Le Pantanal est actuellement en proie à de terribles incendies, d’une force inégalée. D’une superficie de presque 14 millions d’hectares, il s’agit de la plus grande zone humide de la planète. Mais le Pantanal compte une très grande concentration d’animaux et de plantes. Une biodiversité malheureusement en première ligne face à ces incendies.
Où se trouve le Pantanal ?
La Pantanal n’est pas un pays, ni même un site précisément délimité géographiquement. C’est une gigantesque zone humide qui se trouve principalement dans le centre-ouest du Brésil – dans les Etats du Mato Grosso et Mato Grosso do Sul – et déborde un peu sur la Bolivie et le Paraguay. L’UNESCO considère que le Pantanal couvre environ 14 millions d’hectares.
On y dénombre aucune ville. En revanche, le site compte une aire de conservation de 187 818 hectares, soit 1,3 % du Pantanal brésilien, classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO depuis 2000. L’aire de conservation se divise en quatre aires protégées, dont le Parc national du Pantanal Matogrossense et les trois réserves d’Acurizal, de Penha et de Dorochê.
Non loin du Parc national, se trouve la station écologique de Taiama devenue en 2018 l’un des 27 sites Ramsar que comptait le Brésil en 2020. La Convention Ramsar établit la liste des « zones humides d’importance mondiale en raison de leur importance en termes d’écologie, de botanique, de zoologie, de limnologie ou d’hydrologie ».
En dehors de ces aires de conservation, les terres du Pantanal appartiennent à des propriétaires privés. La plupart sont utilisées à des fins de pâturage pour le bétail, ce qui ne veut pas dire qu’elles sont toujours exploitées à des fins commerciales. Ainsi, la réserve naturelle Sesc Pantanal, la plus vaste unité de conservation privée au Brésil, également classée site Ramsar, est privée. Malheureusement, ce site fait partie de ceux durement touchés par les feux de forêt gigantesques de l’été 2020. Il aurait perdu 40 000 hectares sur les 108 000 qu’il occupe.
Quels types d’habitats composent le Pantanal ?
Le nom « Pantanal » vient du mot « pântano », qui signifie « marais » en portugais. Et pour cause, cette zone humide est immergée quatre mois par an, durant la saison des pluies – l’été dans l’hémisphère sud – de début décembre à fin mars. A cette période, les fleuves Cuiabá et Paraguay sortent de leur lit et envahissent les terres. Ce sont ces fleuves qui sont à l’origine de ce qui est sans doute la plus grande zone humide du monde. En dehors de la saison des pluies, le Pantanal se compose de prairies, de forêts, de lagunes et de savanes sèches semblables au Cerrado voisin.
Les marais d’eau douce forment la partie la plus connue du Pantanal mais ce n’est pas le seul habitat qu’on y trouve. L’aire de conservation compte la chaîne de montagne d’Amolar (Serra das pedras de Amolar) dont le point le plus haut culmine à 900 mètres. Un habitat totalement différent puisque que préservé des inondations annuelles.
« Ce paysage exceptionnel confère au Pantanal une esthétique unique, enrichie par l’abondance et la diversité de la flore et de la faune sauvages. Il est par exemple extraordinaire de voir un groupe de nénuphars géants, plantes aquatiques impressionnantes, poussant à proximité d’immenses cactus de milieux semi-arides », peut-on lire sur le site de l’UNESCO.
Durant la saison des pluies, cet habitat d’altitude sert également de refuge pour les espèces animales, et surtout les mammifères, qui ne sont pas adaptés au milieu aquatique et qui donc ne pourraient survivre au Pantanal sans terre sèche.
Malheureusement, l’hiver au Pantanal se traduit aussi par chaleur et sécheresses à répétition. Les incendies sont maintenant légion chaque année dans cette éco-région. En août 2020, on totalisait plus de 1,5 million d’hectares de végétation brûlée au Pantanal depuis le début de l’année. Une tragédie qui pourrait devenir répétitive. Une étude conjointe du WWF et du Boston Consulting Group (BCG) montre que le nombre d’incendies de forêts dans le monde a augmenté de 13 % au mois d’avril 2020 par rapport à 2019, qui était déjà une année record.
Quelles espèces peut-on observer au Pantanal ?
Outre ses paysages de mangroves et de marécages, le Pantanal est surtout célèbre pour son incroyable faune et flore. Au moins 4700 espèces sont inventoriées dans ce hotspot de biodiversité. En 2000, 26,4 millions d’hectares ont été nommés réserve de biosphère par l’UNESCO. La troisième plus grande au monde.
