Sur une superficie proche de la moitié de la France, la Pologne compte certains des sites naturels les mieux préservés d’Europe. Jusqu’alors méconnue, la biodiversité du pays commence à être documentée mais sa sauvegarde peut faire l’objet de conflits avec l’Union Européenne. Exemple avec deux territoires majeurs aux destins différents.
La forêt de Białowieża : objet de discorde avec l’UE
Au premier rang des sites naturels les plus importants de Pologne, la forêt de Białowieża est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et classée site Natura 2000. Cette vaste forêt qu’on dit volontiers « la mieux préservée d’Europe » est l’une des dernières forêts primaires d’Europe. Dans ses 150 000 hectares, elle abrite une biodiversité particulièrement riche et compte, selon l’Unesco, pas moins de 12 000 espèces d’invertébrés, 250 espèces d’oiseaux, 59 espèces de mammifères mais aussi la plus grande population de bisons d’Europe sauvages. Riche en bois mort, elle est également le terrain propice au développement de champignons. Mais voilà, depuis 2012, un coléoptère du nom de bostryche typographe fait vivre l’enfer aux épicéas très présents dans la forêt. Pour les protéger, la Pologne décide en 2016 l’abattage de 180 000 m3 d’arbres sur une période de dix ans, au lieu des 40 000 m3 initialement prévus. La Commission européenne dépose un recours contre la Pologne en juillet 2017 pour empêcher cette déforestation. En novembre, le conflit s’envenime et dans un jugement en référé, la justice européenne menace le pays de pénalités s’il ne cesse pas « immédiatement » les abattages. Les engins forestiers sont rappelés mais la Pologne poursuit ses coupes, légales selon elle puisque destinées à freiner la prolifération d’une espèce invasive dévastatrice. Mais le 17 avril 2018, la Cour de justice de l’Union européenne juge illégales les actions du pays. Prochain épisode ? La Pologne a annoncé qu’elle se conformerait à la décision de l’Europe et devrait cesser ses coupes dans la forêt protégée.
Le Parc national de Bieszczady : une nature authentique
Moins célèbre que le Parc National de Białowieża créé en 1932, celui de Bieszczady – qui ne date que de 1973 – est pourtant presque trois fois plus grand ! Situé dans la chaîne de montagne des Carpates, dans le sud-est de la Pologne, Bieszczady possède une faune et une flore très différentes de son pendant nordique. Si un groupe de bisons d’Europe en provenance de la forêt de Białowieża a bien été réintroduit dans les années 1960, leur chasse a été autorisée pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, la région accueille 400 bisons mais bien peu vivent dans le Parc national lui-même. Pourtant, ce parc est remarquable à plus d’un titre. Selon Marc Michelot – de l’Association Arthen – qui a publié un article sur ce territoire dans le dernier numéro du Courrier de la Nature, revue de la Société nationale de protection de la nature (SNPN), « La Réserve de biosphère des Bieszczady représente une des rares références en Europe pour la découverte et l’étude d’une nature véritablement authentique où la grande faune tient, pour une fois toute sa place. La « pyramide écologique » y est pratiquement complète. » En effet, le parc accueille plus 700 variétés de plantes et quelques 300 espèces de lichens. Côté faune, Marc Michelot explique qu’on y trouve des espèces endémiques comme le triton des Carpates, mais également des animaux qui sont aujourd’hui devenus rares en Europe occidentale comme le râle des genêts ou le castor qui « occupe la plupart des cours d’eau ». Enfin, les grands mammifères ne sont pas en reste et la pyramide alimentaire compte de grands carnivores comme le loup et le lynx ainsi que de grands herbivores avec des cerfs élaphes à profusion.
Les raisons de cette richesse, le président d’Arthen les trouve du côté de l’Homme, non pas pour sa protection mais par son absence. En effet, le Parc national de Bieszczady aurait une particularité : l’agriculture intensive y est absente et l’élevage a quasiment disparu de ce territoire. Pas de concurrence pour les ressources, pas d’empiétement sur le territoire : sans doute les clés d’une protection environnementale réussie.
par Cécile Arnoud
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