Qui n’a jamais entendu parler des « continents de plastique« , ces amas de déchets dérivant au milieu des océans ? Le premier fut découvert en 1997 par Charles Moore, un navigateur américain, au large des côtes californiennes. Depuis, les scientifiques de tout bord savent que le Pacifique n’est pas un cas isolé. Les océans Atlantique et Indien sont aussi touchés à divers degrés. Le plastique recouvre les eaux du globe, formant parfois des plaques d’une superficie dépassant six fois celle de la France ! Du zooplancton, socle sur lequel repose toute la chaîne alimentaire marine, aux baleines ou aux oiseaux pêcheurs, des centaines d’espèces différentes ont déjà été contaminées. L’un des derniers exemples en date remonte à quelques mois à peine : les autopsies de treize cachalots échoués sur une plage du nord de l’Allemagne ont révélé que la cause de la mort était liée au plastique. L’un avait ingéré un filet de pêche de treize mètres, l’autre une pièce d’automobile de 70 centimètres…
Comment sont créés les continents de plastique ?
Plus de 310 millions de tonnes de plastique ont été produites en 2014, contre 299 millions en 2013. A titre de comparaison, la production mondiale avoisinait 200 millions de tonnes en 2002. Depuis le début des années 2000, l’industrie a créé plus de plastique que durant tout le XXème siècle. En Europe, la France en est le troisième consommateur, loin derrière l’Allemagne et l’Italie. Cette statistique est toutefois à relativiser, les politiques de gestion des déchets étant très différentes d’un pays à l’autre : outre-rhin, par exemple, l’interdiction de l’enfouissement a conduit à une forte augmentation du recyclage (moins de 2 % des déchets y sont enterrés contre 40 % en France). Consommer plus de plastique ne signifie donc pas nécessairement polluer plus.
Dans le monde, 5 % seulement des 300 millions de tonnes produites en 2014 ont été recyclées. En parallèle, on estime que 6 à 7 millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans les océans. S’il est possible de se rassurer en songeant que l’Europe recycle en moyenne 25 % de ses déchets ou que des décharges à ciel ouvert existent en Chine, il serait trop facile de croire que nous sommes irréprochables. Chacun se souvient du récent nettoyage du canal Saint-Martin, en France, où on a découvert canettes, capsules, gobelets et sacs plastiques, mais aussi télévisions, poussettes, vélos ou motos. Partout dans le monde, les déchets se désagrègent lentement en micros-fragments, transitent par les égouts, échappent aux éventuelles stations d’épuration… et rejoignent les cours d’eau.
Des déchets prisonniers des gyres océaniques
Les déchets rejetés sont ensuite emportés par le courant et dérivent sur des centaines, parfois des milliers de kilomètres. Ils gagnent les gigantesques gyres océaniques, tourbillons formés par les courants marins et s’étalant sur des millions de kilomètres carrés, puis y sont emprisonnés. Des plaques de débris plastiques se forment ainsi à la surface des océans et sont condamnées à y rester : le plastique ne disparaîtra qu’après plusieurs siècles de lente décomposition.
Durant de longues années, le phénomène est passé relativement inaperçu. Il faut attendre 1997 pour qu’un navigateur américain, Charles Moore, découvre avec son équipage le premier continent plastique. Après avoir participé à la Transpacifique, une course reliant Los Angeles à Honolulu (Hawaï), il décide de revenir vers le continent en utilisant une route maritime très peu fréquentée. Celle-ci coupe le gyre du Pacifique Nord, dont la surface est de 34 millions de kilomètres carrés, soit deux fois celle de la Russie. Les pressions y sont basses, le vent très faible, les pêches pauvres : peu de marins s’aventurent dans cette région du Pacifique, préférant la contourner par le sud.
