Bonobos (Pan paniscus) sont nos plus proches parents primates vivants et partagent plus de 98 % de leur ADN avec nous. Ils font également partie des grands singes les plus vocaux, utilisant environ 15 types d’appels différents pour communiquer des états émotionnels particuliers, tels que des cris, des aboiements de menace, des salutations et des cris d’alarme. Pendant longtemps, on a pensé que les grands singes n’avaient aucun contrôle sur leurs expressions émotionnelles mais les produisaient instinctivement en réponse à un état émotionnel spécifique.
Cependant, une nouvelle étude sur les bonobos captifs en République démocratique du Congo a révélé une situation tout à fait différente. Des psychologues de l’Université de Durham ont découvert que les bonobos adultes utilisent des appels de détresse « semblables à ceux d’un bébé » pour s’attirer les faveurs des membres du groupe après un conflit. Les cris sont souvent accompagnés d’autres comportements typiques des bébés bonobos, comme faire la moue, gémir et faire des crises de colère.
Les chercheurs suggèrent que ces appels sont utilisés de manière stratégique pour réduire les risques d’un autre conflit avec l’adversaire et pour susciter un comportement réconfortant de la part des autres membres du groupe. Les bonobos adultes arrêtent généralement de signaler leur détresse de cette manière une fois qu’ils reçoivent le soutien d’autres adultes, tandis que les bonobos immatures continueront à appeler même après avoir été consolés.
L’étude, publiée dans le Transactions philosophiques de la Royal Society B, Sciences biologiques, s’appuie sur des recherches menées auprès de deux groupes de bonobos (plus de 40 individus) au sanctuaire Lola ya Bonobo à Kinshasa (République démocratique du Congo), le seul sanctuaire de bonobos au monde.
Les chercheurs ont examiné comment les victimes des bonobos communiquaient sur leur détresse après un combat et si ces signaux affectaient les réactions des spectateurs bonobos. Les résultats ont indiqué que les bonobos adultes étaient moins susceptibles d’être réattaqués après un conflit avec un adversaire s’ils affichaient un comportement et émettaient des cris typiques des bébés bonobos. Ils étaient également plus susceptibles de susciter une réponse réconfortante de la part des spectateurs.
L’analyse a également montré qu’un bonobo est sensible à qui est présent dans le public lorsqu’il est attaqué, et affichera généralement plus de signaux si davantage de bonobos dans le public social se trouvent à proximité. Cela suggère que les bonobos adaptent leurs signaux de communication en fonction des individus qui se trouvent à proximité. Les résultats indiquent donc que les expressions d’émotion ne sont pas simplement des lectures instinctives d’états internes, mais peuvent être utilisées de manière flexible et stratégique pour manipuler les autres et poursuivre des objectifs sociaux.
« Les bonobos sont très sensibles aux situations sociales et à ceux qui les entourent. Ils ont une vie émotionnelle riche et sont capables de communiquer leurs états émotionnels de manière flexible pour influencer les membres de leur groupe », a déclaré le Dr Raphaela Heesen, auteur principal de l’étude.
« En utilisant des signaux spécifiquement « semblables à ceux d’un bébé », les bonobos pourraient augmenter leurs chances d’être consolés par les autres et atténuer leur propre niveau de stress suite à des attaques agressives. Nos recherches montrent que les émotions et leur expression ne jouent pas seulement un rôle dans la régulation de la vie sociale dans notre propre espèce, mais aussi chez nos plus proches parents primates vivants.
« Le fait de réconforter une victime en détresse a longtemps été considéré comme une forme d’empathie initiée par le spectateur. Cependant, notre étude révèle que les propres signaux de la victime peuvent être utilisés de manière stratégique pour façonner ces réponses », a déclaré le Dr Zanna Clay, auteur principal de l’étude.
« En produisant des signaux qui les font ressembler davantage à des nourrissons, les victimes de bonobos peuvent augmenter leurs chances de recevoir du réconfort des autres. Cela met en évidence le rôle important que joue la communication dans la formation de réponses empathiques.
Les chercheurs soulignent ainsi que les bonobos disposent de moyens flexibles pour communiquer leurs émotions, tout comme les humains. L’étude met en lumière la compréhension de la vie émotionnelle de ces animaux en mettant l’accent sur les origines évolutives potentielles de la communication des émotions.
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Par Alison Bosman, Espèces-menacées.fr Rédacteur
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