Avec moins de 150 individus existant dans la nature, l’alligator de Chine, aussi appelé alligator chinois – ou Alligator sinensis – est en danger critique d’extinction. Après des années de déclin continu, il a du mal à se rétablir malgré les efforts de conservation mis en place pour tenter de le sauver.
Description de l’alligator chinois
L’alligator de Chine est l’une des deux espèces d’alligators qui existent dans le monde, l’autre étant l’alligator américain (Alligator mississippiensis), aujourd’hui non menacé et dont la population sauvage serait même en augmentation. Contrairement aux crocodiles qui comptent 13 espèces différentes, les espèces du genre alligator sont donc bien peu nombreuses. Et bientôt, l’une d’elles pourraient s’éteindre.
Caractéristiques physiques
Dans la famille des crocodiliens, l’alligator de Chine est l’un des plus petits spécimens. Les adultes ne dépassent pas les 2 m de long et les 40 kg. A titre de comparaison, l’alligator américain mesure en moyenne 3 à 5 m et pèsent plus de 300 kg ! A noter qu’il existe un dimorphisme sexuel puisque les mâles sont plus gros que les femelles.
Comme tous les alligators, l’alligator chinois se distingue des crocodiles par la forme de sa tête. Alors qu’elle est allongée et pointue chez les crocodiles, la tête des alligators est en effet large, courte et de forme plutôt arrondie.
Autre distinction par rapport aux crocodiles, les alligators n’ont pas la quatrième dent inférieure apparente en dehors de la gueule lorsque leurs mâchoires sont fermées, alors qu’elle est bien visible chez les crocodiles et vient même se loger dans une encoche de la mâchoire supérieure. Cela tient au fait que les alligators ont une mâchoire du haut plus large que celle du bas. Des mâchoires puissantes qui permettent par exemple à Alligator sinensis de broyer la carapace des crustacés qu’il chasse.
L’alligator chinois est par ailleurs doté de quatre pattes munies de griffes qui lui permettent de se déplacer sur terre, ainsi que d’une puissante queue grâce à laquelle il se propulse dans l’eau.
Régime alimentaire
L’alligator de Chine est carnivore. Il se nourrit de proies qu’il capture dans son environnement direct, savoir des poissons, des gastéropodes et des crustacés mais aussi des petits mammifères et parfois même des oiseaux.
Il s’agit d’un chasseur opportuniste. Lorsqu’il chasse, il reste simplement immobile dans l’eau, ne laissant dépasser généralement que le haut de son crâne. Ainsi à l’affût, il attend le bon moment pour attraper les proies qui, ne l’ayant pas vu, auraient la malchance de passer à proximité.
Comportement
Cet alligator adapte son comportement aux saisons. Ou plutôt, au thermomètre. Lorsque les températures descendent, l’alligator de Chine entre dans une sorte d’hivernation : il réduit considérablement son activité et passe la mauvaise saison à l’abri. En effet à partir de la fin du mois d’octobre et jusqu’à mi-avril, il s’enterre dans des sortes de tanières qu’il creuse le long des étangs et marais pour y dormir. Il n’en ressort qu’au printemps avec l’arrivée des beaux jours.
Au fur et à mesure que le mercure augmente, Alligator sinensis devient de plus en plus actif. Au début, c’est surtout le jour car les températures sont plus chaudes. Mais plus les températures grimpent – généralement au cours du mois de juin – et plus il devient nocturne.
L’alligator est un animal ectotherme, ce qui signifie qu’il a besoin de prendre des bains de soleil pour se réchauffer. C’est pourquoi il lui arrive de passer beaucoup de temps immobile au soleil dans la journée afin d’augmenter sa température corporelle.
Habitat d’Alligator sinensis
Comme son nom l’indique, l’alligator chinois est endémique de Chine. On ne le trouve aujourd’hui que dans ce pays à l’état sauvage. Si autrefois il peuplait un vaste territoire – peut-être même jusqu’à la Corée – son aire de répartition actuelle est restreinte : Alligator sinensis ne vit plus que dans le bassin inférieur du fleuve Yangtsé où vivent de nombreuses autres espèces menacées comme la tortue géante du Yangtsé et jusqu’à récemment l’espadon chinois, désormais éteint.
L’alligator est un animal amphibie, c’est-à-dire qu’il peut à la fois vivre sur terre et dans l’eau. Comme son cousin américain, l’alligator de Chine passe le plus clair de son temps dans l’eau. Il vit donc dans des zones humides, marécages, rivières, étangs, etc.
