Fin juillet, le journal collaboratif Mongabay lance l’alerte. Hystrix pumila, le porc-epic des Philipplines classé vulnérable sur la liste UICN, pourrait devenir en l’espace de quelques années le « prochain pangolin », c’est-à-dire le mammifère le plus braconné au monde. Zoom sur cette espèce peu connue des occidentaux.
Un porc-épic de petite taille
Le porc-épic des Philippines est endémique de l’île de Palawan où il était considéré comme une espèce commune avant de perdre un tiers de sa population en l’espace de 20 ans. Il fait partie des porcs-épics dits de l’Ancien Monde, en opposition à ceux du Nouveau-Monde, c’est-à-dire du continent américain. Mais tous ont bien sûr en commun les fameux piquants qui leur permettent de se défendre face aux prédateurs. De mœurs nocturnes, le porc-épic philippin est un animal de petite taille comparé au plus célèbre porc-épic africain puisqu’il ne dépasse pas les 20 cm.
On le trouve dans les milieux forestiers mais aussi dans les prairies où il se nourrit principalement de végétaux et occasionnellement d’insectes. Ce petit mammifère est capable de parcourir plus de 15 km la nuit pour se nourrir avant de revenir s’abriter dans sa tanière.
Une espèce menacée en déclin
L’espèce est en déclin pour plusieurs raisons. La première n’étonnera personne puisqu’elle est la cause la plus importante de disparition des espèces : il s’agit de la perte d’habitat. « Aux Philippines, de 1950 à 1990, le couvert forestier a régressé de 75 % à moins de 25 % du territoire sous les coups des sociétés d’exploitation forestière et ceux des migrants ruraux », explique Jean-Michel Lebigre dans son étude sur la « Déforestation et dégradation des écosystèmes littoraux aux Philippines ».
L’île de Palawan ne fait pas exception. L’homme empiète toujours plus sur les milieux naturels privant la faune de son habitat, de sa nourriture et aggravant les conflits homme/animal.
La seconde cause de mortalité de cette espèce vulnérable à l’extinction est la chasse. Hystrix pumila est en effet chassé pour être tout simplement consommé. C’est même une source de nourriture importante pour plusieurs populations locales.
Enfin, la dernière cause de déclin de la population Hystrix pumila est la capture pour le marché des animaux domestiques.
Le futur pangolin ?
En soit, des menaces somme toute habituelles, malheureusement. Alors pourquoi le cas de ce porc-épic inquiète particulièrement ?
Eh bien la raison se situe dans son estomac. Comme le grand cachalot, Physeter macrocephalus, longtemps tué dans le but d’obtenir de l’ambre gris, une sécrétion formée dans son intestin, certains porcs-épics des Philippines ont dans l’estomac un bézoard.
Un bézoard qu’est-ce donc ? Popularisé par la série de livres et de films Harry Potter, un bézoard est un amas solide de déchets végétaux ou de poils qui se forme dans l’estomac et que l’animal n’arrive pas à digérer. Poétiquement surnommé « perle d’estomac », ces boules solides ne sont pas systématiques et ne sont pas connues que chez Hystrix pumila, mais l’espèce semble en présenter davantage que d’autres.
Le problème c’est que depuis longtemps déjà, les bézoards sont très recherchés dans la médecine traditionnelle pour leurs propriétés curatives. D’ailleurs, Harry Potter lui-même l’utilise comme anti-poison pour sauver son ami Ron. Le mot « bézoard » est dérivé du persan « padzhar » qui se traduit littéralement par « antidote ». Dans la vraie vie, de nombreux patients en phase terminale ou atteints de longue maladie en consomment. Une utilisation qui rend l’espèce Hystrix pumila très recherchée et qui explique aussi son déclin. Sa situation pourrait empirer du fait de la raréfaction d’un autre animal également recherché en médecine traditionnelle : le pangolin.
Ce qui fait dire à Indira Lacerna-Widmann, cheffe de l’association Katala Foundation Inc, interrogée par le site Mongabay, que le porc-épic des Philippines pourrait être le « prochain pangolin du commerce illégal d’espèces sauvages en raison de la popularité croissante des bézoards sur le marché ».
Une espèce peu protégée légalement
Cette demande croissante pour les bézoards finit par menacer l’existence même de l’espèce, comme c’est actuellement le cas de plusieurs pangolins asiatiques. Sauf que contrairement à eux, Hystrix pumila n’est pas protégé légalement. Il est chassé et non braconné. La distinction est dans la loi. Le porc-épic des Philippines n’est pas inscrit sur les listes de la CITES, son commerce n’est donc pas régulé.
L’inscription de l’espèce en Annexe II de la CITES pour réglementer son commerce est d’ailleurs la principale recommandation de trois chercheurs qui ont publié l’étude « Valuable stones: The trade in porcupine bezoars » sur ScienceDirect en décembre 2020.
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