Faux oeufs de tortues équipés de puces GPS, cartographie mondiale génétique des pangolins, détection en temps réel des braconniers dans des zones désertiques : ces trois inventions pourraient révolutionner la préservation des espèces menacées dans les prochaines années. Fin septembre, elles ont été récompensées par le « Wildlife Crime Tech Challenge ».
Le Wildlife Crime Tech Challenge, un concours de technologies
Le Wildlife Crime Tech Challenge a été créé en 2014 à l’initiative de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID). Son objectif est simple : récompenser les solutions technologiques les plus innovantes en matière de lutte contre les crimes visant la faune sauvage. L’USAID et ses partenaires espèrent ainsi encourager les initiatives et fournir au monde des outils de préservation de la biodiversité.
Parmi les 300 candidatures en provenance de 52 pays, 16 inventions ont été récompensées en janvier 2016, et 4 d’entre elles ont reçu une distinction spéciale leur permettant de toucher un total de plus de 900 000 dollars. Fin septembre, l’USAID a créé un nouveau titre, baptisé « Acceleration Prize » : il distingue trois inventions « ayant réalisé de remarquables progrès en transformant une idée prometteuse en solution viable » et donne droit à 100 000 dollars supplémentaires à chacun d’entre eux. Qui sont les trois lauréats ?
D’Hollywood au Nicaragua, des oeufs équipés de puces GPS
Au Nicaragua, les tortues de mer font face à un problème de taille : leurs oeufs sont très recherchés et les patrouilles armées ne sont pas assez nombreuses pour dissuader les braconniers de piller les nids. Le pays n’est par ailleurs pas un cas isolé : dans le monde, des millions d’oeufs de tortues de mer alimentent chaque année le marché noir.
Fondée en 2005, l’ONG Paso Pacifico travaille sur une solution afin de mieux maîtriser ce fléau et a décidé de s’attaquer non pas aux braconniers, mais aux acheteurs… qui sont pour l’heure méconnus ! En effet, si les experts estiment que la plupart des oeufs volés sont transportés par cargo au Salvador ou au Guatemala, l’Asie semble devenir une destination importante pour les trafiquants. Pour en savoir plus, Paso Pacifico a eu une idée très simple : créer de faux oeufs abritant une puce GPS et les enterrer sur une plage régulièrement visitée par les braconniers. Il sera ainsi possible de les suivre à la trace et de fournir des informations capitales aux autorités, mais aussi aux ONG : si cette technologie mènerait évidemment à des arrestations, le but initial est d’adapter au mieux les opérations de sensibilisation.
Si l’idée paraît simple, son exécution l’est un peu moins : créer un oeuf artificiel parfaitement similaire à un oeuf naturel n’est pas à la portée du premier venu ! Poids, taille, couleur et, plus compliqué encore, texture doivent parvenir à tromper des braconniers avertis. Des spécialistes en effets spéciaux d’Hollywood travaillent ainsi avec Paso Pacifico pour parvenir à un résultat optimal. L’ONG cherche aujourd’hui des financements, des organismes capables de déployer les « faux oeufs » ainsi que des experts susceptibles de l’aider à collecter et traiter les données GPS.
Instant Detect, une alarme contre les braconniers en Afrique
La Société Zoologique de Londres (ZSL) s’est quant à elle attaquée à un problème bien connu : le braconnage en Afrique. Afin d’aider les rangers à protéger de très vastes zones, la ZSL a développé l’Instant Detect, un système d’alarme destiné à détecter toute présence suspecte aussi tôt que possible.
Pièges photographiques, détecteurs sismiques, capteurs acoustiques… L’Instant Detect est un réseau de plusieurs appareils notamment capables de :
- résister à des températures extrêmes : la technologie a déjà été déployée avec succès en Afrique, en Australie mais aussi en Antarctique.
- rester fonctionnels durant de longues périodes sans intervention humaine.
- évidemment, transmettre des données en temps réel à un centre de contrôle grâce à une connexion satellite ! Grâce à cela, des équipes d’intervention peuvent se rendre sur place très rapidement et appréhender les braconniers, puis les photographies peuvent fournir des preuves à la justice.
L’idée de l’Instant Detect remonte déjà à plusieurs années : l’équipe de chercheurs a reçu dès 2013 un « Global Impact Award », une distinction créée par Google. La dotation liée à ce titre, d’un montant supérieur à un demi-million d’euros, a permis d’aboutir à une première version du système. La ZSL cherche aujourd’hui à rendre l’Instant Detect « plus facile à utiliser, facile à déployer […] et moins cher à l’achat » .
L’Université de Washington sur les traces des pangolins
Les pangolins sont les mammifères les plus braconnés du monde : leurs écailles et leur viande sont très recherchées en Asie. On estime ainsi qu’environ un million de spécimens ont été tués au cours des dix dernières années ; les 8 espèces de pangolins sont aujourd’hui gravement menacées d’extinction.
Afin d’endiguer le phénomène, une équipe de l’Université de Washington étudie la génétique des pangolins : selon eux, les marqueurs ADN des écailles saisies par les douanes du monde entier peuvent permettre de retrouver l’origine exacte de chaque animal ! Il suffirait en effet de les comparer à une grande banque de données, établie par exemple grâce aux écailles détenues par des musées.
Cette carte mondiale génétique permettra d’identifier les zones les plus souvent victimes du braconnage et, ainsi, de prendre des mesures de protection très localisées. L’Université de Washington se base sur la réussite de son premier projet en la matière, qui visait alors le trafic d’ivoire : grâce à un travail similaire, les scientifiques avaient pu déterminer que près de 100% de l’ivoire sur le marché noir provenait de seulement… deux pays ! Cette technologie fonctionne donc d’ores et déjà et doit simplement être adaptée à l’échelle du mammifère le plus braconné du monde.
0 réponse à “Wildlife Crime Tech Challenge : la technologie au service de la biodiversité”