le biais des photographies, vidéos, témoignages et récits de cette expédition. C’est notre travail de médiation scientifique.
En tant que biologistes, quel est votre sentiment sur l’état de la biodiversité d’Amérique Centrale ?
J.C. – L’Amérique Centrale est identifiée comme point chaud de biodiversité, ce qui signifie que ce territoire abrite une diversité biologique importante, avec un fort taux d’endémisme, mais où les menaces sur la biodiversité sont nombreuses et pressantes. Les principales sont : la déforestation, la surexploitation, l’urbanisation, les changements climatiques (phénomène encore faible mais qui prend de l’ampleur) ou encore les invasions biologiques, notamment des végétaux, du fait de leur très grande capacité de dispersion.
La spécificité de l’Amérique Centrale se situe principalement dans son rôle de corridor biologique entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Elle a joué ce rôle de « pont » pendant des millions d’années et c’est ce qui a façonné sa biodiversité ainsi que celles de l’Amérique du Nord et du Sud. Si on coupe ce flux, cela impactera les biodiversités des deux continents.
Il y a actuellement en réflexion le projet d’un 2ème canal qui couperait le Nicaragua en deux, ralliant côte caraïbe et pacifique, et impacterait directement ce processus de corridor biologique. Cela serait d’autant plus terrible qu’il serait construit sur l’un des grands refuges de la vie sauvage en Amérique Centrale, la réserve naturelle de l’Indio Maiz, l’une des rares forêts primaires encore debout sur ce territoire.
A présent, quels sont vos projets ?
J.C. – A court terme, nous allons continuer à présenter notre projet transmédia intitulé « Entre Deux Amériques » – film documentaire, exposition, conférences, ateliers… – dans de nombreux festivals, cinémas et collectivités, un peu partout en France, en 2016 et 2017. Nous allons également poursuivre notre activité de chargés d’enseignement à l’université à Angers et à la Roche-sur-Yon. Pour nous, il est très important de transmettre le goût du terrain à des étudiants qui formeront la nouvelle génération de biologistes. Concernant l’Expédition Darién, nous travaillons actuellement sur les photographies prises sur place mais aussi, avec Pedro et Abel, sur la publication d’articles scientifiques. Les festivals permettront aux gens de découvrir les 1ers retours de la mission.
A plus long terme, Barbara et moi espérons que cette exploration pionnière facilitera l’organisation d’une seconde expédition – deuxième moitié de l’année 2017 ? – car nous n’avons que 5 ans pour éviter que le singe araignée gris soit placé sur la liste des espèces éteintes. Le compte à rebours est lancé, c’est à nous d’être réactif ! Il y a quelques jours d’ailleurs, nous avons (re)découvert la piste menant à un possible spécimen de singe araignée gris qui séjournerait dans les collections du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (MNHN). Une très bonne nouvelle pour nous car les textes décrivant l’animal entrent en contradiction. Cette découverte est un grand pas dans notre investigation scientifique pour remonter la trace de cette espèce.
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