La découverte du 7ème continent
Durant une semaine, aussi loin que ses yeux portent, Charles Moore navigue au milieu d’un océan recouvert de déchets : bouteilles, emballages, bouchons, fragments… Des millions de tonnes de débris flottent à la surface du Pacifique. A son accostage en Californie, Charles Moore échange avec des scientifiques, organise des études, lance des estimations. Les expéditions maritimes se multiplient et, au début des années 2000, le constat tombe, édifiant : pour un kilo de zooplancton d’origine naturelle, six kilos de pastique se décomposent au beau milieu de l’océan. Pneu de camion, tube cathodique de téléviseur, cintre en plastique, ballon de volley-ball, bouteille d’eau de javel… 80 % des déchets proviennent du continent. D’imposants débris flottent à la surface et de minuscules particules sont recueillies jusqu’à 100 mètres de profondeur. Pire encore, on retrouve au beau milieu de l’océan des « larmes de sirène« , minuscules billes à la base de toute l’industrie plastique : dès la sortie des usines, avant même d’être transformé et d’avoir une utilisation pour la société, le plastique échappe à son cycle de vie et pollue l’océan.
Cinq gyres, cinq soupes plastiques invisibles
De fait, le « continent » plastique n’en est pas un : il est impossible de l’aborder, de marcher dessus, ni même d’en estimer l’étendue par avion ou satellite. Les « larmes de sirène » et autres fragments forment ce qui s’apparente davantage à une « soupe plastique », indétectable depuis les airs. Les estimations de taille et de volume varient énormément : certaines simulations montrent que la plaque de déchets se limite à la taille de la France, d’autres la multiplient par six, et d’autres encore estiment qu’elle s’étale irrégulièrement sur pratiquement tout le Pacifique Nord.
Depuis 1997 et la découverte du premier de ces continents, de nombreuses expéditions ont été menées sur plusieurs océans : on sait aujourd’hui que le gyre du Pacifique Nord n’est pas le seul à avoir provoqué l’émergence de ces plaques de déchets. Les gyres de l’océan Indien, de l’Atlantique Nord et Sud, du Pacifique Sud sont également concernés. Au moins cinq plaques de déchets de tailles diverses flottent sur le globe comme autant de monstres engendrés par l’activité de l’Homme.
Près de 500 ans sont nécessaires à la dégradation d’une bouteille plastique. Si la lumière du soleil permet de transformer lentement les déchets en plus petits fragments, cela ne fait que multiplier le problème : ces micros-déchets intégreront d’autant plus facilement la chaîne alimentaire, sans être plus digestes pour autant.
Des additifs chimiques dans la graisse des baleines
Chaque année, 1,5 million d’animaux meurent d’indigestion après avoir confondu des déchets avec de la nourriture. Des plus petits poissons aux oiseaux marins, 300 espèces au moins sont concernées. Des albatros de Laysan ont été retrouvés avec l’estomac rempli de bouchons plastiques, des phoques s’étranglent dans des filets, des tortues s’étouffent avec des sacs plastiques. Une étude datée de 2013 a évalué que 30 % des poissons du Pacifique Nord avaient déjà absorbé des déchets plastiques au cours de leur vie. Plus grave, des prélèvements réalisés sur des rorquals communs de Méditerranée, des baleines de l’Atlantique ou des ours polaires ont permis de montrer que la graisse de ces mammifères contenait des retardateurs de flamme, additifs chimiques au plastique. De nombreux autres composés chimiques non solubles dans l’eau sont susceptibles d’intégrer eux aussi la chaîne alimentaire. Autour des continents de plastiques, DDT, PCB et autres polluants sont concentrés à des doses extrêmement élevées.
Partout, les études montrent que la chaîne alimentaire est perturbée. Dans l’Atlantique Nord, la vie microbienne s’est développée grâce à la soupe plastique. Dans le Pacifique, une espèce d’araignée d’eau, l’Halobates sericeus, prolifère grâce aux déchets. Les femelles pondent leurs oeufs sur les déchets, incubateurs rêvés, puis l’espèce prolifère, se nourrit de zooplancton, concurrence les espèces locales. Ce n’est qu’un exemple : d’autres espèces pourraient envahir ce nouvel écosystème à la faveur de nos poubelles.
Et pour l’Homme ?
