La mer Méditerranée est au cœur des préoccupations actuelles. Les 9 et 10 février derniers, la Commission européenne a organisé un séminaire sur l’épuisement de ses ressources. Quelques semaines auparavant, c’est le WWF qui rendait un rapport inédit : le « MedTrends project ». Pourquoi tant d’inquiétudes ? Les raisons dans notre article.
L’enjeu : la biodiversité de la mer Méditerranée
La Méditerranée est la plus grande mer du monde, pourtant elle ne représente que 0,82 % de la superficie et 0,32 % du volume des océans du monde. 7 % de la population mondiale vit sur le pourtour méditerranéen dont un tiers se concentre sur le littoral. Cette mer est reconnue comme l’un des 25 points chauds (hotspot) les plus importants de la biodiversité mondiale. Un point chaud est une « zone géographique contenant au moins 1 500 espèces végétales endémiques mais qui a déjà perdu au moins 70 % des espèces présentes dans leur état originel. »
En effet, la mer Méditerranée accueille entre 10 et 12 000 espèces marines, dont 25 % sont endémiques. 15 espèces sont classées en danger critique d’extinction par l’UICN ; parmi elles, le phoque moine de Méditerranée et la raie de Malte. Les côtes françaises font parties des zones les plus riches de la mer. L’herbier à Posidonie, surnommé le poumon de la Méditerranée, et les récifs coralligènes en sont les deux principaux biotopes. Ils servent à la fois de logement et de nourriture à nombre d’espèces, ce que les scientifiques appellent « des réservoirs de biodiversité ».
Le nord-ouest de la mer possède une importante « production primaire », terme biologique pour désigner la production de matière organique végétale, ce qui en fait un des endroits préférés des cétacés. C’est pourquoi en novembre 1999 a été créé le Sanctuaire Pelagos, le plus important des ASPIM : Aire Spécialement Protégée d’Importance Méditerranéenne. Le Sanctuaire Pelagos est une zone maritime protégée, d’une superficie de 87 500 km², faisant l’objet d’un accord entre l’Italie, Monaco et la France. Son but est la protection des mammifères marins présents sur son territoire. Les cétacés visibles les plus fréquents sont : le rorqual commun, le cachalot, le ziphius, le globicéphale noir, le dauphin Risso, le grand dauphin, le dauphin commun et le dauphin bleu et blanc et enfin le phoque moine.
Des initiatives comme ce sanctuaire portent leurs fruits : début février 2016, plus de mille grands dauphins ont été aperçus de long des côtes françaises. Le double des estimations faites par les scientifiques pour cette période de l’année.
Les menaces qui pèsent sur la Méditerranée : pêche, hydrocarbure, pollution, tourisme…
Créé par le WWF, le projet Medtrends consistait à collecter et analyser les informations socio-économiques et environnementales de huit pays méditerranéens afin de comprendre les conséquences du développement économique de la Méditerranée sur son écosystème. Voici quelques-unes de ses conclusions rendues publiques en janvier 2016.
La pêche professionnelle
En 2012, sur les 1300 navires de pêche que compte la mer, 90 % étaient à destination de la pêche dite « aux petits métiers », c’est-à-dire artisanale. Ses prises sont diversifiées et permettent une consommation responsable de poissons. A l’inverse, la pêche industrielle se caractérise par des embarcations de plus de 12 mètres et capture une quantité énorme de poissons pour n’en commercialiser que quelques espèces seulement, les autres étant rejetées mortes dans l’eau. En général, la prise la plus recherchée est le thon. Ces chalutiers sont non seulement responsables de la surexploitation des stocks de poissons, mais représentent également une menace pour les fonds marins, même si la France interdit le chalutage de fond au-dessous de 1000 m.
En 2009, ces 10% de navires de pêche produisaient 75 % du chiffre d’affaires des 1300 bateaux dans leur totalité. En France, c’est en Languedoc-Roussillon que l’activité de pêche est la plus importante.
Malheureusement, depuis 2007, le WWF a noté en même temps la baisse du volume de poissons vendus et l’augmentation du nombre de chalutiers. Autrement dit, il y a de moins en moins de poissons en Méditerranée et ils ont de plus en plus de chances d’être pêchés. Cette baisse est due à la diminution du vivier de poissons disponibles car, rappelons-le, la Méditerranée n’est pas soumise aux quotas par espèce.
