Dimanche 29 novembre 2020, Sarousse, une ourse réintroduite dans les Pyrénées en 2006, a été tuée par un chasseur lors d’une battue aux sangliers. Le drame s’est produit en Aragon, dans les Pyrénées espagnoles. Après l’empoisonnement de Cachou en avril et la découverte d’un ours mâle tué par balles en Ariège en juin, cela porte à trois le nombre d’ours tués par l’homme cette année dans le massif. Et ce alors que la population totale ne compte qu’une cinquantaine d’individus. Le plan ours prévoit que tout ours mort dans de telles circonstances soit remplacé, mais les associations se heurtent au silence des autorités. Le point avec Alain Reynes, directeur de Pays de l’Ours – Adet.
Que sait-on du tragique événement de ce dimanche 29 novembre ?
AR : Nous n’en savons à l’heure actuelle pas plus que ce que nous en dit la presse espagnole, à savoir qu’une ourse femelle, Sarousse, a été tuée lors d’une battue aux sangliers. Le chasseur auteur des tirs déclare qu’il a agi en « légitime défense », même si ce terme n’est pas vraiment approprié pour parler d’un animal. Finalement, c’est toujours cette version qui est donnée par les chasseurs quand un accident comme celui-ci se produit.
Les ours peuvent-ils attaquer l’homme, ce qui corroborerait les dires du chasseur ?
AR : Chaque cas est particulier. Parfois, les situations sont plus tendues quand il s’agit d’une femelle avec des oursons. Or dans ce cas précis, Sarousse n’avait pas de petits. D’ailleurs, elle ne s’est jamais reproduite, ce qui est extrêmement dommage car elle était génétiquement affiliée à aucun autre ours dans les Pyrénées. Son patrimoine génétique était précieux.
Alors que s’est-il vraiment passé ? Lorsqu’un ours se retrouve face à un humain, il aura tendance à s’éloigner. S’il décide de charger, il s’agit en réalité d’une charge d’intimidation, qui cesse après quelques mètres parcourus par l’animal. En revanche lors de battues, le sujet est un peu plus sensible. L’un des scénarios possibles, c’est que les chiens soient partis après l’ours qui, agacé par ce harcèlement, a pu décider de répondre. Cela peut aussi arriver avec des randonneurs qui promènent leur chien. Dans ce cas, le chien revient entre les jambes du maître… l’ours à sa suite.
Le cas s’est déjà produit avec des touristes et une ourse. Mais lorsque l’animal s’est retrouvé face aux humains, il s’est arrêté et est parti. Concernant la battue aux sangliers, seule l’enquête pourra préciser les circonstances exactes de la mort de Sarousse, et notamment à quelle distance se trouvait le chasseur au moment des tirs, et sous quel angle. Et définir jusqu’à quel point le chasseur a perdu le contrôle de la situation.
En France, la « destruction » d’espèce protégée comme l’ours est passible de 150.000 € d’amende et d’une peine de 3 ans de prison. Le drame s’étant produit en Espagne, que prévoit la loi espagnole ?
AR : C’est relativement comparable et l’abattage d’un ours peut potentiellement être sévèrement réprimé. Les textes à ce sujet sont clairs : si la responsabilité est avérée, une condamnation à la hauteur de l’acte commis est fort probable.
2020 est décidément une année noire pour l’ours des Pyrénées avec un total de trois ours tués par l’homme…
AR : Ce qu’il s’est passé ce week-end, mais aussi plus tôt dans l’année en Catalogne avec l’ours Cachou puis en Ariège en juin sont de véritables drames. Ce sont, à chaque fois, des moments très durs. En cela, on peut en effet dire que 2020 est une année noire pour l’ours des Pyrénées. Paradoxalement, c’est aussi cette année que nous avons enregistré le plus grand nombre de petits avec pas moins de 12 oursons ! C’est une excellente nouvelle car cela prouve que ce programme de réintroduction est loin d’être un échec. L’ours se plaît dans les Pyrénées, il s’y reproduit bien et les oursons sont en bonne santé. Nos efforts doivent donc continuer pour apprendre à vivre avec cette espèce qui avait failli disparaître.
