L’avenir se complique pour les éléphants d’Afrique. Alors que la communauté internationale semble vouloir freiner le commerce de l’ivoire – avec notamment Hong Kong, l’un de ses centres névralgiques, qui a annoncé son interdiction d’ici 2021 – plusieurs pays d’Afrique Australe veulent revenir sur ces positions.
Faire pression sur la communauté internationale
Les chefs d’Etat du Botswana, de Namibie, de Zambie et du Zimbabwe se sont réunis le 7 mai 2019 à Kasane (Bostwana), quelques jours avant l’ouverture de la Cop18 de la CITES. Au menu des discussions, le retour à plus de souplesse en ce qui concerne la chasse aux éléphants et le commerce mondial de l’ivoire.
Au terme de ces discussions, tous se sont mis d’accord pour « faire pression sur la communauté internationale » afin « d’alléger l’interdiction actuelle du commerce de l’ivoire des éléphants », rapporte Le Monde.
Symbole fort de cette prise de position, le président du Botswana – Mokgweetsi Masisi – a offert à ses invités de marque des tabourets… en pieds d’éléphants, d’après la BBC.
Ces quatre pays africains sont également soutenus par l’Afrique du Sud, absente de cette rencontre mais demandeuse d’une révision de la part de la CITES, qui encadre le commerce international des espèces.
Réguler les populations sauvages
Ces pays africains abritent le plus grand nombre de ces pachydermes au monde avec, en tête, le Botswana. A lui seul, il accueille en effet 130 000 des 415 000 éléphants recensés en Afrique en 2015.
Malgré le braconnage qui tue déjà 20 000 à 30 000 éléphants chaque année, tous veulent réguler davantage les populations sauvages. Principale raison invoquée : les conflits homme-faune et plus exactement la compétition pour les ressources alors que le changement climatique et la sécheresse qui touchent cette partie du monde compliquent la cohabitation.
« Même si leur nombre global diminue, il ressort clairement que des pays comme le Botswana et le Zimbabwe ont une population nombreuse. […] Alors que leur nombre augmente, les conflits entre éléphants et humains augmentent aussi […] en raison de la raréfaction des ressources et du changement climatique », ont ainsi déclaré les chefs d’Etat dans un communiqué commun.
Ces pays souhaitent donc pouvoir gérer les populations d’éléphants avec plus de facilité tout en profitant de cette régulation, notamment en obtenant l’autorisation de vendre leur stock d’ivoire. En contrepartie, l’argent servirait à financer la conservation de l’espèce.
« Les communautés méritent de tirer parti de l’utilisation durable des ressources naturelles, y compris les éléphants. D’autant plus que ce sont elles qui supportent le fardeau de vivre côte à côte de ces animaux », précise le communiqué.
Chasse et commerce de l’ivoire
En 1989, la CITES a inscrit l’éléphant d’Afrique en annexe I, interdisant ainsi son commerce international et, par la même occasion, celui de l’ivoire de ses défenses. Mais quelques années après, elle a assoupli les règles pour certains pays.
Ainsi, l’éléphant est inscrit à l’annexe II pour :
- Le Botswana depuis 1997 ;
- La Namibie depuis 1997 ;
- L’Afrique du Sud depuis 2000 ;
- Le Zimbabwe depuis 1997.
Dans ces pays, il est donc a priori autorisé de chasser les éléphants à condition de détenir les autorisations nécessaires. La Namibie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe autorisent d’ailleurs la chasse aux trophées. Seul le Botswana l’a interdite en 2014 mais le président récemment élu entend revenir sur cette stricte interdiction instaurée par son prédécesseur.
[MISE A JOUR] Le 21 mai 2019, le Botswana a levé l’interdiction de chasser l’éléphant sur son territoire.
En revanche, le commerce international de l’ivoire reste interdit. C’est sur ce point précis qu’il y a désaccord.
Cette volonté d’infléchir la réglementation mondiale n’est pas nouvelle. En 2016, la Namibie et le Zimbabwe avaient déjà demandé à sortir de l’annexe II lors de la Cop17. Cette proposition, qui revenait à autoriser le commerce international de l’ivoire d’éléphant, a été refusée par la CITES.
Levée de boucliers chez les défenseurs des animaux
Le sujet de la chasse aux trophées pour financer la conservation d’espèces menacées fait débat partout dans le monde. Certains préconisent d’utiliser l’argent récolté lors de ces chasses pour financer la préservation des espèces, tout en régulant des populations sauvages en croissance en prélevant un certain type d’individus, tandis que d’autres estiment qu’une telle pratique n’est tout simplement pas envisageable.
Les défenseurs de la faune ont déjà fait connaître leur désaccord à l’égard de la position du Botswana, de l’Afrique du Sud, de la Namibie, Zambie et du Zimbabwe. Ils ont rappelé le poids du braconnage, qui constitue la principale menace pour les éléphants d’Afrique en raison de la cherté de leurs défenses sur le marché asiatique et européen.
Les détracteurs pointent également du doigt le rôle clé des éléphants dans le tourisme de ces pays, et notamment le Botswana, spécialisé dans les safaris haut de gamme. Dans ce pays, le tourisme constitue la deuxième source de revenus étrangers après les diamants et une manne considérable pour l’économie du pays. Pour eux, autoriser la chasse de ces pachydermes nuirait à l’image du pays en tant que destination touristique pour l’observation de ces animaux dans leur milieu naturel.
Les décisions de la CITES dans le viseur
Ces débats houleux trouveront un début de réponse à l’issue de la Cop18 de la CITES, qui se tiendra du 23 mai au 3 juin au Sri Lanka. Trois propositions au sujet de l’éléphant d’Afrique seront étudiées :
- Proposition n°10 soutenue par la Zambie : passer de l’annexe I à II les éléphants de Zambie ;
- Proposition n°11 soutenue par le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe : assouplir les règles de l’annexe II dans les pays concernés ;
- Proposition n°12 soutenue par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Kenya, le Liberia, le Niger, le Nigeria, le Soudan, la Syrie et le Togo : renforcer la protection de tous les éléphants d’Afrique en les inscrivant de l’annexe II à I.
La CITES saisira-t-elle l’occasion de protéger uniformément l’éléphant d’Afrique sur son aire de répartition ou, au contraire, entamera-t-elle une nouvelle ère placée sous le signe de moins de protection ?
par Jennifer Matas
1 réponse to “Des pays africains militent pour le commerce international de l’ivoire”
27.06.2019
Isimat- Mirin PatriciaUne des propositions à faire à l’ensemble des pays concernés par la levée des interdictions pourrait être la cession des animaux en trop à des pays voisins qui n’en n’ont pas. Cela servirait à repeupler les pays d’Afrique de l’Ouest et même d’Afrique centrale et d’Afrique du Nord! Reste la question du transport de ces animaux en trop et sa prise en charge! qui va les transporter et qui va payer?
merci de bien vouloir répercuter cette idée qui permettrait au groupe du Botswana de tirer son épingle du jeu!