
Une espèce de poisson d’eau douce sur cinq est menacée ou quasi menacée de disparition en France. C’est l’inquiétant constat dressé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB), rendu public le 11 juillet 2019.
Des poissons toujours plus menacés
« Neuf ans après le premier état des lieux, la mise à jour de la liste rouge des espèces menacées montre une situation toujours préoccupante pour les poissons d’eau douce dans l’Hexagone : sur les 80 espèces de notre territoire, 15 apparaissent menacées de disparition, résument les trois organismes. Le bilan s’aggrave même, puisque 39% des espèces sont désormais menacées ou quasi menacées contre 30% en 2010. »
Dans le détail :
- 4 espèces sont considérées « en danger critique » (CR) d’extinction ;
- 6 espèces sont « en danger » (EN) ;
- 5 également sont classées « vulnérables » (VU) par l’UICN.
Soit au total 15 des 80 espèces répertoriées en France métropolitaine.
Les espèces de poissons d’eau douce menacées en France
Les principales menaces qui pèsent sur ces espèces sont la destruction et la dégradation de leurs milieux naturels. Disparition des zones humides, assèchement des marais, construction de digues qui altèrent les cours d’eau et pollution bouleversent les habitats des poissons d’eau douce qui vivent en France. Réduisant par la même occasion leur nombre.
Les poissons en danger critique d’extinction (CR)
Les poissons d’eau douce les plus menacés sont classés dans la catégorie « en danger critique » par l’UICN. Il s’agit du dernier stade avant l’extinction dans la nature. La situation de ces poissons est donc plus que préoccupante et ils pourraient disparaître de nos cours d’eau, étangs et lacs dans un futur proche.
Quatre espèces sont concernées :
- l’esturgeon commun d’Europe (Acipenser sturio), dont la population sauvage ne vit plus aujourd’hui que dans l’estuaire de la Gironde. Au 19ème siècle, cette espèce était pourtant présente dans tous les fleuves d’Europe, mais la pêche intensive dont il a fait l’objet – pour sa chair et ses œufs qui servent à la fabrication du caviar – ont décimé ce poisson, dont la pêche est pourtant interdite depuis 1982 en France ;
- la grande alose (Alosa alosa), un poisson migrateur lui aussi autrefois très répandu en Europe. Il vit la majeure partie de sa vie en mer mais remonte les fleuves pour frayer, mais les récentes constructions de grands barrages compliquent parfois sa migration et donc sa reproduction. Sans compter que l’espèce est, elle aussi, victime de la pêche ainsi que de la pollution de l’eau ;
- l’anguille d’Europe (Anguilla anguilla), qui vit toute sa vie – environ 20 ans – dans les eaux douces européennes avant de partir se reproduire dans la mer des Sargasses. La principale menace qui a conduit à sa disparition est la pêche. Au stade alevin, l’anguille d’Europe porte le nom de « civelle » et constitue un mets d’exception, très recherché. L’espèce est désormais protégée, mais le braconnage se poursuit ;
- le chabot du Lez (Cottus petiti), un petit poisson mesurant moins de 6 cm et uniquement présent, comme son nom le laisse entendre, dans le Lez qui coule dans l’Hérault.
Les poissons en danger d’extinction (EN)

Omble chevalier (Salvelinus alpinus).
A un niveau inférieur mais toujours menacé, se trouvent six espèces de poissons d’eau douce considérées comme en danger en France :
- la loche léopard (Barbatula leoparda), endémique de la Catalogne française et identifiée récemment comme étant une espèce à part ;
- la loche d’étang (Misgurnus fossilis), qui vit dans les étangs peu profonds et les lacs à fond vaseux, dans lesquels elle reste enfouie toute la journée avant de s’activer à la tombée de la nuit. Ses principales menaces sont l’assèchement des lieux où elle vit et leur pollution ;
- la lamproie marine (Petromyzon marinus) qui, bien que vivant principalement dans la mer comme son nom l’indique, fait partie de cette étude sur les espèces de poissons d’eau douce de France en raison de sa migration vers les rivières et fleuves au moment de la reproduction ;
- l’omble chevalier (Salvelinus alpinus), très prisé pour sa chair et donc pêché en abondance dans les lacs où il vit ;
- le chevesne catalan (Squalius laietanus), uniquement présent en France en Catalogne ;
- l’apron du Rhône (Zingel asper), dont l’habitat est très fragile. Ni pêché ni menacé par un prédateur en particulier, ce petit poisson a en revanche vu sa population réduire comme peau de chagrin en raison des barrages, écluses et autres dérivations construites au cours du temps dans son milieu, ce qui l’a empêché de se reproduire dans de bonnes conditions. Heureusement, grâce à un Plan National d’Actions (PNA) initié en 2012, l’apron du Rhône va mieux. Il reste toutefois en danger d’extinction.
Les poissons classés « vulnérables » (VU)

Brochet commun (Esox lucius).
Les espèces de cette catégorie sont censées être un peu mieux loties que les autres poissons cités dans cet article car considérées comme « vulnérables » à l’extinction. Ces cinq espèces sont toutefois menacées :
- le brochet aquitain (Esox aquitanicus), l’une des trois espèces de brochets présentes en France avec le grand brochet (Esox lucius) et le brochet du sud (Esox cisalpinus). Son aire de répartition est plutôt réduite et se chevauche avec celle du brochet commun. Une mauvaise nouvelle pour l’espèce puisqu’elle s’hybride avec cette dernière, ce qui représente une menace de taille pour la préservation de son patrimoine génétique ;
- le brochet commun (Esox lucius), évoqué précédemment, est lui aussi menacé d’extinction ;
- la lamproie de rivière (Lampetra fluviatilis), présente essentiellement dans les régions de l’Ouest de la France. Comme l’anguille d’Europe, elle est menacée par la surpêche, les grands barrages qui empêchent sa migration et la pollution des cours d’eau ;
- la lote de rivière (Lota lota), à ne pas confondre avec la lotte de mer, très répandue sur les étals des poissonneries et qui est en fait le nom commercial donné à la queue de la baudroie, une espèce marine ;
- l’ombre commun (Thymallus thymallus), affecté par la crise climatique et plus précisément par l’augmentation de la température des eaux en été et la diminution simultanée des débits qui réduisent son aire de répartition.
par Jennifer Matas
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