L’axolotl (Ambystoma mexicanum) est l’une des espèces les plus emblématiques du Mexique. Salamandre prisée des particuliers ou des laboratoires de recherche biomédicale, cette espèce ne semble pas en danger du fait des nombreuses populations captives autour du monde. Pourtant, à l’état sauvage, l’axolotl n’existe plus que dans le lac Xochimilco, dont il ne reste que quelques canaux destinés à alimenter les 20 millions d’habitants de l’agglomération de Mexico. Depuis 2006, l’UICN classe l’espèce en danger critique d’extinction.
Description physique
A la fin de sa croissance, l’axolotl mesure généralement 23 à 25 cm ; des spécimens dépassant 30 cm ont déjà été observés mais ils sont relativement rares. Son poids varie quant à lui entre 60 et 110 grammes. Cette salamandre possède une tête ronde, deux petits yeux sans paupières et une bouche large. Ses trois paires de branchies sont externes et flottent de chaque côté de sa tête ; leur coloration peut varier et traduit l’excitation de l’animal. Une petite nageoire part de la base de la tête et court le long de son dos. Enfin, ses pattes avant s’achèvent par quatre doigts longs et fins alors qu’elles en comptent cinq à l’arrière.
A l’état sauvage, la peau d’Ambystoma mexicanum est généralement sombre : elle peut être noire, brune ou grise. Des tâches dorées peuvent également orner l’ensemble du corps. Des spécimens au corps blanc et aux yeux sombres, plus rares, ont déjà été observés. Appréciée des particuliers, la forme albinos (corps blanc, yeux rouges) n’existe quant à elle qu’en captivité : elle est le résultat d’une hybridation entre un axolotl et une salamandre tigrée albinos effectuée dans un laboratoire américain dans les années 1950.
L’une des particularités les plus étonnantes de l’axolotl est qu’il est susceptible de rester à l’état larvaire toute sa vie. Alors que la plupart des amphibiens subissent une transformation avant de passer à l’âge adulte (perte des branchies, développement des poumons et des pattes pour se déplacer sur la terre ferme…), l’axolotl peut ne jamais se métamorphoser. Il conserve la même apparence et continue à vivre dans l’eau mais devient capable de se reproduire : on appelle ce phénomène la néoténie.
Localisation et habitat
Historiquement, les axolotls sont endémiques de deux lacs d’eau douce situés dans la vallée de Mexico : Chalco et Xochimilco. La région comptait également trois grands lacs appelés Texcoco, Zumpango et Xaltocan. Tous ont fait l’objet de grands drainages car ils inondaient régulièrement les territoires alentours.
Aujourd’hui, Chalco a entièrement disparu et Xochimilco a été réduit à un réseau de canaux sillonnant le sud de l’agglomération de Mexico, qui compte désormais plus de 20 millions d’habitants. L’habitat naturel de l’axolotl a donc pratiquement disparu.
Menaces sur l’amphibien
Depuis 2006, Ambystoma mexicanum est classé en danger critique d’extinction par l’UICN. Son aire de répartition est désormais réduite à moins de 10 km², les effectifs sont en chute libre, les populations sont sévèrement fragmentées et, enfin, la qualité de l’eau dans laquelle il évolue se dégrade continuellement.
Dégradation de l’habitat naturel
La principale menace pesant sur Ambystoma mexicanum est la dégradation de son habitat. Celle-ci est principalement liée à l’urbanisation, un problème déjà ancien : dès le XVIème siècle, lorsque les conquistadors espagnols construisent Mexico sur les ruines de Tenochtitlan, la capitale aztèque, ils tentent de drainer les eaux des lacs afin de limiter les inondations. Ces manœuvres n’ont qu’un succès limité. 1555, 1580, 1604, 1607… Autant d’années marquées par la hausse du niveau des lacs et par des inondations toujours plus dangereuses.
