Le 13 avril 2019, la dernière femelle connue de cette espèce – Rafetus swinhoei – mourait dans un zoo chinois à l’âge de 90 ans, des suites d’une anesthésie en vue de l’inséminer. Le monde entier avait été ému par cette annonce, qui a fait le tour de la presse internationale. Surtout, elle a laissé un amer sentiment de fatalité, comme si le sort de cette espèce était scellé. Mais des scientifiques ne veulent pas abandonner.
La tortue géante du Yangtsé, un symbole
Les tortues géantes de Yangtsé tiennent une place très importante dans la culture locale. Elles sont à l’origine de plusieurs légendes et l’observation de l’une d’elle est censée porter chance.
La disparition de l’une de ces tortues géantes est à chaque fois un tragique événement. D’autant que l’espèce est au bord de l’extinction, décimée par la pollution de l’eau, la disparition de son habitat naturel et le trafic d’animaux sauvages.
Désormais, il ne reste plus qu’un mâle, en captivité dans ce même zoo, et deux individus de sexe inconnu repérés en liberté, au Vietnam.
Pour autant, des scientifiques veulent poursuivre leurs efforts et tenter d’empêcher l’extinction de cette tortue géante – la plus grande d’eau douce au monde – sur Terre.
Retrouver des individus dans la nature
Tous espèrent en effet retrouver d’autres individus dans la nature, comme ils l’ont fait lors de précédentes expéditions au nord Vietnam qui ont permis la découverte des deux individus mentionnés plus haut.
Ces tortues vivent dans des lacs séparés – Dong Mo et Xuan Khanh – et n’ont pas pu être sexées pour l’instant. Mais elles sont la preuve que d’autres spécimens peuvent encore vivre dans la nature.
Les scientifiques travaillent donc main dans la main avec les gouvernements chinois et vietnamiens pour tenter de les trouver et ainsi, essayer de sauver l’espèce. Ils utilisent tout un éventail d’outils et méthodes pour explorer d’autres lacs environnants.
« Si des individus de sexe différent sont identifiés, nous espérons les rassembler afin de les reproduire », commente la Wildlife Conservation Society (WCS).
Sauvée par la science ?
Autre facteur d’espoir, la science. Le dernier couple vivant au zoo de Suzhou en Chine n’arrivait pas à se reproduire. En cause : l’organe sexuel du mâle est sévèrement endommagé.
C’est pourquoi des inséminations artificielles ont été tentées. Au bout de la cinquième tentative, la femelle ne s’est pas réveillée de l’anesthésie et est décédée 24 heures après.
En revanche, l’opération s’est bien déroulée pour le mâle, dont la semence – de bonne qualité cette fois – a été récoltée avec succès. Si l’on retrouve une autre femelle, une nouvelle opération d’insémination sera probablement tentée.
Dès l’été 2019, les scientifiques devraient par ailleurs effectuer de nouvelles expéditions dans les lacs Dong Mo et Xuan Khanh afin de déterminer si l’une des tortues est une femelle. Cela est désormais possible sans trop perturber l’animal, depuis que des avancées ont été faites dans ce domaine.
Urgence pour la tortue géante du Yangtsé
Le triste sort de la tortue géante du Yangtsé est l’exemple même de l’importance de fournir très tôt des efforts de conservation pour éviter le déclin rapide d’une espèce. Dans son cas, les mesures ont été prises trop tard.
« Cette tortue géante est devenue le symbole de ce qui peut arriver si nous ne reconnaissons pas et si nous ne traitons pas rapidement les menaces qui pèsent sur une espèce », déclare Rick Hudson, président de la Turtle Survival Alliance (TSA).
Il reste encore des chances d’éviter son extinction immédiate. Mais il faut faire vite, car les deux lacs où vivent les derniers spécimens connus ainsi que les autres lacs environnants pouvant abriter l’espèce sont fortement exploités par la pêche. L’une d’elles pourrait être capturée accidentellement dans un filet de pêche et mourir avant d’avoir été retrouvée par les scientifiques.
En 2008, la tortue de Dong Mo s’est ainsi retrouvée piégée dans les filets d’un pêcheur. « Il a fallu six heures de négociations entre les volontaires des ONG, la police, les cadres locaux et le pêcheur pour sauver l’animal », raconte le New Yorker. Il peut aussi arriver que des tortues soient tuées pour être mangées. Cette menace est donc sérieuse.
Le Yangtsé, un milieu à la faune fragilisée
La tortue à carapace molle du Yangtsé n’est malheureusement pas la seule espèce en voie d’extinction dans cette zone.
Ce fleuve, aussi appelé « fleuve bleu », coule sur plus de 6 000 km, ce qui en fait le fleuve le plus long d’Asie et le troisième plus long au monde après l’Amazone et le Nil.
Depuis sa source dans les montagnes tibétaines jusqu’à son terme, dans la mer de Chine orientale, il traverse des milieux variés à la faune unique et bien souvent menacée par l’homme.
La construction du barrage des Trois Gorges – le plus grand au monde – a notamment bouleversé de nombreux habitats, dont celui des dauphins de Chine et des grues de Sibérie. La zone est également menacée par la fonte des glaces, la déforestation et l’expansion des cultures.
La lutte pour la conservation de la tortue à carapace molle du Yangtsé passe par la protection de son milieu naturel et la sensibilisation du public, et les efforts doivent être maintenus. Même s’il est trop tard pour cette espèce – ce qui n’est pas encore certain – ces efforts serviront aussi à protéger les autres animaux qui peuplent les environs, et dont le sort reste conditionné à la gestion raisonnée de ce milieu.
par Jennifer Matas
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