Le tigre de Chine méridionale est-il condamné ?

Il existe moins de 5000 tigres en milieu sauvage à travers le continent asiatique. C’est déjà mieux qu’en 2011, où on dénombrait seulement 3200 individus, mais des sous-espèces sont toujours aujourd’hui menacées d’extinction et particulièrement le tigre de Chine méridionale. Point de situation à l’occasion de la Journée mondiale du tigre ce 29 juillet 2021.

Le tigre ou les tigres ?

Il existe bien une seule espèce de tigre mais six sous-espèces encore vivantes, séparées géographiquement avec chacune leurs particularités. Malheureusement, trois sous-espèces de tigres sont déjà éteintes sans aucun individu n’évoluant en captivité. Il s’agit du :

• tigre de la mer Caspienne – Panthera tigris Virgata – éteint en 1970,
• tigre de Java – Panthera tigris Sondaica – éteint en 1979,
• tigre de Bali – Panthera tigris Balica – éteint en 1937.

Concernant les six autres sous-espèces, trois sont classées « en danger d’extinction » :

• le tigre du Bengale – Panthera tigris Tigris,
• le tigre d’Indochine – Panthera tigris Corbetti,
• le tigre de Sibérie ou de l’Amour – Panthera tigris Altaica.

Enfin, les trois autres sous-espèces sont sur l’avant dernière marche avant l’extinction. (non, « en danger critique d’extinction » n’est pas la dernière marche, c’est « éteint à l’état sauvage » la dernière du classement UICN) :

• tigre de Sumatra – Panthera tigris Sumatrae,
• tigre de Malaisie – Panthera tigris Jacksoni,
• tigre de Chine méridionale – Panthera tigris Amoyensis.

Focus sur le tigre de Chine méridionale ou tigre de Chine du Sud

Inconnu du grand public, il s’agit sans doute de la prochaine sous-espèce de tigres à être reconnue comme disparue à l’état sauvage. Le tigre de Chine du Sud, ou tigre de Chine méridionale, était plutôt une espèce en bonne santé jusqu’aux années 1950 où le Président du Parti communiste chinois, Mao Tsé-toung le déclare « animal nuisible ».

Comme en France, où cette appellation a été remplacée en 2019 par « liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts », ce classement engendre une véritable chasse organisée pendant plusieurs décennies. Malgré la mise en place de sa protection à la fin des années 1970, aucun spécimen de tigres de Chine du Sud n’a plus été observé in-situ depuis le début des années 2000.

Le tigre de Chine du Sud est-il déjà condamné ?

Ex-situ en revanche, l’espèce continue d’être représentée avec environ 100 individus en 2021. Sa réintroduction a été plus qu’envisagée et notamment par l’association internationale Save China’s tigers. La réserve de la vallée de Laohu, en Afrique du Sud, a même été créée en 2000 dans ce but.

Pourquoi une réserve africaine pour sauver une espèce asiatique ?

On peut bien entendu se poser plusieurs questions quant à ce choix et aux conséquences qu’aurait l’introduction de tigres sauvages en Afrique en cas de fuite hors de la réserve. L’association explique ce choix inhabituel en mentionnant la difficulté de louer un terrain de grande superficie en Chine et l’impossibilité total de l’acheter. « Le coût de la location d’un terrain convenable en Chine est supérieur au coût d’achat d’un terrain en Afrique du Sud », peut-on lire sur son site internet. Autre argument en faveur de l’Afrique du Sud : l’abondance de proies sauvages.

De ce que nous savons, en 2016, 19 tigres de Chine méridionale avaient été réintroduits dans cette réserve privée dirigée par Save China’s Tigers et plusieurs naissances de tigrons avaient été enregistrées.

Malheureusement, le fonctionnement de l’association semble gravement entravé, comme nous l’explique Hélène Simon, fondatrice du site Un Monde de Félins : « Save China’s Tigers ne fait plus grand chose aujourd’hui à cause de conflits entre membres de sa direction ». En effet, en 2012 deux des fondateurs de l’ONG ont divorcé. Depuis, les jugements de la Cour de justice britannique se multiplient et le projet suit son cours dans des conditions plutôt opaques malgré la reprise du projet par une nouvelle direction.

Les plans de sauvegarde du tigre de Chine du Sud

Dans la foulée du « Programme Mondial de Restauration du Tigre » de 2010-2022 visant à doubler la population mondiale de tigres (toutes sous-espèces confondues), la Chine a lancé en 2011 un plan national de conservation de ses tigres sauvages.

Le China’s Tiger Recovery Program (CTRP) concerne trois sous-espèces : le tigre de Sibérie (EN), le tigre de Chine méridionale (CR) et le tigre d’Indochine (EN). La plupart des ONG comme le WWF ont concentré leurs efforts sur la protection du tigre de l’Amour, celui qui d’après elles aurait le plus grand potentiel de rétablissement de sa population. Et, en effet, le tigre de Sibérie bénéficie aussi des efforts de conservations mis en place pour le léopard de l’Amour, et notamment la création de Terre de léopard, à la frontière entre la Chine et la Russie, ce qui lui permet de voir sa population augmenter, même si elle est toujours de moins de 500 spécimens aujourd’hui.

Pourtant en parallèle, le tigre de Chine méridionale, lui, voit sa population baisser. Alors qu’à la fin des années 1970, on estimait le nombre de tigres de Chine du Sud compris entre 40 et 80 en milieu sauvage, 20 ans plus tard une autre enquête révèle que la population n’est plus que de 20 à 30 individus. A présent, sa population sauvage est considérée comme fonctionnellement éteinte.

Le seul espoir d’en réintroduire vient donc des individus en captivité. En 1988, 40 tigres de Chine du Sud vivaient dans 16 zoos à travers la Chine. En 2000, le chiffre était monté à 62 et on estime en 2021 à une centaine de représentants de l’espèce en captivité. Cependant, compte tenu du faible nombre d’individus capturés au départ, cette population captive connait de graves problème de consanguinité avec la transmission de plusieurs maladies héréditaires.

Ces différents programmes de conservation s’achèvent en 2022, prochaine année du tigre d’après le calendrier chinois. De nouveaux bilans et de nouvelles annonces auront certainement lieu.