Au fil des siècles, malgré de nombreux travaux, les incidents ne peuvent être entièrement évités. La situation devient critique au cours du XXème siècle. En 1900, l’agglomération de Mexico compte 350 000 habitants sur une superficie de 27 km² ; un peu plus d’un siècle plus tard, elle en compte 20 millions sur plus de 1 500 km². Pour accompagner l’expansion fulgurante de la ville, un ultime chantier débute dès 1967. Appelé « drainage profond » (Drenaje Profundo), il consiste à mettre en place un gigantesque réseau de plusieurs centaines de kilomètres de tunnels permettant l’évacuation de la majeure partie des eaux des lacs. Cette opération a largement nui aux axolotls, qui y ont perdu l’essentiel de leur habitat naturel… mais pas seulement !
En effet, l’urbanisation a également provoqué la hausse des concentrations de métaux lourds dans Xochimilco, dernier lac abritant Ambystoma mexicanum. L’espèce est désormais sévèrement menacée par la dégradation de la qualité de l’eau, qui entraîne avec elle multiplication des bactéries et apparition de maladies. Autre facteur à prendre en considération : l’introduction d’espèces invasives à partir des années 1970, ce qui a largement modifié le biotope de l’axolotl. Tilapias du Nil (Oreochromis niloticus), carpes d’Asie (Cyprinus carpio) et autres espèces à forte reproductivité ont augmenté la pression sur les faibles effectifs d’axolotl, que ce soit par le biais de la prédation ou par celui de la compétition pour l’accès aux ressources.
Chasse et braconnage
Les axolotls ont longtemps été victimes de la chasse. D’abord consommés de manière traditionnelle par les populations locales, ils ont par la suite été vendus en tant qu’animaux de compagnie à des particuliers. Les laboratoires de recherche biomédicale se sont également intéressés à eux. En effet, l’axolotl présente des caractéristiques tout à fait surprenantes : il est capable de régénérer des organes entiers en l’espace de quelques mois, voire même certaines parties du cerveau, il peut restaurer un membre endommagé, il est doté d’une très grande tolérance aux greffes… De plus, l’espèce se reproduit très bien en captivité, ce qui en facilite l’utilisation.
Aujourd’hui, tous les axolotls vendus aux laboratoires ou aux animaleries proviennent de populations captives ; aucun spécimen n’est extrait de son environnement naturel. En revanche, malgré un net recul, la consommation locale est toujours en vigueur. L’axolotl est également un ingrédient clé de la médecine traditionnelle aztèque et est toujours utilisé par certains Mexicains. Le braconnage et le marché noir font ainsi peser une grande menace sur l’espèce.
Mesures pour la conservation de l’espèce
Selon une étude de l’Université Nationale Autonome de Mexico (UNAM), en 1998, Xochimilco abritait environ 6 000 axolotls par kilomètre carré. Dix ans plus tard, la densité avait chuté à 100 et, en 2014, il en restait à peine un. Ambystoma mexicanum est aujourd’hui classé sur l’Annexe II de la CITES, ce qui permet de poursuivre son commerce international tout en le contrôlant étroitement.
La préservation de l’espèce à l’état sauvage est intimement liée à la restauration de son habitat naturel. En effet, pour l’heure, la réintroduction de populations ne serait pas judicieuse : tant que les différentes menaces touchant son écosystème (espèces invasives, pollution, maladies…) ne peuvent être régulées, une réintroduction ne saurait aboutir à des résultats positifs. A terme, cette possibilité pourrait toutefois être envisagée puisque de très nombreuses populations captives sont répertoriées autour du monde.
La première étape à mettre en place est donc la sensibilisation des habitants de Mexico et la restauration, autant que possible, du Lac Xochimilco. Si cette étape n’est pas aisée, elle montre des résultats depuis quelques années. De petites initiatives d’écotourisme ont vu le jour sur les anciennes chinampas, des zones agricoles implantées sur de petits îlots artificiels remontant à l’ère aztèque. Certaines d’entre elles abritent désormais des centres de reproduction et leurs propriétaires proposent aux touristes de naviguer sur les canaux.