La faune emblématique du Pantanal
Avec 80 espèces de mammifères, 650 d’oiseaux, 50 de reptiles et 300 de poissons, le Pantanal grouille de vie, que ce soit dans l’eau ou sur terre.
Les mammifères
Le plus célèbre habitant du Pantanal est le jaguar (Panthera onca – classé presque menacé par l’UICN). Le félin n’est pas endémique de la zone humide mais c’est là qu’on y retrouve les populations les plus importantes. L’autre espèce emblématique des marais du Pantanal est le capybara (Hydrochoerus hydrochaeris), espèce considérée comme peu concernée par une extinction sur la liste rouge. Les pumas sont également très nombreux au Pantanal.
La loutre géante est classée en danger d’extinction par l’UICN et on la retrouve aussi bien au Pantanal que dans l’Amazonie. Longtemps chassée pour sa peau, Pteronura brasiliensis est particulièrement sensible aux perturbations de son environnement. Qualité de l’eau, présence de touristes, concurrence pour la pêche sont quelques unes des menaces qui pèsent sur elle.
Le cerf des marais est l’une des autres espèces menacées que compte ce site d’exception. Le plus grand cervidé d’Amérique du Sud, Blastocerus dichotomus, est considéré comme vulnérable en raison d’une population en déclin. Le braconnage semble être à l’origine de ce déclin.
Parmi les autres espèces en danger qu’on peut observer au Pantanal, il y a aussi le tatou géant (Priodontes maximus), le grand fourmilier (Myrmecophaga tridactyla) ou encore le pécari à lèvres blanches (Tayassu pecari), tous trois vulnérables à l’extinction.
Les oiseaux
On dénombre 650 espèces d’oiseaux au Pantanal et quoi de plus logique que de trouver dans la plus grande zone humide du monde de nombreuses espèces d’échassiers ! Grace à leurs longues pattes, les échassiers sont tout à fait adaptés à la vie marécageuse. Parmi eux, des oiseaux emblématiques comme le symbole du Pantanal le Jabiru (Jabiru mycteria), espèce non menacée à l’aire de répartition très importante mais aussi des oiseaux beaucoup plus connus en Europe comme des hérons, des aigrettes, des martins-pêcheurs.
On trouve également plus d’une vingtaine d’espèces de perroquets et de perruches au Pantanal et parmi elles des espèces menacées comme le plus grand des perroquets, l’ara hyacinthe (Anodorhynchus hyacinthinus) espèce vulnérable, mais aussi d’autres plus courantes comme l’ara bleu (Ara ararauna) qui n’est pas considéré comme menacé).
Concernant cette dernière espèce, triste nouvelle. La ferme Sao Francisco do Perigara, qui abrite un projet de conservation des aras bleus, a été touchée par les flammes durant l’été 2020. La palmeraie composée de 25.000 hectares de palmiers Acuri, dont les fruits constituent le régime alimentaire de l’oiseau, et qui accueillait 15 % de la population de aras bleus du Pantanal, a brûlé lors des incendies.
Le Pantanal héberge aussi une grande population variée de toucans dont le plus connu, le toucan toco (Ramphastos toco), mais aussi quelques rapaces mythiques comme la harpie féroce et le caracara huppé (Caracara plancus).
Les reptiles
Dans la plus grande zone marécageuse du monde, les reptiles aquatiques sont forcément très variés. Au Pantanal, on compte quelques espèces emblématiques d’Amérique du Sud comme les caïmans appelés « jacarés ou yacaré » (Caima yacare, non menacé). Longs de 2,5 mètres, ils grouillent dans les fleuves et sur les rives des mangroves.
Dans les eaux du Pantanal, le danger ne vient pas des mâchoires des caïmans, mais plutôt des nombreuses espèces de serpents : pas moins de 26 ! Les plus mythiques : l’anaconda jaune (Eunectes notaeus) plus répandu au Pantanal que son cousin l’anaconda vert, les serpents corail mais aussi boas constrictors et fers de lance. D’ailleurs, trois espèces de serpent fer de lance sont endémiques du Pantanal : le Jararaca (Bothrops jararaca), Bothrops jararacussu, et Bothrops moojeni. Leurs morsures sont très dangereuses.
La flore emblématique du Pantanal
Le site du Pantanal est célèbre pour sa faune mais aussi, et c’est moins connu, pour sa flore. On y compte l’une des plus grandes diversités de plantes aquatiques du monde et notamment les célèbres nénuphars géants qui peuvent comporter jusqu’à 40 feuilles de trois mètres chacune. Les fleurs s’ouvrent à la tombée de la nuit et émettent de la chaleur qui attire les différents insectes pollinisateurs. Autres fleurs aquatiques, les papyrus ! On retrouve plusieurs espèces au Pantanal comme le papyrus géant et le papyrus du Mexique.
