A l’heure où la présence du loup dans nos régions n’a jamais autant fait polémique, Espèces-Menacées.fr a décidé de revenir sur l’histoire de ce canidé qui passionne les uns et terrifie les autres.
Etat des lieux et tour d’horizon
Alors qu’il était présent sur 90 % de notre territoire il y a de cela deux siècles, le loup a tellement été chassé pour sa fourrure ou pour le bétail qu’il a officiellement disparu de France en 1930. Il a fallu attendre 1992 pour entendre à nouveau son hurlement dans les Alpes-Maritimes. En effet, des individus arrivés d’Italie ont élu domicile de notre côté de la frontière. Il s’agit donc d’un retour naturel du loup et non d’une réintroduction comme on l’entend souvent par erreur.
Dans ce dossier, l’appellation « loup » désignera Canis Lupus, le loup gris, seule espèce que la France ait abritée. Canis Lupus était jadis le mammifère dont l’aire de répartition était la plus étendue au monde; aujourd’hui, il ne survit plus que dans des territoires très restreints.
Le loup gris est classé par l’UICN dans la catégorie « préoccupation mineure » au niveau mondial. Toutefois, l’institution précise que des populations sont davantage menacées au niveau local : en France, par exemple, Canis Lupus est classé « en danger ».
Qu’en est-il des autres espèces de loups ?
- Le loup à crinière, Chrysocyon brachyurus, est originaire d’Amérique du Sud. Classé dans la catégorie « presque menacé », il est visible en France dans plusieurs parcs animaliers.
- Canis rufus, appelé en français loup rouge ou loup roux, est le plus menacé de tous. Il vit aux Etats-Unis et, tout comme le loup gris, a été totalement décimé avant d’être réintroduit en Caroline du Nord en 1987. Il est en danger critique d’extinction.
- Le loup d’Abyssinie, Canis simensis, vit en Ethiopie. Proche de la disparition en 1996, il est remonté dans la catégorie « en danger » en 2004.
- Notre tour du monde des loups s’achève avec Dusicyon australis, le loup des îles Malouines (Amérique du Sud). Bien que très répandue à sa découverte au 18ème siècle, l’espèce a été chassée pour sa fourrure et empoisonnée pour laisser place à l’élevage de moutons. Elle a officiellement été déclarée éteinte en 1876 quand le dernier individu a été tué.
A travers le monde, la situation des loups est donc bien différente. Toutefois, toutes ces espèces ont pour point commun d’être menacées par l’Homme. En France, le débat est encore très vif entre les pro-chasses et les pro-loups. Faisons le point sur la situation chez nous.
La politique de la France à l’égard des loups
Canis Lupus est une espèce protégée au niveau international. Elle est inscrite dans l’annexe II de la CITES et de la Convention de Berne mais aussi sur la liste des mammifères protégés sur l’ensemble du territoire français, fixée par arrêté ministériel du 22 juillet 1993 et remise à jour en 2007. D’après le ministère de l’écologie et du développement durable, « ces textes imposent que soient interdites toute forme de détention, de capture, de mise à mort intentionnelle, de perturbation intentionnelle, de commerce des spécimens prélevés dans la nature d’espèces de faune sauvage, parmi lesquelles le loup. »
On estime la population de loups chez nous à environ 300 individus. Ils vivent principalement dans les Alpes, mais se sont également étendus au Massif Central, aux Vosges, au Jura et aux Pyrénées. Et leur expansion n’est pas terminée. En effet, les loups sont très territoriaux et les jeunes doivent chaque année quitter la meute pour acquérir leur propre territoire. Chaque meute a besoin en moyenne de 200 km2 (Source : Ferus.org) mais ce chiffre dépend de la quantité de nourriture qu’il trouve sur cette superficie. Pour le moment, les loups français vivent dans les massifs montagneux mais dans le futur, ils pourraient coloniser d’autres espaces.
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) est l’organisme chargé du suivi scientifique de l’espèce en France.
Suite à de nombreux incidents entre population de loups et éleveurs français, un plan national a été adopté en février 2013 pour les quatre prochaines années. Celui-ci prévoit que 24 loups peuvent être abattus chaque année afin de contrôler la population et ses possibles ravages. Ces tirs appelés « de prélèvements » sont très contrôlés, et pour cause ! 24 loups équivalent à presque à 10 % de la population totale. Des dérogations sont possibles pour « prévenir des dommages importants à l’élevage ». En dehors de ces cas exceptionnels, tuer un loup en France est passible de 15 000 € d’amende et d’un an d’emprisonnement.
En 2014, 17 loups ont été tués légalement, 6 corps ont été retrouvés sans doute victimes d’accidents et un loup a été abattu sans autorisation.
