A l’occasion de la 22ème édition de la Nuit internationale de la chauve-souris, Dominique Solomas, en charge de l’événement et de la vie associative au sein de la SFEPM – Société française pour l’étude et la protection des mammifères – a accepté de répondre à quelques questions.
Cécile Arnoud : Quel est le but de l’événement qui se déroule ce week-end en France et dans le reste du monde ?
Dominique Solomas : La Nuit internationale est un événement qui vise à sensibiliser le maximum de personnes sur les chauves-souris, leur mode de vie, mais également à effacer les idées reçues qu’on a sur elles comme le fait qu’elles s’accrochent dans les cheveux, qu’elles sucent le sang, qu’elles rongent les isolations des maisons ou encore qu’elles sont prolifiques. Pour rappel, les chauves-souris ne sont pas des souris, elles ne mettent au monde qu’un seul petit par an !
Pour mieux faire connaître ces mammifères, les 25 et 26 août 2018, des animations seront organisées dans toute la France – 266 à l’heure actuelle contre une cinquantaine il y a 15 ans – avec une première partie en salle, et la projection d’un film ou d’un diaporama sur les espèces locales, puis un déplacement sur le terrain où l’on tente d’écouter les chauves-souris à l’aide d’un appareil qui retransmet les ultrasons qu’elles émettent. Des animateurs proposent également la construction de nichoirs – plutôt destinée à un jeune public – ou des expositions temporaires.
L’attrait pour la protection des chauves-souris a beaucoup augmenté ces dernières années. On estime à environ 10 000 le nombre de personnes sensibilisées grâce à cette opération chaque année.
CA : Le thème de 2018 est la cohabitation Homme/chauve-souris. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
DS : Beaucoup de chauves-souris sont anthropophiles – elles nichent dans les maisons – donc on est tous susceptibles d’héberger ces animaux chez soi ou juste de les voir passer sur un balcon ou dans son jardin. Comme beaucoup de mammifères, les chauves-souris voient leurs sites d’hibernation (qui se déroule de décembre à mars) et leurs gîtes d’été se réduire, donc elles se sont mises à coloniser des endroits nouveaux comme les caves des maisons l’hiver ou les greniers et les combles l’été. En fait, il est primordial de ne pas déranger les chauves-souris pendant ces deux saisons, l’été parce que les mises bas se déroulent entre juin et juillet et l’hiver parce que provoquer un réveil non souhaité nécessite pour elles de puiser dans leurs réserves de graisse, des réserves qui pourraient leur manquer par la suite.
Les conflits avec l’Homme arrivent souvent quand les maisons sont mal isolées et que la colonie de chauves-souris est importante. Il peut y avoir plusieurs désagréments car, la nuit, ce sont des animaux bruyants. Il peut également y avoir des problèmes d’odeur à cause de leur urine. Quand on reçoit un appel de personnes incommodées par les chauves-souris, on essaye de rassurer les particuliers et de leur proposer des solutions. Surtout, on fait appel au réseau de « correspondants chauve-souris » présents dans chaque région française. Ils sont plus à même de se déplacer et de proposer des solutions adaptées en fonction du problème. Nous sommes un relais entre le public et les groupes chauve-souris locaux. Cependant, il faut savoir qu’on ne peut pas déplacer une colonie de chauves-souris : en France, toutes les espèces sont protégées.
Nous avons lancé il y a 5 ans l’opération « refuge pour les chauves-souris » qui vise à favoriser la conservation des chauves-souris chez les particuliers. Le but est qu’ils s’approprient la protection de ces mammifères, qu’ils en aient ou non dans leur maison, pour créer à terme une grande aire de protection qui engloberait les habitations et les terrains. Pour obtenir le label, il suffit d’avoir des gestes simples comme par exemple ne pas utiliser de produits comme les pesticides. Aujourd’hui, plus de 700 personnes sont signataires de la convention « refuge pour les chauves-souris ». C’est une façon de montrer que l’on est sensibilisé à la protection de l’animal.
CA : Lors de la dernière mise à jour de la liste rouge des mammifères menacés en France, les chauves-souris sont apparues comme extrêmement menacés. Combien d’espèces compte le pays et quel est leur rôle dans l’écosystème ?
DS : En France, nous avons 34 espèces, il y en a dans toutes les régions mais les deux espèces les plus courantes sont la pipistrelle et la sérotine commune. Elles ont un rôle important dans la nature puisqu’elles sont insectivores (excepté en Outre-mer où on rencontre également des espèces avec d’autres régimes alimentaires). Les chauves-souris permettent donc de réguler les populations d’insectes : elles se nourrissent notamment de papillons de nuit, d’hannetons, d’araignées, de moustiques. Mais si on connait bien les espèces anthropophiles, on connait moins les chauves-souris forestières qui vivent dans d’anciens trous de pics ou sous l’écorce du bois. Les prédateurs naturels de ces mammifères sont les rapaces nocturnes, les corneilles et corbeaux, mais également les renards, les blaireaux et surtout les chats domestiques. D’ailleurs, nous avons créé un site internet où le grand public peut noter les prédations de son chat, cela permet de dresser un bilan des espèces sur lesquelles les chats ont le plus fort impact. Les éoliennes sont également une menace importante, d’autant plus quand elles sont sur les voies de migration des mammifères.
Enfin, n’oubliez pas, si vous trouvez une chauve-souris blessée chez vous, le bon réflexe est de la mettre en sécurité dans une boîte à chaussure dans laquelle vous aurez percé des trous pour l’air au préalable, puis prévenez la SFEPM pour que nous puissions vous conseiller un centre adapté.
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