En dehors de cette végétation aquatique, la flore du Pantanal se constitue de légumineuses, de graminées et d’herbacées qui s’adaptent facilement aux inondations saisonnières et qui jaunissent durant l’hiver, la saison sèche, donnant une impression de savane (paysage du Cerrado).
Les paysages du Pantanal changent en effet selon que la zone est inondée une partie de l’année ou pas. Des forêts tropicales sèches (eh oui, ça existe !) cohabitent dans les hauteurs avec la savane boisée appelée Cerradao plus dense. Enfin, les savanes ligneuses, qu’on appelle simplement « prairies » sont en revanche recouvertes par l’eau une partie de l’année.
Quelques arbres sont devenus emblématiques du Pantanal comme le manduvi (Sterculia apetala), appelé couramment « arbre du Panama ». Autre arbre répandu dans cette zone humide, le copaïba qui peut atteindre 40 mètres de haut. On utilise sa résine pour créer un baume médicinal, appelé baume de copahu ou baume d’Amazonie, qui possède des propriétés anti-inflammatoires et antalgiques importantes.
Quelles sont les menaces principales qui pèsent sur le Pantanal ?
Le Pantanal demeurait jusqu’à récemment l’une des zones humides les plus protégées au monde. Difficiles d’accès, voire dangereuses à cause de sa faune, ces terres et ces marécages semblaient ne pas subir les affres de la main de l’homme. Mais au fil des ans et du développement de l’agriculture au Brésil, la pression anthropique s’est faite de plus en plus visible.
L’expansion de l’agriculture
L’élevage et l’agriculture sont les premières menaces qui pèsent sur les terres du Pantanal. L’élevage, parce que le bétail mange et piétine la végétation sur les terres non inondées. Et l’agriculture, parce qu’elle grignote année après année du terrain. En 2012, le WWF a publié une étude révélant que « 15% de la couverture végétale du Pantanal avaient déjà été détruits par les cultures de soja et les pâturages pour le bétail dans le Planalto, une zone d’agriculture intensive située en amont ». Depuis, les choses ne se sont malheureusement pas arrangées et particulièrement depuis l’élection du nouveau président Jair Bolsonaro.
Le plateau du Planalto se compose de milliers d’hectares d’agriculture intensive. Des cultures qui utilisent de nombreux pesticides et autres produits polluants qui se déversent dans les fleuves alimentant le Pantanal. Par ailleurs, des barrages hydro-électriques sont construits pour alimenter les zones agricoles. De plus, pour gagner en terres de cultures, les propriétaires privés n’hésitent pas à défricher leurs terrains – par le feu souvent – et, petit à petit, la végétation du Pantanal perd du terrain.
Les incendies
Durant la saison sèche, c’est à dire l’hiver dans l’hémisphère sud et l’été dans l’hémisphère nord, le Pantanal revêt un tout autre aspect. L’eau des fleuves se retire dans leur lit et laisse place à une végétation de prairie qui, sous l’effet de la chaleur, devient vite inflammable. Chaque année ou presque, la zone humide s’enflamme, souvent à cause de feux criminels. Mais depuis 2019, ces incendies ont pris une dimension très préoccupante. L’année 2020, avec son record de sécheresses, voit ces incendies avoir une intensité encore jamais égalée.
Paysages de désolation et ciel voilé par une épaisse fumée dans le Pantanal qui vit une sécheresse historique et des incendies record. Plus de 10% de ses forêts et savanes sont partis en fumée pic.twitter.com/3nfZV7f6zo
— Pierre Le Duff (@pierre_le) August 27, 2020
Citée par le magazine Sciences et Avenir, Cátia Nunes da Cunha, biologiste brésilienne à l’Université Fédérale du Mato Grosso et chercheuse au centre de recherches du Pantanal, explique : « Les feux forment très rapidement des fronts immenses qu’il est impossible de traverser, et qui ne laissent nul espace pour la fuite. C’est ce qui explique la mortalité très élevée pour la faune sauvage. Par endroits, les incendies se propagent sous la matière organique sèche accumulée. Cela forme alors un piège mortel lorsqu’un animal marche dessus et que le sol s’effondre sous lui. »
La biodiversité exceptionnelle du Pantanal est donc plus que jamais en danger.
1 réponse to “Pantanal – la plus grande zone humide du monde prend feu”
21.09.2020
Danièle FAGOTTrès intéressant et précis, complet comme d’habitude, merci pour ce beau travail d’information