Des scientifiques jugent toutefois que des réintroductions de populations à partir des centres d’écotourisme pourraient mettre en péril l’avenir de l’espèce. En effet, au-delà du fait que ces spécimens seraient plongés dans une eau polluée et qu’ils n’ont jamais appris à se nourrir par eux-mêmes, ils pourraient simplement réduire le patrimoine génétique de l’espèce à l’état sauvage. A partir de janvier 2009, un autre projet de conservation, in-situ cette fois, a donc vu le jour. Des scientifiques et des fermiers locaux ont construit un refuge pour les axolotls à l’aide de filtres, ce qui permettait d’en exclure les espèces invasives et d’y améliorer la qualité de l’eau. Grâce à ce dernier point, des fermiers locaux ont pu être associés à l’opération ; ceux-ci irriguent les chinampas grâce aux canaux délimitant leurs îlots et, par conséquent, peuvent se targuer d’utiliser une eau de meilleure qualité.
Les premiers résultats, en mai 2009, ont montré que l’eau était significativement plus claire et que les taux d’ammonium et de nitrates avaient respectivement diminué de 77% et de 87% dans le refuge. Sur les 12 axolotls qui y avaient été placés, 4 seulement ont pu être à nouveau capturés, mais leur poids avait en moyenne augmenté de 16%.
Bien qu’il ait pris de l’ampleur au cours des dernières années, ce projet de conservation reste fragile. Le nombre exact et les emplacements des refuges sont gardés secrets pour éviter les vols. En 2015, en une nuit, un refuge a été pillé et 200 axolotls ont été volés, probablement pour la consommation et la médecine locales.
Reproduction
Du fait des faibles effectifs de l’espèce, peu d’études concernant le comportement d’Ambystoma mexicanum à l’état sauvage ont été menées. On sait cependant que les adultes se reproduisent généralement de mars à juin. Lors de la parade nuptiale, le mâle et la femelle dansent tout d’abord en cercle, puis le mâle s’éloigne en ondulant de la queue, invitant ainsi la femelle à le suivre. Il dépose ensuite sur des roches ou des plantes aquatiques des paquets de sperme (spermatophores). La femelle les récupère dans son cloaque pour une fertilisation interne.
Environ 24 heures plus tard, elle pond en général entre 100 et 300 oeufs entourés d’une gelée protectrice et les dépose sur le substrat (roches, plantes…). Après 15 à 20 jours, les nouveau-nés éclosent et sont immédiatement indépendants.
La maturité sexuelle de l’axolotl est atteinte entre 12 et 18 mois. En général, l’axolotl est peu actif le jour : il se contente de se reposer au fond de l’eau, ses branchies flottant autour de la tête. S’il reste à l’état larvaire (stade néoténique) toute sa vie, il peut espérer vivre dix à douze ans. Il arrive toutefois qu’il se métamorphose et passe à l’âge adulte. Ce comportement est le résultat d’un stress lié à l’assèchement de son environnement : le manque d’eau le pousse à utiliser ses poumons davantage que ses branchies et, ainsi, en quelques semaines, il quitte son état larvaire. S’il survit au processus, ce qui n’est pas toujours le cas, son espérance de vie est nettement réduite et est estimée à 5 ans.
En savoir plus
« Axolotl » vient du Nahuatl, la langue des Aztèques, aujourd’hui langue amérindienne la plus parlée au Mexique, et signifie littéralement « monstre d’eau ». En effet, « Xolotl » signifie « monstre » et était le frère jumeau de Quetzalcoatl, l’une des principales divinités de la mythologie aztèque, alors que « atl » signifie « eau ».
1 réponse to “L’axolotl”
24.11.2021
RogerIl est cute sur Minecraft