Agalychnis Lemur, anciennement appelée Hylomantis Lemur, est une petite grenouille d’Amérique centrale. Son déclin est récent : au début des années 2000, l’espèce était commune au Costa Rica et au Panama, puis sa population a chuté de 80% en l’espace d’une décennie. La grenouille lémur arboricole est en fait l’une des nombreuses espèces victimes de la chytridiomycosis, maladie fongique qui ravage les populations de batraciens depuis près de 20 ans.
Description de cette grenouille sauvage menacée
Agalychnis Lemur est une grenouille arboricole nocturne. L’espèce fait l’objet d’un dimorphisme sexuel prononcé : la taille des mâles oscille de 30 à 41 millimètres de long pour 10 à 15 millimètres de large, alors que les femelles mesurent 39 à 53 millimètres de long pour 15 à 20 millimètres de large. Le poids varie également en fonction du sexe, puisque les femelles peuvent atteindre 4 grammes alors que les mâles avoisinent 2 grammes.
La tête de la grenouille lémur arboricole est aussi longue que large, avec de grands yeux très caractéristiques : globuleux, d’un gris argenté cerclé de noir et dotés d’une pupille verticale, ils permettent l’identification rapide de l’espèce. Cette grenouille semble très fragile, avec des membres très fins. Ce manque de musculature au niveau des pattes est directement lié à son mode de déplacement. Plutôt que d’utiliser ses pattes arrières pour faire des bonds, Agalychnis Lemur marche lentement. L’appellation de l’espèce trouve justement son origine dans ce comportement, qui rappelle celui des lémuriens. Ainsi, le saut n’est utilisé qu’en cas d’urgence, pour fuir un prédateur. Leurs doigts ne sont par ailleurs pas palmés mais sont tous terminés par une sorte de disque.
La couleur de la grenouille lémur change en fonction de son activité et de son environnement. La journée, en période de repos, la peau de la grenouille est d’un vert brillant, recouvert d’une quantité variable de petits points noirs, avec des flancs tirant sur le jaune oranger. Cette peau semble par ailleurs lisse et douce, mais elle est en fait granuleuse, rêche. La nuit, Agalychnis Lemur change de couleur : le vert devient nettement plus sombre, parfois presque marron, ce qui lui confère un camouflage très efficace pour chasser. Les grandes iris argentées de cette grenouille s’assombrissent également jusqu’au marron ou au pourpre. La peau ventrale reste, quant à elle, toujours blanche.
Localisation et habitat
L’aire de répartition d’origine d’Agalychnis Lemur recouvrait le Costa Rica dans toute sa longueur, ainsi que certaines réserves naturelles du Panama et la frontière nord de la Colombie. L’espèce, considérée comme commune au Costa Rica il y a à peine quelques années, a maintenant presque entièrement disparu : elle n’est plus recensée que sur trois sites. Au Panama, la grenouille lémur arboricole ne se porte pas mieux puisqu’elle est seulement visible sur deux sites. Les spécimens observés présentent toutefois de légères différences. Ils semblent plus imposants, l’anneau noir autour de l’iris est plus fin, leur dos est un peu plus tacheté. Des études génétiques suggèrent même qu’il pourrait s’agir d’une espèce différente. Les scientifiques sont donc prudents quant à ces spécimens, qui méritent probablement une attention toute particulière.
L’espèce vit dans les forêts vierges se trouvant entre 450 à 1600 mètres d’altitude. Elle a besoin d’un environnement humide et évolue donc sur les feuilles surplombant de petits points d’eau. Elle n’en descend que pour s’hydrater ou, plus rarement, pour trouver une proie. Peu à l’aise au sol, Agalychnis Lemur ne s’attarde pas : elle remonte dès que possible dans les hauteurs. Ce batracien est par ailleurs une espèce territoriale, ce qui donne parfois lieu à des confrontations entre mâles. Les spécimens s’agrippent alors et tentent alors de faire chuter leur adversaire de leur branche.