Menaces
Gravement menacé, l’alligator de Chine est classé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans la catégorie « en danger critique », dernier pallier avant l’extinction dans la nature. Son déclin a été fulgurant et s’est surtout concentré autour des trois dernières générations. Depuis 1982 – année de sa description par l’UICN – l’alligator de Chine est considéré comme menacé. Son statut s’est même aggravé, l’espèce passant de « en danger » depuis les années 1980 à « en danger critique » depuis 1996. On estime aujourd’hui que 75 % de l’espèce a disparu en l’espace de 40 ans seulement.
Disparition de l’habitat
Si la plupart des crocodiles et caïmans menacés d’extinction comme le crocodile de Cuba et le crocodile du Siam sont surtout affectés par la chasse pour leur cuir – très recherché dans l’industrie du luxe notamment – l’alligator de Chine est principalement menacé par la disparition de son habitat naturel.
Car pour bien vivre, il a besoin d’espaces préservés de toute présence humaine. Non seulement pour creuser ses tanières durant l’hiver en toute tranquillité, mais aussi pour pondre.
Il est donc très sensible aux perturbations humaines, de plus en plus nombreuses dans son environnement. Au point qu’il n’a cessé de reculer pour aujourd’hui se cantonner à de petites zones dans lesquelles il continue d’exister. Mais sa population est désormais très fragmentée.
Chasse
L’alligator de Chine n’intéresse pas vraiment les braconniers du cuir. La raison est toute simple : la peau de son ventre est, à la différence des crocodiles et de l’alligator américain, recouverte d’ostéodermes qu’on appelle plus communément des écailles. Ce qui rend sa peau non adéquate.
Il n’empêche que l’espèce a tout de même été massivement tuée, notamment par les agriculteurs des environs qui voyaient dans ce reptile une dangereuse menace pour leurs activités et pour eux-mêmes.
Il arrive aussi qu’il soit tué pour sa chair – sa viande est consommée – et ses organes, utilisés dans la médecine traditionnelle. Parfois, l’alligator chinois est aussi la victime collatérale d’un empoisonnement, lorsqu’il mange par exemple un rongeur empoisonné par les agriculteurs locaux pour protéger leurs cultures.
Difficultés à se reproduire
Pour qu’une espèce en déclin ait des chances de se rétablir, elle doit pouvoir se reproduire dans de bonnes conditions. Malheureusement, cela n’a pas été le cas pour l’alligator de Chine. En plus des nombreuses menaces qui pèsent sur lui, il peine en effet à se reproduire. Plusieurs raisons à cela.
D’abord, les populations sont aujourd’hui très fragmentées. Comme évoqué plus haut, quelques individus vivent dans des poches de nature sans parvenir à rencontrer d’autres individus ailleurs. Faute de nouveaux partenaires – et donc de diversité génétique – la reproduction n’est pas optimale.
A cela s’ajoute une pollution du milieu naturel par les engrais pour l’agriculture. Une pollution qui a directement eu un impact sur la fertilité et la ponte des alligators chinois.
Et puis, lorsque les femelles ont réussi à s’accoupler et s’apprêtent à pondre, elles recherchent l’endroit idéal où déposer leurs œufs. Autrement dit, un lieu préservé de toute activité humaine, où la végétation est suffisamment présente pour lui permettre de construire un nid. Le tout, proche de l’eau, bien entendu. Autant dire que ces endroits se sont extrêmement rares.
Même une fois nés, les juvéniles restent très exposés aux menaces du fait de leur petite taille. Avant qu’ils ne grandissent, ils doivent échapper aux nombreux prédateurs tels que certains oiseaux, poissons et même d’autres alligators.
Efforts de conservation
Aujourd’hui, l’alligator de Chine est une espèce protégée. En Chine, il bénéficie du plus haut degré de protection depuis 1972. L’espèce est également protégée à l’échelle internationale et figure en annexe I de la Cites. Par ailleurs, des mesures de conservation ont été prises sur le terrain pour sauver l’espèce de l’extinction.
Réintroductions dans la nature
Avec un nombre si faible d’individus à l’état sauvage et une population si fragmentée, l’alligator de Chine peine à se reproduire. Résultat, c’est l’espèce toute entière qui ne parvient pas à se rétablir.
