Les répercussions de la pandémie de Covid-19 – qui touche les pays du monde entier depuis début 2020 – sont hélas multiples. Parmi celles dont on entend le moins parler, il y a la conservation de la faune et la flore. Déjà menacée par de nombreux facteurs, la biodiversité paie en effet un lourd tribut. En particulier les lémuriens, dont la situation empire sous les effets de la crise économique et sanitaire.
Ruée sur les forêts
Endémiques de Madagascar, une grande île au large du Mozambique, les lémuriens font partie des primates les plus menacés de la planète. Dans une récente mise à jour, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a tiré la sonnette d’alarme sur ce déclin foudroyant : sur les 107 espèces de lémuriens existantes, 103 sont menacées de disparition, dont 33 en danger imminent d’extinction.
Déjà en mauvaise posture, les lémuriens ne devraient pas voir leur situation s’arranger au regard de la situation actuelle dans laquelle est plongée le pays. Même si, contrairement aux grands singes, les lémuriens ne sont pas des hôtes connus de coronavirus – rien ne prouve cependant avec certitude qu’ils n’ont rien à craindre de ce nouveau virus-là –, les petits primates sont en revanche directement impactés par la crise.
« Le virus circule dans toute l’île, y compris dans les zones les plus rurales. Beaucoup de personnes souffrent de la perte des revenus liés au tourisme et se rabattent sur les forêts », commente Delphine Roullet, fondatrice de Helpsimus, une association dédiée à la sauvegarde du grand hapalémur. Dans certaines forêts jusqu’ici plutôt préservées, la culture sur brûlis a explosé. Pour se nourrir, des locaux brûlent des espaces forestiers afin de les transformer rapidement en cultures. Y compris dans les territoires pourtant protégés. C’est ce qu’il se passe actuellement par exemple dans le corridor Ankeniheny-Zahamena (CAZ), à l’Est de Madagascar, comme le révèle Mongabay : « ce n’est pas un phénomène nouveau, mais les données préliminaires indiquent que la situation s’aggrave ».
Les forêts sont également exploitées illégalement pour les ressources naturelles qui se trouvent dans les sols – minerais, pierres précieuses, etc. – et le bois. C’était déjà le cas avant la crise, la déforestation à Madagascar étant un problème de longue durée, mais le Covid ne devrait rien arranger. Au contraire.
Les associations dans l’urgence
Cette situation est dramatique pour la faune et la flore exceptionnelle des lieux – l’île est d’ailleurs réputée pour son taux d’endémisme extraordinaire. Et notamment pour les lémuriens, dont la survie dépend de ces forêts et qui subissent déjà de nombreuses pressions, dont le braconnage.
D’autant plus que la crise impacte également les associations qui se consacrent à leur préservation sur le terrain. Avec le Covid, nombre d’entre elles qui fonctionnaient à l’aide de l’écotourisme se sont retrouvées amputées dans leurs financements. Même celles comme Helpsimus – pour qui le tourisme ne représente pas une importante manne – ont dû ralentir.
« Nous avons pu assurer nos activités de base, heureusement. Mais d’autres ont été mises en standby. Et le suivi scientifique tourne au ralenti », explique Delphine Roullet. Depuis le début des restrictions de circulation, les étudiants n’ont pas, ou peu, pu se rendre sur le terrain pour réaliser leurs études. Les guides, en revanche, ont pu continuer à collecter des données en respectant un protocole sanitaire strict. « Grâce à cela, ils ont pu envoyer ces données et poursuivre les travaux en cours. »
Actuellement, Helpsimus suit 18 groupes de lémuriens issus de 4 espèces différentes, ainsi que d’autres animaux comme une femelle hibou malgache et des mangoustes à queue annelée, dans un secteur non protégé proche du Parc National de Ranomafana. Ce suivi est fondamental pour en apprendre plus sur ces animaux, et notamment le grand hapalémur dont on ignorait encore beaucoup de choses jusqu’à récemment. Ces connaissances permettent ensuite de mettre en place des mesures plus adaptées à leur sauvegarde.
Avenir incertain
D’ailleurs, les efforts de conservation ont permis au grand hapalémur de s’éloigner de l’extinction. Alors qu’il ne comptait plus qu’une centaine d’individus en 2008, ils seraient aujourd’hui entre 1200 et 1500 dans toute leur aire de répartition. Soit dix fois plus !
Dans la zone où œuvre Helpsimus vivent environ 550 grands hapalémurs. Là aussi, les populations se portent mieux. « Les effectifs ont été multipliés par 2,5 depuis 2014 et sur la seule année dernière, nous avons enregistré 85 naissances », rappelle Delphine Roullet. Si le grand hapalémur va mieux, il n’est pas encore sorti d’affaire. L’UICN classe toujours l’espèce Prolemur simus dans la catégorie « en danger critique » d’extinction, dernière étape avant la disparition à l’état sauvage. Quant aux autres lémuriens, les effectifs peinent à se rétablir pour beaucoup d’espèces.
La pandémie met à mal tout ce travail. Malheureusement, elle n’est en plus pas la seule menace qui plane sur l’avenir des lémuriens. « Elle s’ajoute aux autres », regrette Delphine Roullet. Le changement climatique inquiète tout particulièrement car il a des conséquences directes sur les rendements agricoles et donc sur les moyens de subsistances des locaux, qui risquent, en cas de pénurie, de se tourner davantage vers la forêt. « Ces dernières années, on constate que les saisons sont de plus en plus perturbées, avec une saison des pluies qui démarre plus tard, après des périodes de sécheresse, et avec des pluies plus fortes. Les cyclones sont également plus nombreux et plus violents », poursuit la fondatrice de Helpsimus.
En plus de détruire les récoltes, ces épisodes météorologiques détruisent tout ou partie des habitats des villageois, qui doivent reconstruire leurs maisons avec les ressources qu’ils trouvent en forêt… au détriment des espèces qui vivent dedans.
1 réponse to “A Madagascar, la crise aggrave la situation déjà critique des lémuriens”
29.05.2021
Voahangy RandrianjafyC’est très touchant.
SOS Lémuriens!
Sauvons nos Lémuriens.