
C’est l’un des petits félins les plus menacés au monde et pourtant, le public comme les scientifiques en parlent peu voire ne le connaissent pas du tout : le chat à tête plate (Prionailurus planiceps). Ce chat sauvage originaire d’Asie du Sud-Est est classé « en danger » sur la liste rouge de l’UICN.
Description du chat à tête plate
Caractéristiques physiques
Au premier coup d’œil, le chat à tête plate ressemble à un chat domestique. Il en a en tout cas la taille puisqu’il mesure entre 45 et 52 cm de long auxquels s’ajoutent 12 à 17 cm de longueur de queue, ce qui est plutôt court dans le monde des félins. Sa hauteur s’élève quant à elle entre 33 et 50 cm. En ce qui concerne son poids, le chat à tête plate pèse entre 1,5 et 2,5 kilos selon les gabarits.
Tout son corps est allongé et ses pattes sont petites, arrondies et terminées par des griffes acérées. Comme chez le guépard et le chat viverrin – aussi appelé chat pêcheur – les griffes de Prionailurus planiceps ne se rétractent pas entièrement au repos. Une partie sort en continu. Petite particularité plutôt insolite : les pattes du chat à tête plate sont partiellement palmées ! Un atout appréciable qu’il utilise au quotidien pour se déplacer dans son milieu naturel et chasser.
Ce chat sauvage se distingue aussi par une spécificité à laquelle il doit son nom : son front aplati. Sa tête, quant à elle, est longue, étroite et surmontée de deux oreilles bien droites. Le pelage du chat à tête plate est également remarquable. Plutôt épais, il affiche une couleur brune rougeâtre sur le dessus de la tête, blanche au niveau des joues, du menton, du museau et sur le dessous du corps et brune foncé sur le dessus du corps jusqu’à la queue. Seuls ses membres peuvent être légèrement tachetés. Il se distingue donc parfaitement du chat-léopard (Prionailurus bengalensis) qui, lui, est très nettement tacheté sur tout le corps. Pourtant, le chat à tête plate est parfois confondu avec lui par la population locale. Il faut dire que le chat-léopard – qui est beaucoup plus répandu – vit dans les mêmes types d’habitats.
Comportement
On ignore beaucoup de choses à propos de ce petit félin. Il est difficilement observable et semblerait préférer un mode de vie nocturne. En revanche, il semblerait qu’il adore l’eau, ce qui entre en contradiction avec l’idée reçue très généralisée selon laquelle les chats détestent le milieu aquatique. La Société internationale pour les félins en voie de disparition (ISEC) raconte qu’en 2005, un groupe de primatologues a capturé accidentellement l’un de ces petits chats à Bornéo. Lorsqu’ils l’ont relâché dans une zone forestière à environ 10 m d’une rive, il s’est tout de suite dirigé vers l’eau et a plongé pour ressortir 25 m plus loin, de l’autre côté de la rivière !
Régime alimentaire
Comme tout félin, le chat à tête plate est carnivore. Grâce à son agilité, ses griffes semi-rétractiles et ses dents pointues, il est un excellent chasseur capable d’attraper des poissons et des grenouilles pourtant très glissants et difficiles à capturer. Toutes ses proies ou presque, il les trouve en milieu aquatique et dans les zones humides où il vit. Il s’agit donc principalement de poissons, mais aussi d’amphibiens, de crabes, de crevettes et autres crustacés.
Habitat de Prionailurus planiceps
Le chat à tête plate est originaire d’Asie du Sud-Est. On le trouve dans les îles de Sumatra et Bornéo – en Indonésie, Malaisie et au Brunei – ainsi que dans la péninsule malaise, au nord de la frontière avec Singapour. Il semblerait que la plus grande population sauvage de Prionailurus planiceps vive dans l’Etat de Sabah, sur l’île de Bornéo (partie malaisienne) et plus particulièrement le long du fleuve Kinabatangan. Mais de façon générale, sa population est très fragmentée et sa répartition plutôt inégale.
Jusqu’à récemment, ce petit félin vivait également dans le sud de la Thaïlande, mais il semblerait que l’espèce soit désormais éteinte dans ce pays. En effet, plus aucun individu n’a été aperçu dans les environs depuis plus de 20 ans.
