Le chimpanzé commun (Pan troglodytes) est le plus proche parent de l’Homme : 98% de ses gènes sont identiques aux nôtres. Capable de concevoir et d’utiliser des outils, il fait partie des espèces animales les plus intelligentes peuplant notre planète. L’espèce est pourtant classée « en danger » (EN) par l’UICN : alors que ses effectifs s’élevaient à près de 2 millions au début du XXème siècle, ils ont diminué jusqu’à atteindre, aujourd’hui, 150 000.
Description
Le chimpanzé commun fait partie des « grands singes », famille de primates dont fait partie l’Homo Sapiens. A l’état sauvage, les mâles peuvent mesurer jusqu’à 1,7 mètre pour 34 à 70 kg, alors que les femelles ne dépassent pas 1,3 mètre pour 26 à 50 kg. Le poids peut cependant être légèrement plus important en captivité.
A l’exception de la face, des oreilles, des pieds et des doigts de la main, la peau du chimpanzé commun est recouverte d’un poil noir relativement clairsemé. Au niveau de l’arrière-train, une petite touffe de poils blancs est visible durant les premières années, mais elle disparaît avec l’âge. De même, en vieillissant, le visage initialement rosé devient plus sombre, du brun au noir. Le front et le sommet du crâne se dégarnissent et le poil a tendance à grisonner, notamment dans le dos et autour du visage.
Lorsqu’ils se déplacent à quatre pattes, les chimpanzés présentent une démarche chaloupée. Celle-ci s’explique par le fait que leurs bras sont nettement plus longs que leurs jambes : leur envergure est environ 1,5 fois supérieure à la taille du corps. Leurs mains et doigts sont par ailleurs particulièrement longs et leurs pouces sont opposables : cela leur permet de saisir facilement les objets et d’évoluer facilement dans les arbres.
Comme l’Homo Sapiens, le chimpanzé possède 32 dents. Son cerveau est en revanche quatre fois moins développé que celui de l’Homme : son volume oscille entre 360 et 380 cm3.
Localisation et habitat du chimpanzé commun
L‘aire de répartition historique de Pan troglodytes est la plus importante de tous les grands singes : elle s’étend sur toute l’Afrique équatoriale, de la côte occidentale à la côte orientale. 22 pays d’Afrique se partagent les populations des quatre sous-espèces connues :
- Pan troglodytes verus, le chimpanzé d’Afrique occidentale, peut être observé entre le Sénégal et le Bénin.
- P. t. vellerosus, le chimpanzé du Nigéria et du Cameroun, ne peut être trouvé que dans ces deux pays
- P. t. troglodytes, le chimpanzé d’Afrique centrale, évolue dans les forêts tropicales et pluvieuses du Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Angola, Cameroun et République centrafricaine.
- P. t. schweinfurthi, le chimpanzé de Schweinfurth, se trouve dans la partie la plus orientale de l’aire de répartition : Ouganda, Tanzanie, Burundi, Rwanda, Soudan et République centrafricaine sont les pays où il est le plus susceptible d’être observé.
L’habitat du chimpanzé commun peut être très différent selon la région géographique, ce qui illustre les grandes capacités d’adaptation de l’espèce. Il est par exemple possible de le trouver au coeur de la forêt équatoriale, mais aussi dans des forêts marécageuses, des savanes sèches ou des forêts de montagne, parfois à plus de 2500 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Alors que les chimpanzés les plus jeunes dorment au sol avec leur mère, les adultes vivent en hauteur, généralement entre 6 et 30 mètres au-dessus du sol. Ils consacrent par ailleurs environ la moitié de leur journée à se déplacer (principalement au sol) en quête de nourriture. Chaque soir, ils doivent donc construire un nouveau nid où dormir.
Pan troglodytes est très attaché à son territoire, celui-ci pouvant s’étaler sur une poignée de kilomètres carrés seulement dans des environnements riches en nourriture, comme les forêts pluvieuses, ou sur près de 100 km² lorsque le groupe vit dans des savanes. Une communauté ne tolère pas les intrus sur ses terres et les affrontements peuvent entraîner la mort de certains mâles.
Alimentation et outils
Le chimpanzé est un omnivore connu pour sa grande diversité alimentaire. Fruits, graines, fleurs, miel constituent une grande partie de son régime, mais il ne s’arrête pas là. Il se nourrit également de fourmis et de termites qu’il chasse à l’aide d’un bâton ! Pan troglodytes est, ainsi, capable d’utiliser des outils dans sa vie quotidienne. Mieux que cela, il appartient au cercle très fermé (composé uniquement des Hommes et des orangs-outans) des animaux capables de concevoir des outils : après avoir récupéré une branche, il est capable d’en enlever feuilles et rameaux afin de l’insérer dans le trou d’une termitière, puis de la retirer et de lécher les petits termites qui rampent dessus. Le chimpanzé commun sait également positionner des noix sur un sol dur et les frapper avec un caillou pour les ouvrir, à la façon d’un marteau et d’une enclume ; si cela peut sembler simple, il n’en est rien ! La pierre maniable à la main, le sol adéquat et les noix ne sont que rarement au même endroit : les chimpanzés doivent donc faire preuve d’anticipation afin de rassembler les éléments.