Le bisphénol A et le DEHP, le phtalate le plus toxique, sont parmi les perturbateurs endocriniens les plus controversés et présentent un impact établi sur la fécondité des deux sexes. CD, DVD, verres de lunettes, téléphones portables ou ordinateurs, rideaux de douche, textiles imperméables… Ils sont partout. Des études menées aux Etats-Unis et au Canada donnent à penser que plus de 90% de la population présente une faible concentration de bisphénol A dans le sang. Ces composants n’existaient pas au XXème siècle : nos arrières-grands-parents n’en possédaient pas. Les normes établies promettent de protéger notre santé, mais qu’adviendra-t-il lorsque les dizaines de millions de tonnes de plastique se décomposeront au milieu des océans ? Qu’adviendra-t-il lorsque toute la chaîne alimentaire sera contaminée ? Quelles conséquences cela aura-t-il sur l’avenir de chaque espèce, du zooplancton à l’Homme ? Impossible de le savoir à l’heure actuelle.
Que faire contre ces poubelles flottantes ?
L’idée d’un grand nettoyage des océans est loin d’être aboutie mais plusieurs pistes sont à l’étude. La plus médiatisée est celle de Boyan Slat, un néerlandais âgé de 21 ans. Celui-ci projette de construire une sorte de barrage flottant au milieu des océans : les barrières retiendront les plastiques et les conduiront à une plate-forme d’extraction. La faisabilité même du projet est critiquée, comme celle de nombreux autres : le problème récurrent est de tenir compte de la vie marine, qui peut se développer sur ou autour des infrastructures.
En un siècle, 100 millions de tonnes de plastiques ont été rejetées à la mer. Aujourd’hui, les plages du monde entier sont couvertes de fragments microscopiques. Même si l’industrie cessait sa production aujourd’hui, le problème des continents de déchets ne serait pas résolu. La priorité semble de cesser d’alimenter les poubelles flottantes au large de nos côtes : un vrai travail de sensibilisation doit être effectué. Une utilisation raisonnée, le développement de plastiques biodégradables et l’accroissement du recyclage paraissent indispensables mais, comme pour le réchauffement climatique ou la sixième extinction de masse, ils nécessitent une forte implication politique. Le temps semble compté. En attendant, les déchets s’accumulent.
6 Réponses to “Le plastique à l’abordage de nos océans”
03.04.2018
georges WRemy Dominique, votre propos est certes intéressant, mais le ton polémique ne le rend pas crédible pour autant. Si vous connaissez des solutions industrielles viables, faites donc des propositions qui garantissent que des intérêts privés ne s’en mettront pas plein les poches.
03.04.2018
Thierry DEVANTOYQuelle est donc cette technique de filtration
Industrielle ? Est-il proposé de traiter les océans ou plutôt les déchets actuels de notre Conso ?
27.03.2018
COMBLEJe suis prête à écouter toutes les réponses…
selon vous comment peut-on s’attaquer à ce grave problème avec efficacité ?
Je recherche un moyen pragmatique pour aider…..
Organiser des journées de collecte au bord des plages….après tous les cotes sont des pièges pour les ordures ?
Donner des sous à Greenpeace pour qu’il s’attaque à la source c’est-à-dire aux producteurs de plastique eux même en les mettant face a leurs responsabilités ?
Qu’avez vous à proposer de concret ? Je cherche un moyen d’agir vraiment
Un grand merci pour votre réponse
28.03.2018
CaroBonjour,
– « selon vous comment peut-on s’attaquer à ce grave problème avec efficacité ? »
Je pense que le premier moyen est de gérer sa propre consommation de plastique : en consommant le moins possible, nous jetons moins de plastique et ne donnons pas notre argent aux fabricants.