La pêche de loisir est bien sûr mineure par rapport à la pêche professionnelle. Toutefois, les chiffres sont impressionnants. On estime que les quantités pêchées s’élèvent à 4800 tonnes de poissons, 880 tonnes de coquillages, 740 tonnes de crustacés chaque année en Méditerranée par des non professionnels. La région PACA est la plus prolifique avec une estimation de 150 000 passionnés. La pêche en mer ne nécessitant pas de permis contrairement à la pêche en eau douce, il n’est pas possible d’avoir le nombre exact d’afficionados. La pêche de loisir concerne principalement quatre espèces : le loup, le maquereau, le lieu et la daurade. Les conséquences peuvent être importantes pour la biodiversité : piétinement des zones côtières, capture de spécimens trop petits freinant la reproduction, usage d’espèces invasives comme appâts,…
Le tourisme
Il n’est plus à démontrer que la Méditerranée est une destination privilégiée pour les vacanciers. En France, ce littoral dispose de 45 % de l’offre totale d’hébergement touristique du pays ! Et c’est loin d’être terminé ! Le Plan Bleu, association mise en place dans le cadre du Plan d’Action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies, prévoit qu’en 2025, le flux de touristes atteindra 630 millions de personnes sur les côtes. Une pression toujours plus importante pour la faune et la flore qui engendre l’urbanisation de l’espace (résidences hôtelières et secondaires), mais également la construction de ports de plaisance qui fragmentent la côte et l’habitat de ses habitants.
Exploration et extraction d’hydrocarbures
Depuis 1939, 3 000 puits ont été forés en France métropolitaine. Il n’y en a encore aucun en Méditerranée. Toutefois, un permis appelé « Rhône Maritime » a été délivré en 2002 pour la recherche d’hydrocarbures au large de Marseille, à 30 km du projet de parc national de Calanques et à proximité du Sanctuaire de Pelagos. D’autres projets sont également en cours chez nos voisins européens. Inutile d’évoquer le risque que la biodiversité encourt si un seul de ces puits fuit… C’est l’une des menaces les plus imminentes qui pèsent sur la Méditerranée.
Le transport maritime
La Méditerranée est l’une des routes maritimes les plus empruntées. On y compte plus de 600 ports commerciaux, dont 21 sont parmi les 100 premiers mondiaux. Marseille est le premier port français. Il est également le 2ème plus important de Méditerranée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, plus de 75 % du trafic maritime est international et non intra-méditerranéen car cette mer est « presque » fermée, mais pas tout à fait grâce au détroit de Gibraltar. Pollutions sonore et physique, collisions avec les cétacés ne sont que quelques-uns des fléaux d’un transport maritime important.
Développement côtier
En 20 ans, la population des communes du littoral français a augmenté de 31 %, particulièrement en PACA. D’ici 2040, il est annoncé une augmentation d’encore 18 % du nombre d’habitants. C’est pourquoi la côte française est la plus « artificialisée » de l’Europe méditerranéenne. L’artificialisation est la modification souvent irréversible d’un sol au détriment des terres agricoles et des espaces semi-naturels au profit de l’urbanisation.
La pollution tellurique
La pollution tellurique est celle qui trouve son origine sur le continent. Et en effet, la Méditerranée est polluée. Métaux lourds, pesticides, déchets du quotidien,… sont rejetés via le Rhône dans la mer. Ils proviennent souvent des rejets des stations d’épuration et de rejets industriels et agricoles. Les niveaux de contamination en PCB et organochlorés des mammifères marins de Méditerranée sont 5 à 10 fois plus élevés que ceux de leurs voisins de l’Atlantique. En outre, certaines eaux usées sont directement déversées en mer ce qui engendre une dégradation de la qualité de l’eau et une baisse locale de la biodiversité.
Malgré toutes ces menaces, actuelles et potentielles, les efforts pour protéger la biodiversité ne sont pas vains. La réussite du Sanctuaire Pelagos en ait la preuve. Toutefois, la surpêche fait encore courir un véritable risque à plusieurs espèces. Selon la Commission Européenne, 96 % des stocks de poissons sont surexploités. Par exemple, les européens attraperaient six fois plus de merlus ou de rougets qu’il ne le faudrait pour que l’espèce puisse se maintenir durablement.
0 réponse à “Menaces sur la Méditerranée : le WWF lève le voile”