Même si aucune étude précise n’a été menée pour connaître les habitats qu’il préfère, il semblerait que Prionailurus planiceps affectionne particulièrement les forêts de plaine, les marécages et les mangroves. A chaque fois qu’il a été aperçu, c’était à proximité de rivières, d’étangs, de lacs ou de fossés remplis d’eau. Il est donc étroitement lié aux zones humides et ne s’aventure que rarement dans les forêts d’altitude, les terres cultivées ou les plantations de type palmiers à huile, qui foisonnent sur son aire de répartition.
Les menaces qui planent sur le chat à tête plate
Le chat à tête plate est l’un des petits félins les plus menacés au monde. L’UICN classe l’espèce « en danger » sur sa liste rouge et estime qu’il resterait désormais moins de 2 500 individus matures à l’état sauvage. Malgré une situation déjà très préoccupante, sa population continue de décliner. Le scénario le plus probable qui se dessine est celui d’une nouvelle diminution de plus de 20 % d’ici 2025. Pourquoi ? Tout simplement parce que les principales menaces pour l’espèce ne sont pas endiguées.
Destruction et pollution de son habitat

Plantation de palmiers à huile à Sabah (Bornéo).
Comme pour de nombreuses espèces menacées, l’un des pires fléaux qui pèse sur le chat à tête plate est la disparition de son habitat. Or, le recul des zones humides au profit de constructions urbaines ou de plantations s’accélère. Dans le monde, 35 % des zones humides ont disparu entre 1970 et 2015 et l’aire de répartition de ce petit félin n’y échappe pas. Bien au contraire.
A Bornéo par exemple, la déforestation est telle que plus de 30 % des forêts primaires auraient disparu depuis 1973. Le Sabah – où vit la plus grande population de chats à tête plate – accuse quant à lui une perte de 52 % de ses forêts tropicales, et 29 % ont été transformée en cultures, faisant de cet Etat malaisien l’un des plus gravement touchés. La première cause de cette coupe intensive, c’est la plantation de palmiers à huile et l’industrie du bois. A elles seules, ces cultures occupaient plus de 10 % de tout Bornéo en 2010, soit environ 75 000 km².
D’après une étude publiée en 2010, entre 54 % et 68 % des milieux qui correspondent au chat à tête plate ont été transformés en zones désormais inappropriées. Et la tendance pourrait s’accroître étant donné que seuls 10 % à 20 % de son habitat est protégé.
A la destruction de son habitat s’ajoute la pollution des cours d’eau dans lesquels il pêche pour se nourrir. En effet, lorsque des cultures s’établissent à proximité, les engrais et pesticides utilisés ruissellent jusque dans les rivières et ruisseaux attenants, contaminant les proies potentielles du chat à tête plate. Sans compter que la surpêche réduit déjà le stock de poissons disponibles pour le petit félin, qui se retrouve à devoir chercher sa nourriture ailleurs, parfois dans des milieux inappropriés et proches des habitations. Quitte à se retrouver au cœur de conflits Homme-faune.
Population fragmentée
Autre point négatif pour la conservation du chat à tête plate : la forte fragmentation de la population sauvage restante. En effet, si la population la plus importante semble s’établir dans le nord de Bornéo, dans l’Etat du Sabah, les autres sont très éclatées partout sur son aire de répartition. Résultat, les rencontres entre partenaires sont plus difficiles, ce qui limite la reproduction de l’espèce. Plus grave, les risques de consanguinité sont importants étant donné le faible nombre de partenaires disponibles dans une même zone d’occurrence. Or, la consanguinité chez un mammifère peut entraîner de l’infertilité, des malformations et des pathologies relativement graves.
Chasse
Contrairement à de nombreux autres félins comme le lion et le tigre, braconnés pour leurs peaux, leurs os ou encore leurs dents, le chat à tête plate ne semble pas faire l’objet d’une chasse spécifique. En tout cas, un tel fait n’a jamais été avéré. « À l’heure actuelle, rien n’indique que les chats à tête plate soient commercialisés sur les marchés noirs internationaux », affirme l’ISEC. L’espèce figure par ailleurs en annexe I de la CITES, ce qui en interdit son commerce international.
Toutefois, il semblerait que dans la région du Sarawak, au nord de Bornéo, des peaux de Prionailurus planiceps aient été observées accrochées aux murs de certaines maisons. Par ailleurs, des cas d’attaques sur des volailles ont été signalés, laissant penser que des représailles de la part d’éleveurs sont possibles. La menace potentielle que représente la chasse, qu’il s’agisse de représailles ou de braconnage pour certaines parties de son corps, ne peut donc pas être totalement écartée.
