Son nom peut faire froid dans le dos, mais il s’agit d’une espèce qui existe réellement : la chauve-souris fantôme – Macroderma gigas – vit dans le nord de l’Australie. Classée « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sa population décline à l’état sauvage. Aujourd’hui, il en existerait environ 7 000 dans la nature.
Description de la chauve-souris fantôme
Caractéristiques physiques
La chauve-souris fantôme doit son nom à sa couleur d’une pâleur extrême, tirant sur le blanc pour les individus vivant dans la partie occidentale de l’Australie et le gris clair à foncé pour les autres. Cette teinte si particulière, couplée à la finesse de sa peau qui laisse entrevoir les membranes de ses ailes, confèrent à cette chauve-souris une véritable allure fantomatique quand elle vole. Sans compter qu’elle est très discrète, au point que peu de personnes l’ont déjà aperçue.
Le mâle est légèrement plus grand que la femelle, mais on estime qu’en moyenne un individu adulte mesure 10 à 14 cm de long et présente une envergure de 60 à 70 cm pour un poids moyen compris entre 75 et 170 grammes pour les plus gros gabarits.
Autre particularité qui distingue cette espèce des autres chauves-souris, ce sont ses longues et fines oreilles jointes l’une à l’autre au sommet de sa tête. Ses yeux sont aussi plus grands que la moyenne de ses cousines, de même que son nez qui se dresse à la verticale à l’avant de la tête.
Régime alimentaire
Macroderma gigas est la seule espèce de chauve-souris d’Australie à être carnivore, ce qui lui a valu le surnom de « fausse chauve-souris vampire », en référence aux vraies qui vivent en Amérique du Sud et se nourrissent de sang. En réalité, ces espèces de chauves-souris sont peu nombreuses mais dans les croyances populaires, elles continuent de donner une mauvaise image à toutes les autres.
La chauve-souris fantôme, elle, ne boit pas de sang. Dès que le soleil se couche, elle quitte son abri et part à la recherche de proies pour se sustenter. Elle parcourt généralement un rayon de 2 km autour de son point de chute, ce qui lui suffit pour trouver tout ce dont elle a besoin.
Cette chauve-souris se nourrit de toutes sortes de petits animaux – elle peut s’attaquer à des proies 60 voire 80 % plus grosses qu’elle – comme des grenouilles, des oiseaux, des lézards, des gros insectes et parfois même d’autres chauves-souris. Elle peut compléter son régime alimentaire avec quelques fruits, mais cela reste relativement rare.
Surtout, elle est une chasseuse hors pair : elle est capable de traquer sa proie à la fois grâce à sa vue perçante et à l’écholocation. Une fois repérée, sa cible est attrapée est jetée d’en haut ou mordu au cou pour être mise à mort, le plus généralement au sol.
Habitat
La chauve-souris fantôme ne vit qu’en Australie et plus précisément le long de la côte est, de la péninsule du Cap York jusqu’à Rockhampton. Certains groupes se sont également établis plus à l’ouest de l’île en Australie Occidentale, entre Pilbara et Kimberley mais aussi tout au nord du Territoire du Nord, au centre. La population est très fragmentée partout sur son aire de répartition. La plus grande colonie se trouve au Mont Etna dans le Queensland, à une vingtaine de kilomètres au nord de Rockhampton.
Au printemps et en été, cette espèce vit dans de grandes colonies dans des grottes naturelles profondes ou des mines abandonnées. Ces refuges lui servent également de sites de nidification. Pour convenir à ces chauves-souris, ces endroits doivent remplir plusieurs critères comme :
- une température constante comprise entre 23 et 28 degrés,
- un taux d’humidité plutôt élevé (de 50 à 90 %),
- une hauteur sous plafond de minimum 2 m.
Le reste de l’année, les individus se dispersent dans les 150 km alentour, dans d’autres abris plus petits. Ce peuvent être d’autres grottes ou mines désaffectées, ou bien des aspérités rocheuses, etc.
Plusieurs types d’habitats peuvent lui convenir, aussi bien les forêts pluviales que les zones arides ou les garrigues. Seule condition : son milieu doit contenir suffisamment de proies dans les environs pour subvenir à ses besoins.
Menaces sur la chauve-souris fantôme
Les chauves-souris fantômes sont protégées par la loi australienne mais leurs populations continuent de décliner sur le territoire. L’espèce est classée « vulnérable » sur la liste rouge de l’UICN.
