Une équipe internationale, menée par Tecumseh Fitch (Université de Vienne) et Asif Ghazanfar (Université de Princeton), a publié une étude remettant en cause un consensus scientifique en vigueur depuis plus de 50 ans : oui, les singes sont anatomiquement prêts à parler, seul leur cerveau doit encore évoluer.
Capacités vocales des singes : des moules en plâtre jusqu’aux rayons X
Les premières études modernes concernant les capacités vocales des singes remontent à la fin des années 60. A l’époque, les chercheurs effectuaient leurs expériences à partir de cadavres de primates. En utilisant des moulages en plâtre, ils reproduisaient une partie du canal vocal de macaques rhésus et de chimpanzés, ce qui correspond grossièrement à l’ensemble « larynx – langue – lèvres ». Après avoir analysé les résultats à l’aide d’un ordinateur, ils avaient finalement conclu que les primates (hors Homo-sapiens) étaient anatomiquement incapables d’acquérir la parole.
Une nouvelle étude publiée le 9 décembre a cependant battu en brèche cette hypothèse : la raison se trouverait plutôt dans le cerveau des primates. L’appareil phonatoire des singes, et plus particulièrement celui des macaques, semble en effet offrir des capacités bien plus larges qu’on ne le pensait. Des scientifiques l’ont observé aux rayons X dans 99 situations très diverses : afin d’obtenir des relevés aussi précis que possible et d’être en mesure de reconstituer l’ensemble du système respiratoire supérieur, la radiographie a bien évidemment été menée alors que les macaques émettaient des sons, mais aussi pendant qu’ils se nourrissaient, s’embrassaient ou baillaient, des expressions faciales communes chez les primates. Ces observations ont ensuite permis de reproduire informatiquement leur conduit vocal avec une bien plus grande fidélité que ne le permettaient les moulages en plâtre et, à l’aide de simulations, de les faire parler comme s’ils étaient pilotés par un cerveau humain.
Les primates prêts à tenir un discours intelligible
Les conclusions sont surprenantes ! Au moins cinq voyelles de l’anglais américain, celles présentes dans les mots « bit », « but », « bought », « bat », « bet », pourraient être prononcées par un singe. Les consonnes n’ont, quant à elles, jamais été considérées comme des obstacles majeurs à l’apprentissage de la parole chez les primates : les scientifiques estiment qu’elles seraient « aisément accessibles ». Emplacement de la langue, ouverture de la bouche, position des lèvres… Tout indique que les macaques sont anatomiquement capables d’émettre suffisamment de sons pour produire des milliers de mots différents, soit plus qu’il n’en faut pour tenir un discours cohérent. Une véritable révolution !
Les scientifiques ont même pu simuler certaines phrases simples, telles que « Will you marry me ? »… et la voix, bien que nettement différente de celle d’un humain, reste intelligible.
Voix de femme humaine resynthétisée avec une source parasite
Voix de primate (non Homo sapiens) resynthétisée avec la même source parasite
Le seul obstacle à l’apprentissage de la parole chez les primates (non Homo sapiens) semble donc être le cerveau : leur appareil vocal est prêt à l’emploi.
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