Pour répondre à ce problème, l’Université normale de Chine de l’Est, le Dongtan Wetland Park, la Wildlife Conservation Society et plusieurs zoos américains se sont alliés. Leur objectif : reproduire l’espèce en captivité et réintroduire les individus. Car s’il n’existe plus beaucoup d’alligators de Chine dans la nature, les populations captives sont en revanche nombreuses en Chine et en Amérique du Nord, notamment. Et elles se reproduisent bien.
La première réintroduction de ce genre s’est produite en 2007. Six alligators nés captifs – trois nés dans la réserve naturelle des alligators chinois de Changxing et trois dans des zoos américains – ont été relâchés dans le Dongtan Wetland Park, à Shanghai (Chine). Quelques années plus tard, en 2015, une deuxième opération a été réalisée avec la réintroduction de six individus supplémentaires – nés cette fois dans la réserve naturelle nationale des alligators chinois d’Anhui – dans la même zone.
Signe que ce programme a plutôt réussi : des naissances ont été observées en 2016 ! Des juvéniles ont en effet été aperçus dans le Dongtan Wetland Park après la découverte de trois nids contenant une soixantaine d’oeufs viables. Malgré le passage d’un typhon et la destruction de deux des trois nids, des oeufs ont donc pu éclore ! « Cela montre que même la faune la plus menacée peut aller mieux si on lui en donne la chance », s’est réjoui Aili Kang, directrice exécutive Asie de la WCS.
En attendant, la reproduction de l’espèce se poursuit en captivité en vue de futurs relâchés. Des zoos américains ont déjà envoyé plusieurs alligators chinois dans des centres d’élevage en Chine dans ce but. Et ce, afin de fournir à ces centres une diversité génétique précieuse pour le rétablissement de l’espèce.
Centre de recherche de l’Anhui sur la reproduction des alligators (ARCAR)
L’un des centres névralgiques des réintroductions de l’alligator chinois, c’est le centre de recherche de l’Anhui sur la reproduction des alligators (ARCAR). Situé à Xuancheng, dans la province de l’Anhui, l’ARCAR reproduit l’alligator de Chine depuis les années 1980. Dans son enceinte vivent plusieurs milliers d’alligators élevés en captivité.
Tous ces efforts pour reproduire l’espèce et relâcher des individus dans la nature resteront cependant vains si le milieu naturel dans lequel ils sont réintroduits n’est pas davantage préservé. Car c’est la condition sine qua none d’un rétablissement de l’alligator chinois. Or, les zones humides où il pourrait trouver refuge sont fortement dégradées par les activités anthropiques et le chemin reste encore long pour que les choses évoluent dans le bon sens.
Il faut notamment trouver des compromis, des alternatives, pour les agriculteurs de la région, ce qui n’est pas évident. Raison pour laquelle l’implication des communautés locales dans la conservation d’Alligator sinensis est primordiale.
Reproduction de l’alligator chinois
Il semblerait que les femelles atteignent leur maturité sexuelle lorsqu’elles mesurent minimum 110 cm de long, ce qui se produit vers l’âge de 5 à 7 ans. La saison des amours démarre en juin. Les mâles partent à la recherche de femelles pour s’accoupler. Mâles et femelles poussent des vocalises pour s’attirer les uns les autres.
Deux à trois semaines après l’accouplement, ces dernières commenceront à construire un nid de plus de 45 cm de diamètre dans lequel pondre. Celui-ci forme une sorte de monticule de végétaux en tout genre.
Les œufs écloraient entre 60 et 70 jours plus tard, mais tout dépendrait en grande partie de la température durant l’incubation. D’ailleurs, la température a aussi une incidence sur le sexe des petits : au-dessus de 33°C naissent une majorité de mâles et en-dessous de 28°C, une majorité de femelles. A la naissance, les petits mesurent une vingtaine de centimètres et pèsent dans les 30 grammes.
Le travail des femelles pour mettre au monde des petits ne s’arrêtent pas à la ponte. Elles protègent le nid d’éventuels prédateurs pendant l’incubation, puis aident les petits tout juste nés à sortir de leur coquille et à rejoindre l’eau en les transportant dans leur gueule jusqu’au rivage. Mais comment savent-elles à quel moment ils vont naître ? Tout simplement parce que les petits les préviennent en poussant des cris ! Une fois à l’eau, les femelles continuent de veiller sur leur progéniture, au moins durant le premier hiver.
L’espérance de vie de l’alligator de Chine n’est pas bien connue dans la nature. En revanche, l’espèce peut vivre 60 à 70 ans en captivité et même se reproduire passé 50 ans, si l’individu en question est en bonne santé.
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