Comme chaque année, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a mis à jour sa célèbre liste rouge, le thermomètre de notre faune et flore mondiales. Si chaque année de plus en plus d’espèces sont évaluées, celles en voie d’extinction sont aussi de plus en plus nombreuses. Le 9 juillet 2020, 32 441 espèces de faune et de flore étaient menacées sur les 120 372 évaluées. Soit presque 27 %. Suite à cette mise à jour, l’institut souhaite tirer la sonnette d’alarme sur le déclin foudroyant des lémuriens et la quasi-disparition du hamster européen.
Presque la totalité des espèces de lémuriens menacées
Il existe un peu moins de 110 espèces de lémuriens, ces primates – et non singes – originaires de Madagascar. La mise à jour de l’organisation mondiale a annoncé des chiffres effrayants. Sur les 107 espèces, 103 sont menacées de disparaître et, parmi elles, 33 sont en danger imminent d’extinction. Parmi eux, le lemur aux yeux turquoise, le vari noir et blanc ou encore le grand hapalémur.
Mais soyons honnêtes, ce n’est pas une surprise. Un atelier de travail du Groupe de spécialistes des primates de l’UICN avait déjà permis en 2018 de percevoir l’étendue des dégâts. Seulement 13 espèces sur les 107 ont vu leur statut modifier par l’UICN « en raison de l’intensification des pressions humaines » précise le communiqué de l’organisation mondiale. Parmi elles, le microcèbe de Mme Berthe, le plus petit primate du monde, dont la population continue à décliner.
Les pressions anthropiques, quelles sont-elles ?
A Madagascar, le principal ennemi des lémuriens est l’homme et les pressions qu’il exerce sur l’environnement et la nature. L’agriculture sur brûlis – qui consiste à défricher par le feu – et des coupes de bois irréfléchies causent une grande déforestation et la destruction de l’habitat des primates. Madagascar aurait perdu 44 % de ses forêts naturelles depuis les années 1950 d’après une étude publiée en 2018 dans Biological Conservation. Un fléau qui ne se déroule certes pas uniquement à Madagascar mais qui prend sur cette île une dimension particulière, sa faune connaissant un fort taux d’endémisme. La disparition d’espèces végétales ou animales propres à l’île pourrait être irréversible.
Autre menace qui pèse sur les lémuriens : le braconnage. La capture des lémuriens a deux buts : alimenter le trafic des espèces menacées comme animaux domestiques, surtout dans le cas des lémuriens de petit gabarit et le braconnage de subsistance. En effet, de nombreux lémuriens sont tués pour leur viande comme le Sifaka de Verreaux, Propithecus verreauxi, que l’UICN a placé dans la catégorie en danger critique d’extinction dernièrement.
Le hamster européen, en danger critique d’extinction
En France, nous connaissons bien le hamster européen, Cricetus cricetus, et pour cause. Celui qu’on appelle aussi le grand hamster d’Alsace était autrefois abondant dans cette région française, comme dans toute l’Europe de l’Est et en Russie avant de connaître un déclin aussi rapide qu’important. « Si rien ne change, l’espèce pourrait disparaître au cours des 30 prochaines années » peut-on lire dans le communiqué de presse de l’UICN. L’espèce vient d’ailleurs de passer dans la catégorie « en danger critique d’extinction » lors de la mise à jour de la liste rouge de juillet 2020. Elle aurait disparu « des trois quarts de son habitat d’origine en Alsace, d’au moins un tiers de son aire de répartition en Allemagne et de plus de 75 % de son aire de répartition en Europe de l’Est. » En Russie, l’espèce est d’ailleurs toujours considérée comme nuisible.
Les causes de la disparition du grand hamster
D’après le site du projet Life Alister, c’est à partir de la fin des années 1970 que le déclin de Cricetus cricetus s’est accéléré. Petit habitant des champs de céréales dans les sols desquels il creuse son terrier, le hamster européen est une victime directe du changement de nos pratiques agricoles : monoculture, utilisation de pesticides et d’engrais chimiques, fragmentation des champs.
« Tous ces changements ont perturbé son habitat et son mode de vie, ce qui a mis en péril sa reproduction et ses chances d’échapper aux prédateurs : le renard roux, les mustélidés (fouine, putois, hermine), les rapaces comme la buse, le hibou moyen duc, la chouette hulotte… » peut-on lire sur le site du projet européen de sauvegarde de l’espèce.
La baisse de la reproduction, cause possible du déclin du grand hamster ? C’est également la raison invoquée par l’UICN pour son classement de l’espèce dans sa liste rouge : « Le déclin des populations est probablement dû à une baisse des taux de reproduction. Là où un hamster femelle produisait des portées moyennes de plus de 20 individus par an au cours de la plus grande partie du XXeme siècle, les femelles ne semblent plus produire aujourd’hui que 5 à 6 descendants par an. »
Le grand hamster en France
Malgré un premier Plan national d’actions (PNA) de 2007 à 2011 qui avait pour but de restaurer les populations dans trois Zones d’Actions Prioritaires et stopper leur déclin, la France a été condamnée en 2011 par la Cour de justice de l’Union Européenne pour son inaction dans la sauvegarde de Cricetus cricetus. Car le petit mammifère est une espèce dite d’intérêt communautaire et à ce titre doit être protégée par les Etats membres. C’est aussi la seule espèce de hamster sauvage en France. « Cette condamnation, qui est intervenue à l’échéance du PNA 2007-2011, a contribué à alimenter une ambition renouvelée pour le troisième plan » peut-on lire sur le Plan national d’actions 2019-2028.
Parmi les mesures mises en place dans ces plans, on trouve l’élevage en captivité du hamster d’Europe et des campagnes de réintroduction annuelles. Le premier élevage de hamsters d’Alsace a été créé au parc zoologique de Mulhouse par l’association Sauvegarde Faune Sauvage (SFS) dès 2000. Les premiers lâchers de spécimens ont eu lieu en 2003 (75 individus) et en 2004 (23 individus). Le Centre de Mulhouse a été depuis rejoint par celui du CNRS en 2012 et celui du NaturOparC en 2017.
Autre mesure importante, la création des Zones de Protection Statiques (ZPS) en décembre 2016. Car aujourd’hui, le grand hamster d’Alsace ne vit plus dans la région que dans trois zones isolées les unes des autres qu’il convient donc de sauvegarder. En avril, à la sortie d’hibernation des hamsters européens, une campagne de comptage des terriers est organisée dans ces zones. Ce suivi permet ainsi de donner un indice d’abondance de l’espèce.
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