Compétition pour la nourriture
Comme évoqué plus haut, cette espèce est carnivore. Ses besoins nutritionnels sont plutôt conséquents et elle a besoin de beaucoup de proies pour survivre. Or, l’introduction et la prolifération d’espèces invasives comme les chats sauvages et les renards roux ont changé la donne. En effet, ces deux espèces sont des prédateurs redoutables qui peuvent chasser les mêmes proies que Macroderma gigas : oiseaux, petits reptiles et mammifères, etc.
Résultat, si des chats ou des renards vivent sur le même territoire qu’elle, la chauve-souris fantôme doit faire face à une chute du nombre de proies disponibles. Une compétition féroce pour la nourriture qui joue très probablement un rôle dans le déclin de l’espèce.
Crapauds buffles
Macroderma gigas est également menacée par un autre type d’espèce invasive : le crapaud buffle (Rhinella marina). Toxique, ce batracien tue toute chauve-souris qui tenterait de le manger.
Pour se défendre, il produit en effet un poison appelé bufotoxine grâce à des glandes situées derrière ses yeux. Tout prédateur non adapté pour faire face à une telle intoxication – c’est le cas de la chauve-souris fantôme – meurt peu de temps après l’avoir mordu d’un arrêt cardiaque.
Pas de chance pour Macroderma gigas, le crapaud buffle est non seulement un danger pour elle, mais cette espèce est aussi très répandue. Elle se reproduit vite et s’adapte rapidement aux écosystèmes qu’elle colonise. Aujourd’hui, le crapaud buffle prolifère en Australie, malgré les efforts fournis pour tenter de limiter le nombre d’individus. Il y en aurait 200 millions dans tout le pays.
Perturbations humaines
Mais le facteur le plus à risque semble être celui des activités anthropiques. La chauve-souris fantôme est un animal craintif et très discret. Elle est difficilement repérable et préfère rester muette et cachée à l’approche d’éventuelles menaces. Lorsque des individus étrangers pénètrent dans leur tanière, ces chauves-souris atteignent des pics de stress et préfèrent quitter leur abri. C’est particulièrement grave lorsque le site en question est un site de nidification pendant la période des accouplements.
L’exploitation minière et le développement du tourisme ont accentué la présence de l’homme, et donc d’éventuelles perturbations, dans le milieu naturel de Macroderma gigas.
En plus de ces perturbations, l’activité humaine se traduit bien souvent par la destruction de son habitat. Les activités minières ont par exemple anéanti des pouponnières entières dans les populations du Mont Etna. Dans des mines désaffectées, les tunnels dans lesquels nichent ces chauves-souris ne sont pas sûrs et il arrive qu’ils s’effondrent, tuant toute une colonie d’un coup.
La déforestation cause elle aussi d’importants dégâts sur les populations installées dans les forêts humides.
Efforts de conservation
La plupart des colonies vivent dans des zones protégées – à l’exception de la population de Pilbara, à l’ouest – mais l’espèce ne fait pour l’instant l’objet d’aucun plan national dédié.
En 2016, le ministère de l’Environnement australien a toutefois rendu un rapport dans lequel il explique qu’un plan d’action pour sauvegarder la chauve-souris fantôme devrait être mis en place. Il préconise notamment deux mesures d’urgences :
- la protection des sites de nidifications contre toute perturbation humaine ou pour éviter l’effondrement de mines désaffectées où se serait établie une colonie,
- le renforcement des barrières de protection qui existent déjà autour de certains sites.
Il faut également agir sur la prolifération des espèces dangereuses pour sa survie – chats sauvages, renards roux et crapauds buffles – et sensibiliser la population à l’importance de ne pas la déranger dans son milieu naturel.
Reproduction
La chauve-souris fantôme est un mammifère qui vit généralement seule ou en petit groupe. Pendant la période de reproduction, entre avril et août, elle se regroupe en de plus grandes colonies, ce qui favorise les accouplements.
La femelle donne naissance à un seul petit entre les mois de juillet et de novembre, après une gestation de 2 mois et demie ou 3 mois. Une fois né, le petit reste accroché à sa mère pendant le premier mois de sa vie, puis il reste à l’abri dans une sorte de dortoir où plusieurs femelles laissent leurs bébés, séparés des mâles.
Tous sont nourris par leurs mères qui font des allers-retours pour leur apporter quelques proies. Les juvéniles commencent à voler à partir de 7 semaines puis, vers l’âge de 4 mois, ils sont sevrés. Ils atteindront leur maturité sexuelle vers 2 ans.
L’espérance de vie de la chauve-souris fantôme à l’état sauvage n’est pas réellement connue, mais en captivité, elle s’élève à plus de 16 ans.
1 réponse to “La chauve-souris fantôme”
07.10.2021
BERNARD CHARLES DUPUISbonne documentation sur la chauve-souris fantôme