En résumé, nous avons d’un côté 12 oursons et, de l’autre, trois problèmes qu’il faut régler. En France, nous avons beaucoup travaillé avec les fédérations de chasse pour sensibiliser et former les chasseurs qui font des battues dans les zones de présence de l’ours et, fort heureusement, aucun événement de ce type n’est plus arrivé. Les chasseurs en Aragon étaient-ils aussi formés ? Faut-il renforcer ce travail ? Ou s’agit-il de l’action d’un individu malveillant ? Il faudra le déterminer.
Que réclamez-vous en tant qu’association qui milite pour le retour de l’ours dans les Pyrénées ?
AR : Clairement, la population pyrénéenne ne peut se permettre une quelconque mortalité anormale. Il faut remplacer tous ces animaux tués, comme s’y est engagé le gouvernement dans le plan d’actions ours brun.
L’augmentation de la population par elle-même ne peut se concevoir que si les taux de survie et de reproduction sont suffisamment élevés. En particulier, une mortalité excessive des femelles adultes, dont le nombre est un élément majeur pour la survie de la population, est quasiment rédhibitoire pour l’avenir de la population. L’histoire récente du noyau occidental s’inscrit dans cette logique où la disparition de l’ourse Cannelle, alors même qu’elle était en capacité de se reproduire, a entraîné la situation actuelle dans ce territoire. La réussite de la dynamique de population par croît interne suppose donc l’application d’un principe complémentaire. Ce deuxième principe prévoit le remplacement de tout ours qui aurait disparu prématurément du fait de l’homme. Dans un tel cas, il est logique d’influencer une bonne dynamique de population en implantant l’ours « remplaçant » là où il est le plus nécessaire à cette dynamique. De même, l’ours relâché peut ne pas être du même sexe que celui qui aura disparu, si de forts déséquilibres de sex-ratio demandent à être corrigés à cette occasion // Plan d’actions ours brun, p.19.
AR : Pourtant, cela fait déjà six mois que l’ours tué en Ariège a été découvert, et on ne sait rien. Au niveau associatif, nous ne cessons d’appeler l’Etat à respecter son engagement, mais pour l’instant, nous avons pour seule réponse un silence assourdissant. Si c’est parce qu’il y a enquête et que le secret de l’instruction est nécessaire, alors tant mieux. Mais s’il s’agit d’une tentative pour noyer le poisson… Comment savoir ?
Dans tous les cas, c’est essentiel de remplacer rapidement les ours tués de la main de l’homme. D’abord parce que la population actuelle est trop faible, comme nous venons de l’évoquer, mais aussi parce que ne pas les remplacer, c’est donner raison à leurs détracteurs qui, alors, n’auront plus qu’à s’en occuper un par un pour se débarrasser de tous. Pas de condamnation et pas de réparation : c’est la voie ouverte à tout.
Nous souhaitons aussi la mise en place (enfin !) de vraies politiques de restauration, cohérentes entre la France et l’Espagne. Il faut aller au-delà du remplacement de ces ours et en réintroduire plus. Le Président Macron a déjà déclaré « Nous ne lâcherons pas de nouveaux ours », mais il faut pourtant aller plus loin si on veut se montrer à la hauteur de l’enjeu.
La situation est-elle meilleure en Espagne ?
AR : Deux des trois ours tués cette année sont morts côté espagnol : le premier en Catalogne, le deuxième en Aragon. En Catalogne, il y a une politique de restauration et de cohabitation avec, certes, des financements insuffisants, mais au moins elle existe. En Aragon, en revanche, il y a davantage de blocages et j’espère que ce drame servira au moins à clarifier certaines choses. Signal positif : dans les deux cas la justice a assuré prendre les choses en mains. Une personne a même été arrêtée fin novembre dans le cadre de l’enquête sur la mort de Cachou. Et en France ? On ne sait rien. Nous écrivons au procureur de la République, mais aucune réponse. Nous aimerions au moins être rassurés et savoir si la justice française fait son travail comme semble le faire la justice catalane.
1 réponse to “Troisième ours tué en 2020 : « Tous doivent être remplacés »”
27.12.2020
Colin laurentBonjour malheureusement en ce qui concerne l’ours je ne suis pas très optimiste à part le boycott de tous les produits fabriqués en Ariège ou autres dans les Pyrénées je ne vois que cette solution pour que les autorités de la chaîne pyrénéenne comprennent qu’il faut qu’ils se bougent en commençant par le comique député Jean Lassalle qui ne fait rire que ses aficionados voilà ce que je tenais à dire j’espère que mon commentaire n’ira pas aux oubliettes en attendant paix pour ces 3 ours lâchement exécutés.