De l’autre côté, le bilan des brebis dont la mort est attribuée aux loups augmente considérablement. Il est passé de 500 en 2000 à 8 225 en 2014. Il faut savoir que les éleveurs dont la perte d’un animal est causée par le loup sont indemnisés par l’ONCFS dont le budget dédié a triplé depuis 2004. Par exemple, un mouton tué est indemnisé entre 80 et 500 € selon sa valeur.
Les choses vont peut être très vite changer. Le loup pourrait perdre son statut strictement protégé en France. En effet, le gouvernement a rencontré la Commission Européenne fin août 2015 pour obtenir le déclassement de l’espèce. Si cela était accordé, Canis lupus pourrait à nouveau disparaître de notre sol.
Quelles solutions sont possibles ?
« La cohabitation entre l’élevage et le loup ne pourra fonctionner qu’en aidant les éleveurs à mieux se protéger, en vérifiant la mise en place des moyens de protection qui sont actuellement subventionnés mais pas contrôlés, en n’indemnisant pas la prédation lorsque les troupeaux ne sont pas correctement protégés, et en développant la recherche sur les techniques de protection plutôt qu’en encourageant des tirs contre-productifs », expliquent dans un communiqué les associations de CAP Loup.
Selon ce collectif d’associations, la solution se trouve donc dans la protection des troupeaux. Et justement, quels sont les recours de l’éleveur face à la prédation du canidé ?
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Les chiens de protection
L’Etat finance l’usage de chiens de protection. Le problème est qu’ils sont potentiellement dangereux pour toute personne qui s’approche du bétail, promeneurs mal informés comme loups. Suite à de nombreux incidents, le plan national 2013-2017 prévoit « la reprise sur le terrain des tests d’aptitude et la création d’un fichier national de recensement des chiens. » Traditionnellement, ces chiens sont nommés « patous » ce qui correspond en fait à la race Montagne des Pyrénées, mais d’autres espèces sont également utilisées. Pour prévenir tout risque de morsure, l’Etat a créé et disposé un peu partout sur le territoire des loups des panneaux d’informations destinés à alerter les randonneurs du comportement à tenir face à des chiens de protection.
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Les parcs de regroupement électrifiés
Les loups attaquent principalement la nuit et s’en prennent à des proies faciles, animal vieux ou malade. Pour rappel, un loup adulte de corpulence normale a besoin de 3 à 4 kilos de viande par jour. Pour protéger les bêtes du prédateur, des clôtures mobiles électrifiées ont été créées pour empêcher des carnivores de passer. Encore faut-il que le troupeau soit tout entier dans le parc de regroupement…
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Le gardiennage humain renforcé
Au-delà des chiens de protection, un gardiennage humain renforcé est conseillé face à la menace loup. Pour cela, l’Etat verse des subventions : 21 € par jour si la surveillance est réalisée par l’éleveur lui-même, 61 € si un gardien salarié est embauché !
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L’effarouchement
En cas de présence avérée de loups à proximité des troupeaux, les éleveurs peuvent recourir sans autorisation préalable à l’effarouchement sous trois formes différentes : l’utilisation de sources lumineuses, de sources sonores et les tirs non létaux (munitions en caoutchouc ou grenaille métallique d’un diamètre maximal de 2,25 mm). Attention, dans les parcs nationaux, les tirs non létaux ne sont pas autorisés et l’utilisation de signaux sonores ou lumineux doit être corrélée à l’autorisation du directeur du parc.
Toutes ces mesures de protection s’accompagnent d’études visant à renforcer la connaissance de l’espèce qui est très discrète et craintive. La cohabitation entre pastoralisme et Canis lupus devra aussi passer par l’information et la communication auprès du grand public car l’animal jouit d’une très mauvaise image et de préjugés difficiles à effacer. Rappelons quand même, que si les loups s’attaquent aux animaux d’élevage, c’est parce qu’il ne reste pas assez de proies sauvages disponibles pour sa survie…
Comme toujours, il s’agit là d’un conflit entre deux camps. Les défenseurs des animaux, pro-loups, et les éleveurs qui craignent pour leurs bêtes. En cette rentrée 2015, le gouvernement français semble donner raison à ces derniers et signe peut être l’arrêt de mort de l’espèce qui n’aura décidemment pas tenu bien longtemps dans nos montagnes depuis son retour surprise.
2 Réponses to “Le loup est-il une espèce menacée en France ?”
26.05.2021
IHopeImNotThatGuyFace a une augmentation des attaques de troupeaux, le gouvernement a annonce que plus de loups pourront etre tues a titre derogatoire, alors que l’espece est protegee par la convention de Berne et une directive europeenne.
03.04.2018
Thierry DEVANTOYJ’imagine bien le désarroi et la colère des éleveurs victimes mais comment explique que l’Italie et ses éleveurs s’accommodent de ses loups depuis des décennies ? Les bergers peuvent-ils imaginer que la montagne ne leur appartient pas ?