Durant la journée, la grenouille se fixe sous une feuille, membres étroitement collés au corps. Sa couleur verte et son immobilité lui permettent de se camoufler parfaitement dans la végétation. Lorsque l’obscurité gagne la forêt, elle s’active, se déplace sur les plus petites branches ou feuilles pour chasser. Son régime alimentaire est constitué de petits invertébrés (insectes, araignées…).
Les menaces qui pèsent sur Agalychnis Lemur
Autrefois répandue en Amérique centrale, la grenouille lémur arboricole est désormais en danger critique d’extinction. Si son déclin fulgurant a longtemps été attribué à l’activité de l’Homme, des études plus récentes montrent qu’il est à mettre au crédit d’une maladie fongique.
La chytridiomycosis
La chytridiomycosis est une maladie infectieuse provoquée par un champignon aquatique, Batrachochytrium dendrobatidis. Pourtant connue des scientifiques, à partir de 1998, elle s’est très largement répandue depuis l’Australie jusqu’à contaminer tous les continents. La situation a alors dégénéré et, en 2004, plus de 30 % des espèces de batraciens du monde étaient contaminées. Des hécatombes d’amphibiens ont été recensées dans de nombreux pays : la chytridiomycosis peut atteindre un taux de létalité de 100 %.
Durant plusieurs années, les experts ont cru qu’Agalychnis Lemur était immunisé contre la chytridiomycosis. Cependant, en 2003, la grenouille disparaît brutalement du Parc National Santa Fe, au Panama. La même année, la maladie est identifiée dans le parc et de nombreuses espèces s’éteignent. De nouvelles études sont alors menées. En 2006, il est démontré que la grenouille lémur arboricole est effectivement l’une des espèces locales les plus résistantes à la maladie : elle inhibe naturellement 15 % de la croissance des agents pathogènes. Malheureusement, cette résistance est loin de constituer une immunité. Aujourd’hui, l’essentiel du déclin d’Agalychnis Lemur est attribué à la chytridiomycosis.
La déforestation
Le Costa Rica a connu un très fort épisode de déforestation dans la seconde moitié du XXème siècle. Alors qu’en 1950, les forêts recouvraient 75 % du pays, ce taux est tombé à 26 % en 1985. Cette situation s’explique notamment par la croissance de la population et le développement important de l’élevage, et a mis en péril de très nombreuses espèces. Aujourd’hui, cependant, le Costa Rica a revu sa politique en profondeur : le pays se positionne comme un précurseur dans la protection de l’environnement, tire parti de l’écotourisme et protège de manière très stricte son territoire. Si la déforestation fut un danger pour l’espèce au cours des dernières années, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Réchauffement climatique
L’Amérique centrale est l’une des régions du monde les plus vulnérables au réchauffement climatique. Le phénomène influence fortement la régularité des pluies, les périodes de sécheresse, l’apparition d’ouragans. Il impacte donc toute la faune et la flore locales.
L’augmentation de la température atmosphérique est plus facilement visible en altitude, où réside la grenouille. En quelques décennies, plusieurs degrés ont été gagnés, entraînant de fait un déplacement des aires de répartition de nombreuses espèces. La faune et la flore de basse altitude grimpe de quelques mètres chaque décennie, envahissant progressivement les espèces de plus haute altitude. La grenouille lémur arboricole, qui vit entre 450 mètres et 1 600 mètres au-dessus de la mer, est directement concernée.
Conservation de la grenouille lémur arboricole
Agalychnis Lemur est classé en danger critique d’extinction par l’UICN depuis 2004 et tout le genre Analychnis est placé sur l’annexe II de la CITES. Au Costa Rica et au Panama, son aire de répartition est presque entièrement située à l’intérieur de réserves naturelles.