Efforts de conservation

Chat-léopard (Prionailurus bengalensis) avec qui le chat à tête plate est souvent confondu.
Il est très difficile d’agir pour la conservation d’une espèce dont on ignore tout ou presque. C’est pourquoi le chat à tête plate ne bénéficie actuellement que de peu d’attention, malgré son statut d’espèce en danger d’extinction. Cet animal est si peu connu que lorsqu’il a été photographié en 1995 par deux naturalistes le long de la rivière Merang à Sumatra, les agents du parc national de Berbak qui ont confirmé ces données n’avaient jamais aperçu ni même entendu parler de cette espèce. Malgré ce manque d’informations, des études visant sa conservation sont menées sur le terrain.
Le projet « panthère nébuleuse » à Bornéo
S’il est baptisé « panthère nébuleuse », ce projet de recherches fondé en 2010 étudie en réalité les 5 espèces de petits félins vivant à Bornéo à savoir :
- La panthère nébuleuse de Bornéo (Neofelis diardi), « vulnérable » d’après l’UICN ;
- Le chat marbré (Pardofelis marmorata), « quasi-menacé » ;
- Le chat bai ou chat doré de Bornéo (Pardofelis badia), « en danger » ;
- Le chat-léopard (Prionailurus bengalensis), « peu concerné » par l’extinction ;
- Le chat à tête plate (Prionailurus planiceps), « en danger ».
Ces enquêtes de terrain ont permis de poser plusieurs pièges photographiques et ainsi d’identifier avec davantage de précision les habitats du chat à tête plate. Il faut savoir que ce félin est si petit qu’il échappe généralement à la plupart des pièges photographiques, installés plus en hauteur pour capturer des images d’animaux plus grands. Pour en apprendre plus sur lui, il faut donc mettre en place un dispositif adapté aux petits félins. D’autant que celui-ci ne grimpe pas vraiment aux arbres comme beaucoup d’autres et préfèrent arpenter les sous-bois en rasant les sols ou se réfugier dans les cours d’eau.
Le programme « petits félins » de Panthera
L’ONG dédiée à la protection des félins sauvages, Panthera, a récemment lancé un programme à destination des petits félins. Intitulé « small cats » en anglais, ce programme du Small Cat Action Fund de Panthera a pour but d’étudier les petits félins sauvages du monde entier afin d’identifier des mesures de conservation pertinentes à mettre en place sur le terrain. Des études sont par exemple menées dans le sanctuaire de faune de Kinabatangan (Bornéo) pour la conservation du chat à tête plate et autres petits félins qui vivent dans les environs.
En connaissant mieux la répartition et la densité de l’espèce, les scientifiques pourront mieux évaluer l’impact de la déforestation et de la fragmentation de sa population, et ainsi proposer des mesures de conservation plus adaptées.
Aires protégées
Comme évoqué plus haut, moins de 20 % de l’habitat naturel du chat à tête de plate est aujourd’hui protégé. Cette faible proportion fait craindre le pire pour l’avenir de cette espèce menacée, car le reste pourrait bientôt être détruit pour être remplacé par des palmiers à huile. Il y a donc urgence à agir pour classer davantage de zones. En attendant, quelques aires où vit le petit félin sont déjà protégées. C’est par exemple le cas du parc national Tanjung Puting, le sanctuaire de faune de Kinabatangan, la réserve forestière de Deramakot à Bornéo ou encore le parc national Tasek Merimbun (Brunei).
Reproduction
Le chat a tête plate étant une espèce peu connue et peu étudiée, on ignore beaucoup de choses au sujet de son mode de reproduction. En revanche, il est établi que ce félin est un mammifère vivipare. Au terme d’une gestation d’environ 56 jours, la femelle donne naissance à un ou plusieurs petits – généralement jusqu’à 4 pour une même portée – et les allaite jusqu’à leur sevrage. D’après l’ISEC, un chaton aurait été trouvé dans la nature, ce qui permettrait de dire que les petits ont un pelage assez proche de celui des adultes, avec une couleur qui tire davantage sur le gris que sur le brun. Quant à leur espérance de vie, là encore, le doute subsiste. Mais des individus captifs ont vécu jusqu’à l’âge de 14 ans.
par Jennifer Matas
5 Réponses to “Le chat à tête plate”
07.04.2022
anabelle gaudreaultoui ces dommage mais son apparence ne fait pas son caractère il sont très peureux et il se cache alors ont ne c’est pas il en reste comment