En agissant petit à petit on se rend compte que c’est possible, et surtout on montre l’exemple à notre entourage qui peut à son tour prendre conscience et agir, et la boucle est lancée. 😉
J’ai beaucoup aimé une citation que je viens de lire dans un article tout aussi intéressant, sur l’extinction de masse que nous connaissons en ce moment (la citation peut aussi se reporter au plastique):
« La solution serait peut-être celle proposée par le géologue Mark Williams, de l’université de Leicester, auteur d’une étude récente sur la sixième extinction : « Il n’est pas besoin de blâmer quelqu’un pour ce qui est en train de se passer, car les humains n’ont pas volontairement planifié cette situation. A l’inverse, nous devons reconnaître que nous avons un impact qui change la donne sur cette planète, que nous sommes tous responsables et que nous devons être les intendants de la nature (étant une partie de celle-ci), plutôt que nous comporter comme des enfants saccageant un magasin de bonbons. »
Voici le lien de l’article s’il vous intéresse : https://www.nouvelobs.com/sciences/20170710.OBS1911/urgence-pour-la-biodiversite-la-sixieme-extinction-est-en-marche.html
Pour vos autres questions je n’ai pas vraiment de réponse concrète, je dirais que oui il vaut mieux utiliser notre temps libre à sauver la planète, et oui il vaut mieux donner son argent à Greenpeace, Amnesty International, etc. qu’à Mc do où Coca par exemple. 🙂
Pour finir, voici une pétition qui devrait vous intéresser : https://secure.avaaz.org/fr/petition/Contre_la_pollution_des_oceans_par_les_matieres_plastiques/?cUDDRfb&utm_source=sharetools&utm_medium=copy&utm_campaign=petition-62217-Contre_la_pollution_des_oceans_par_les_matieres_plastiques&utm_term=UDDRfb%2Bfr
Bonne fin de journée à vous,
Caro
09.02.2018
REMY DominiqueAh les continents plastique vaste sujet.
À écouter tous ces bla-bla de soi-disant spécialistes il paraîtrait que nettoyer les Oceans est impossible
Il paraît aussi que la seule façon est de faire du préventif, d’indiquer aux gens qu’il ne faut pas jeter les plastiques mais une petite question messieurs, les particules de plastique qu’il y a actuellement dans les océans et que les poissons mangent elles deviennent quoi?, bah c’est simple Les poissons ayant une plus grande gueule que l’anus , les micro particules sont et restent coincées dans les estomacs ou dans les intestins.
Peu de vrais scientifiques ou spécialistes annoncent qu’il y a un trou dans la chaîne alimentaire puisque des poissons de la taille des maquereaux ou des maquereaux loups de mer Meurent .
Les nanos particules sont ingérées par des alevins et les font mourrir aussi
Personne ne parle des méduses en surnombre dans les continents plastiques
Personne non plus ne parle des insectes colonisateurs de surfaces alors que déjà ces deux phénomènes perturbent l’écosystème
Nous avons mis au point une technique complète de collecte de filtration de l’eau Un traitement de ces déchets pour en refaire une matière noble et nous avons vraiment du mal à porter cette bonne et vrai nouvelle aux médias
Alors que d’autres crient haut et fort l’impossibilité d’une filtration puisque en répandant cette grande nouvelle ils restent les seuls à jouer avec leurs épuisettes et surtout toucher des subventions et ainsi promener dés objecteurs de conscience qui distille un air de musique soporifique
Nous travaillons depuis plus de 40 ans dans la filtration industrielle et connaissons bien notre travail
Toutes les particules nocives actuellement connues sont traitées alors pour l’eau aucun soucis
Petite info sérieuse: chaque seconde qui passe 400 kg de plastiques par aux océans
Ça fait réfléchir sur la grandeur du phénomène
Ne penser vous pas qu’il faut faire autre chose que de se promener aux frais de la princesse et écoper avec vous petites épuisettes les océans en pensant que vous seuls avez la solution
Les enjeux se chiffrent en milliards d’euros de chiffres d’affaire
Peut être attendez vous la découverte d’une baguette magique qui va traiter le problème ?
On nous a même indiquer d’une sorte de chenille mangeait ce plastique
Combien y ont crus?
Enfermez un frelon dans un sac plastique et vous verrez bien que le frelon croque dans la menbrane de plastique pour s’echapper Mais il ne mange pas le plastique pour autant
On va peut être apprendre que cette chenille est capable de refaire quelque chose de comestible pour l’humain à moins que l’on perfuse la chenille pour nous injecter ce gène qui va nous permettre de manger nous aussi du plastique
Mais que va t’on laisser à nos petits enfants ? L’art de manger du plastique?
Et la encore les médias vont nous chanter cette fameuse musique avec la phrase qui va bien
Ais confiance
Et le jeune avec ses filets de 100 km de long en plein océans, un essai a été réalisé en mer du nord avec seulement 100 mètres , personne ne dit que ce procédé soit disant révolutionnaire a cassé au bout de 2 mois combien y ont crus aussi?
Personne ne parle vraiment de recyclage de ces plastiques non plus d’ailleurs
Les vrais scientifiques l’ont criés haut et fort mais personne n’entendait