En 2001, un premier programme de reproduction, « project lemur frog », a vu le jour grâce aux actions combinées du zoo de Bristol et du Museum de Manchester, en Angleterre, et du parc zoologique d’Atlanta, aux Etats-Unis. L’opération a été un grand succès et est considérée comme un modèle du genre : des centaines d’œufs et de têtards ont été envoyés à travers le monde entier, où ils se reproduisent à leur tour dans un milieu favorable. Au total, quinze pays différents ont profité de l’initiative du zoo d’Atlanta. Au Panama, le Centre de Conservation des Amphibiens d’El Valle a également participé au projet : une autre population captive a elle aussi permis de très nombreuses réintroductions d’œufs et têtards.
Des tentatives de conservation in-situ ont également été mises en place en 2003. Au coeur de la réserve du Centre de Recherche des Amphibiens du Costa Rica (CRARC), des points d’eau artificiels ont été créés afin de faciliter la reproduction de l’espèce à l’état sauvage. A l’intérieur de ces petits étangs d’un à deux mètres de diamètre, les experts ont placés de petits tubes de plastique contenant entre 25 et 50 têtards. Un an plus tard, des adultes matures ont été observés autour de ces sites. Là encore, le résultat est plus que probant : certains individus ont même été recensés hors de la réserve. La population d’Agalychnis Lemur n’est évidemment pas revenue à son plus haut niveau, mais les résultats sont encourageants.
On estime que plusieurs particuliers possèdent un spécimen de grenouille lémur arboricole dans le monde. L’espèce ne fait cependant pas l’objet d’un véritable marché noir : elle est avant tout destinée à un public de spécialistes.
Reproduction de l’amphibien sauvage
La période de reproduction commence début avril et s’achève en juillet, ce qui correspond au début de la saison des pluies. Agalychnis Lemur étant une espèce nocturne, la reproduction a lieu de nuit. Le mâle « chante » depuis son perchoir, attirant ainsi les femelles. Après l’accouplement, les oeufs sont déposés par groupe de 15 à 30 à la surface d’une feuille surplombant un petit point d’eau, qu’il s’agisse d’un étang ou d’un cours d’eau à très faible courant. Contrairement à beaucoup de grenouilles arboricoles, la grenouille lémur arboricole n’enroule pas la feuille autour de sa ponte.
Les oeufs mesurent environ 3 millimètres de diamètre et sont recouverts d’une substance gélatineuse transparente : celle-ci permet de les garder agglutinés et collés à la feuille. Ils sont d’un vert tirant sur le bleu mais, alors qu’ils se développent, la couleur tend vers le marron. Une à deux semaines après la ponte, les embryons éclosent. Les têtards tombent alors dans le point d’eau grâce aux pluies tropicales. Ils y restent entre 70 et 150 jours, puis se métamorphosent en grenouilles juvéniles. Ces dernières ressemblent beaucoup à la forme adulte de l’espèce : la seule différence notable provient des flancs, qui passeront au jaune-oranger en vieillissant. A l’âge d’un an environ, Agalychnis Lemur atteint sa maturité sexuelle. La durée de vie de l’espèce est inconnue à l’état sauvage mais, en captivité, certains spécimens ont été conservés plus de cinq ans.
En savoir plus
La journée, durant ses longues heures de repos, la grenouille lémur arboricole est capable de rester au soleil durant de longues heures sans se rafraîchir. Sa peau est en fait remarquable : elle réfléchit en partie les rayons du soleil, ce qui permet de maîtriser la température de l’organisme. Il est possible que cette faculté explique partiellement sa résistance naturelle à la chytridiomycosis, ce champignon ayant besoin d’eau pour se développer. Mieux encore, malgré le peu d’études dont elle a été l’objet, les scientifiques savent déjà que cette grenouille sécrète des éléments chimiques qui pourraient avoir effet direct sur les cellules cancéreuses ou le diabète de l’Homme. Une raison de plus de protéger l’espèce de l’extinction.
2 Réponses to “La grenouille lémur arboricole – Agalychnis Lemur”
20.03.2024
NoahRéel mon frère qu’Allah bénisse cette grenouille…
23.05.2018
Eryne GuillaumeDommage parce que cette grenouille est vraiment super belle