
« Nous sommes dans une situation d’urgence : il faut acheter la forêt maintenant. Si ce n’est pas nous qui le faisons, ce seront les compagnies », martèle Chanee. En déplacement en France au mois d’octobre, le président et fondateur de Kalaweit a rappelé lors de l’assemblée générale de son ONG qu’il n’y avait pas de temps à perdre. La vie de nombreux animaux de Bornéo est en jeu. Nous l’avons rencontré.
Le projet Dulan
Avec le projet Dulan, dernier projet phare de Kalaweit, l’ONG veut racheter une forêt de 1500 hectares pour la transformer en sanctuaire. Depuis l’appel aux dons réalisé en décembre 2018, le projet Dulan a progressé dans le bon sens puisque 320 hectares ont déjà pu être acquis. « C’est du jamais vu pour Kalaweit en moins d’un an ! », rappelle Chanee.
Cette forêt a été découverte un peu par hasard. « Tout a commencé par le sauvetage d’un crocodile, extrêmement menacé, dans un lac », raconte le président de Kalaweit. En survolant les alentours de ce lac, il a découvert une immense forêt riche en biodiversité.
« J’ai immédiatement rencontré le maire du village, sur place, qui m’a informé que tous ces terrains appartenaient à des propriétaires terriens privés. Et donc, qu’ils pouvaient être rachetés », poursuit le président de Kalaweit.
« Malheureusement, toute la zone est entourée par les compagnies de l’huile de palme et du charbon, explique Chanee. Il faut donc agir vite. » Avant que les compagnies ne s’intéressent de trop près à cette forêt.
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Encore 1200 hectares à sauver
Ce qui ne manquerait pas de se produire rapidement. « Depuis le mois de janvier, il y a déjà eu un repérage effectué par les industriels », révèle Chanee. Or, 1200 hectares restent potentiellement à vendre. Kalaweit veut donc agir le plus vite possible.
D’autant que la zone abrite un grand nombre d’animaux, dont plusieurs espèces menacées : des panthères nébuleuses, mais aussi « de nombreux orangs-outans et gibbons qui ont trouvé refuge dans cette forêt », continue Chanee, qui a effectué plusieurs repérages au sol et en paramoteur.
C’est d’ailleurs au cours de l’une de ses expéditions qu’il a découvert Dulan, une femelle orang-outan qu’il a décidé de prénommer ainsi, en référence à la rivière Dulan qui coule non loin. C’est elle qui a également donné son nom à ce projet d’envergure.
Aujourd’hui, cette zone de 320 hectares est sécurisée. Quatre écogardes patrouillent au sol pour s’assurer « que les compagnies alentour ne pénètrent pas, notamment pour couper du bois », ajoute Chanee.
Racheter la forêt pour la protéger

Orang-outan à Bornéo.
Avec Dulan, Kalaweit met l’accent sur l’importance des actions concrètes pour sauver la biodiversité. Fondée il y a plus de vingt ans pour sauver les gibbons d’Indonésie issus de trafic, l’ONG a depuis élargi ses missions. Depuis 2012, elle rachète des hectares de forêt sur les îles de Sumatra et Bornéo.
L’idée est simple : racheter la forêt avant que ce ne soient les entreprises du bois, du charbon et de l’huile de palme qui ne le fassent. Et ainsi, sauver les gibbons et les autres animaux qui vivent dans ces forêts « quand ils sont encore dans les arbres », aime à dire Chanee. Et non quand il est trop tard, ou presque.
Car les primates recueillis par Kalaweit sont généralement trop habitués à l’homme, trop mal en point et souvent porteurs de maladies, ce qui empêche de les relâcher dans la nature. « Seuls 10 % des gibbons que nous accueillons pourront un jour être réintroduits dans leur milieu naturel », confirme Chanee. Pour en sauver le plus grand nombre, Kalaweit veut donc agir à la racine du problème : la disparition de la forêt.
Une fois acquis par Kalaweit, ces hectares de forêt deviennent des espaces protégés, surveillés par des patrouilles au sol – équestres le plus souvent, afin de ne pas déranger les animaux sauvages – et aériennes, en paramoteur.
Les animaux qui vivent à l’intérieur de ces espaces ne peuvent être tués et le bois ne peut être coupé. Leur habitat est donc parfaitement préservé. Kalaweit a ainsi créé quatre réserves :
- la réserve Supayang : 374,8 hectares à Sumatra ;
- la réserve Pararawen : 305,5 hectares à Bornéo ;
- la réserve Magkolisoi : 16 hectares acquis à Bornéo en 2017 ;
- la réserve Dulan : 320 hectares acquis en 2019 sur l’île de Bornéo.
La déforestation en Indonésie

Dans la province de Kalimantan, à Bornéo.
Chanee l’assure, pour sauver la biodiversité, il faut du concret. En achetant des parcelles de forêt qu’elle transforme en zone protégée, l’association crée des sanctuaires dans lesquels les animaux peuvent continuer de vivre sans risquer de voir leur habitat détruit.
Car la déforestation est le principal fléau qui pèse sur ces espèces. En Indonésie, elle a atteint des records ces dernières décennies, en particulier sur les îles de Sumatra et Bornéo, où la forêt primaire était jusqu’alors encore prépondérante. Sur la seule île de Bornéo, 18,7 millions d’hectares de forêt primaire ont disparu entre 1973 et 2015, sur les 55 millions d’hectares qui existaient initialement.
En cause, l’huile de palme qui arrive en tête des industries les plus responsables de la déforestation en Indonésie, devant l’exploitation du bois, la papeterie et l’extraction de charbon.
« Cela fait maintenant 21 ans que je vis en Indonésie. Pendant tout ce temps, j’ai vu de mes propres yeux Bornéo être défigurée par l’industrie de l’huile de palme », regrette Chanee. Une situation dramatique qui a empiré cet été avec les violents incendies qui ont ravagé l’île, mais dont les médias internationaux ont beaucoup moins parlé que les feux en Amazonie.
La cause de ces incendies : des pratiques irresponsables pour convertir le plus rapidement possible la forêt en terres cultivables en la brûlant. Si cette année les feux ont empiré, décuplés par le phénomène météorologique El Niño comme en 2015, ils se produisent hélas régulièrement.
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