Depuis 2016, Sea Shepherd, organisation de protection des océans connue pour ses opérations coups de poing, travaille main dans la main avec le gouvernement mexicain. Leur mission : retirer les filets de pêche illégaux destinés aux totoabas et qui tuent chaque année de nombreux animaux menacés, dont les vaquitas aujourd’hui au bord de l’extinction.
Moins de 30 vaquitas encore en vie
« La saison approche. Chaque année, c’est pendant les mois de mars, avril et mai que l’on trouve des cadavres de vaquitas ». Depuis quatre ans qu’elle dirige cette campagne, Oona Layolle connaît bien ce mammifère marin, le plus menacé du monde. Cette capitaine pour Sea Shepherd a monté ce projet il y a quatre ans et son équipage travaille conjointement avec l’association mexicaine de protection de l’environnement (PROFEPA) et le Mexique pour tenter d’enrayer un déclin de plus en plus inquiétant. Voilà plusieurs années déjà que la communauté scientifique et les défenseurs de l’environnement tirent la sonnette d’alarme. Les totoabas, surnommés « la cocaïne des mers », sont très recherchés pour leur vessie natatoire : celle-ci est extrêmement prisée sur les marchés asiatiques et s’y vend à prix d’or, à environ 20 000 dollars le kilo. Bien qu’illégale depuis 1975, leur pêche se poursuit et est dévastatrice pour cette espèce aujourd’hui menacée, mais aussi pour de nombreuses autres qui vivent dans les mêmes eaux. En effet, les filets utilisés sont posés au fond de la mer et laissés là 24 heures sur 24 ; un grand nombre d’espèces sont ainsi piégées et meurent, dont le vaquita, aussi appelé marsouin du golfe de Californie (Phocoena sinus), que l’on ne trouve que dans la mer de Cortez. Selon les derniers chiffres communiqués, il en resterait désormais moins d’une trentaine. D’autres sources plus récentes mais non officielles estiment en mars 2018 qu’il resterait seulement 12 vaquitas encore en vie.
Retirer les filets illégaux
Sea Shepherd a été alertée en 2015. Son fondateur Paul Watson a alors décidé d’envoyer une équipe pour en savoir plus sur le vaquita, et c’est Oona Layolle qui a mené les opérations. « Je suis arrivée au Mexique il y a quatre ans avec du matériel vidéo pour faire des reportages et en apprendre plus », explique-t-elle. Et ce qu’elle découvre suffit. Rapidement, la capitaine décrète que la situation du vaquita est critique et qu’il faut agir. Un plan d’action baptisé « opération Milagro » (miracle en espagnol) est alors mis sur pied fin novembre 2015 et, en février 2016, il est décidé avec l’autorisation du Mexique de retirer les filets de pêche illégaux. Pour cela, « nous plaçons des crochets à l’arrière de nos bateaux et nous sillonnons la zone jusqu’à les trouver », détaille la capitaine de 34 ans. Ces crochets draguent le fond de la mer et dès qu’ils rencontrent un filet, ils s’y accrochent, ce qui permet aux équipages de Sea Shepherd d’en remonter un grand nombre. Depuis le début de l’opération, plus de 600 ont été enlevés et en février, Sea Shepherd France annonçait sur Twitter que ses équipes du Mexique avaient retiré 14 768 mètres de filets illégaux dans la réserve protégée des vaquitas en seulement 45 jours.
14 768 mètres de filets illégaux. Plus que le mont Everest, plus que la fosse des Mariannes… Retirés en seulement 45 jours par les équipages de Sea Shepherd, dans une réserve marine destinée à protéger les vaquitas.#SeaShepherd #vaquitas #GolfeduMexique pic.twitter.com/RyeYpR1IG1
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) February 15, 2018
Drones de surveillance et militaires à bord
La zone à couvrir pour débusquer ces filets est immense et ce ne sont pas les deux navires Sea Shepherd – le Farley Mowat et le John Paul DeJoria – qui suffiraient à eux seuls s’il n’y avait pas aussi une opération de surveillance. Son but : traquer les bateaux des pêcheurs. « Ils sortent souvent de nuit pour plus de discrétion », rapporte Oona Layolle. Il a donc fallu investir dans des drones de surveillance à caméra thermique en plus des radars des navires pour une plus grande efficacité. « La nuit, nous surveillons la mer pour repérer où les pêcheurs posent leurs filets et le jour, nous les retirons », résume la capitaine. Lorsque des embarcations de pêcheurs illégaux sont remarquées à temps, Sea Shepherd prévient les autorités mexicaines qui procèdent à leur interpellation. Un travail assuré 24 heures sur 24 par la rotation des équipes. « Nous ne nous arrêtons que lorsque la météo nous y contraint ou quand nous devons retourner à quai pour nous ravitailler. »
Depuis début mars, six militaires de l’armée mexicaine sont également présents à bord de chaque bateau Sea Shepherd pour assurer la sécurité de tous. « Les pêcheurs illégaux sont désormais armés et récemment, ils ont tiré sur nos drones », rapporte Oona Layolle. En mars 2017, déjà, un groupe de pêcheurs avait menacé de brûler les navires Sea Shepherd s’ils ne quittaient pas la zone dans un délai de trois jours. La marine mexicaine a dû intervenir pour calmer le jeu. « Nous sommes souvent menacés, que ce soit verbalement ou par des actes. Il n’est pas rare que des pêcheurs tournent par exemple autour de nos bateaux comme pour nous dissuader de continuer. »
Poursuivre même si l’espèce s’éteint
Dans une tentative désespérée pour sauver le petit mammifère marin, le Comité international pour le rétablissement du vaquita (CIRVA) a monté une opération de sauvetage de la dernière chance en 2017 dont le but était de capturer des individus adultes, les transférer dans un sanctuaire pour qu’ils se reproduisent en toute sécurité, puis les relâcher dans la nature. Malheureusement, cela s’est soldé par un échec après la mort d’une femelle pendant sa captivité. « Dès le départ, nous étions contre », rappelle Oona Layolle, pour qui la solution réside dans une plus grande collaboration entre les pays concernés. « Nous avons la preuve avec ce que nous faisons avec le gouvernement mexicain que la clé de la réussite, c’est la collaboration. Nous retirons les filets, certes, mais cela ne suffira pas à mettre un terme à ces pratiques. Il y aura toujours des pêcheurs qui braveront l’interdit pour gagner de l’argent. C’est sur la demande qu’il faut agir, et donc trouver des solutions avec la Chine pour que cela cesse. »
Sans oublier que le vaquita n’est pas la seule espèce menacée par ces pratiques illégales. Des raies, des requins, des baleines et le totoaba lui-même sont gravement touchés par ce braconnage. Sur le seul mois de février, l’opération Milagro a permis de sauver 150 animaux, dont une cinquantaine de raies. « Même si le vaquita s’éteint, il ne faudra donc pas stopper nos efforts », conclut Oona Layolle.
*Oona Layolle ne dirige plus l’opération Milagro pour Sea Shepherd depuis juin 2017
1 réponse to “Vaquitas : dans les coulisses de l’opération Milagro avec Sea Shepherd”
09.03.2018
Fernande LaroucheJe suis 100% avec vous. Mon humanité se meurt. Moi, je me bat contre les usines à chiots. Je me bat contre la cruauté animal. Et on me juge, mais je m’en balance. Je suis la voix des sans-voix. Je ne peux malheureusement pas vous donner d’argent, mais je parle de votre mission à qui veux bien m’entendre. Merci, millions de fois merci pour le merveilleux travail que vous faites. BRAVO.