Autres exemples : il peut se « chausser » en coinçant des morceaux d’écorces entre ses orteils, ce qui lui fournit une protection contre les épines, ou encore se servir d’une feuille comme d’une cuillère ou d’une éponge pour boire de l’eau, technique particulièrement importante lorsque cette ressource est rare et qu’il faut la chercher au fond d’un trou. Pour chacune des techniques évoquées, le chimpanzé doit apprendre de ses aînés quels matériaux utiliser et quels gestes sont les plus efficaces. Les maîtriser demande du temps et de la patience, et rares sont ceux qui excellent dans tous les domaines. Au total, 65 outils ont déjà été recensés. Ces derniers diffèrent selon les populations et sont transmis de génération en génération.
Capable de courir à environ 40 km/h, le chimpanzé commun peut par ailleurs s’attaquer à des proies bien plus grosses que de petits insectes. Lorsqu’il chasse en groupe, il peut tuer des singes (babouins jaunes, colobes bais, cercopithèques ascagnes…), des oiseaux, voire des antilopes ou des potamochères, aussi appelés « sangliers rouges des rivières ».
Menaces qui pèsent sur Pan troglodytes
Au début du XXème siècle, on estime que 2 millions de chimpanzés communs peuplaient les forêts équatoriales africaines. Les effectifs ont ensuite été divisés par deux en soixante ans, puis ont atteint 300 000 en 1980. Un recensement datant d’une quinzaine d’années avance une population totale de 150 000 adultes.
Le chasse et le braconnage
L’augmentation du trafic d’armes en Afrique au cours des dernières décennies a largement facilité le braconnage des chimpanzés, espèce pourtant protégée : les armes à feu sont aujourd’hui les outils de prédilection des chasseurs, très loin devant les lances, harpons et autres pièges traditionnels. Ce phénomène a fait de la chasse la principale menace pesant sur Pan troglodytes.
Plus grands et imposants que la plupart des autres primates, bruyants, évoluant souvent au sol ou à une faible hauteur, les chimpanzés sont des proies faciles pour les chasseurs. Abattus pour la consommation locale de viande, les adultes sont des cibles privilégiées. Lorsqu’ils laissent des orphelins, ces derniers sont récupérés et vendus en qualité d’animal de compagnie.
Dans les zones agricoles, les chimpanzés peuvent souffrir d’une mauvaise réputation : dans de rares cas, ils ravagent les cultures ou s’attaquent aux enfants, allant jusqu’à les tuer. Les fermiers peuvent donc eux aussi abattre des adultes et vendre leur viande sur les marchés ou, tout aussi fréquemment, la transformer en nourriture pour chiens.
Par ailleurs, les entreprises d’exploitation du bois constituent un problème d’autant plus important qu’il est double : non seulement elles ont un impact direct sur la déforestation, mais les ouvriers sont aussi souvent armés et, forts d’un accès direct à la forêt, partent chasser après leur journée de travail.
Déforestation
Activités minières, agriculture et commerce de bois sont des moteurs économiques importants pour les pays d’Afrique équatoriale. La construction d’infrastructures routières pose également problème : ces dernières permettent l’accès et l’exploitation de zones de forêt jusqu’alors préservées. En Afrique de l’ouest, le phénomène est particulièrement marqué : les forêts vierges sont de plus en plus rares et, en conséquence, les populations de chimpanzés sont très fragmentées. Le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée et la Guinée-Bissau, territoires du chimpanzé d’Afrique occidentale, font par exemple partie des 10 pays au taux de déforestation le plus élevé du monde en 2014.
La croissance démographique de plusieurs pays d’Afrique est également une importante source de préoccupations : elle implique notamment le développement de l’agriculture et de l’urbanisation dans les prochaines décennies, ce qui ne peut que favoriser la déforestation.
La transmission de maladies : le virus Ebola
Les chimpanzés sont étudiés depuis plusieurs décennies, ce qui a créé une forme d’accoutumance : dans plusieurs régions d’Afrique, ces primates sont habitués à l’Homme et réagissent avec curiosité et confiance relative à sa présence. Cette proximité, couplée à la déforestation et à la croissance démographique, phénomènes qui augmente la fréquence des contacts entre humains et singes, a permis la transmission de diverses maladies. Tuberculose, pneumonies et fièvre Ebola en font partie.
Depuis 1990, on estime qu’un tiers des chimpanzés et des gorilles du monde sont morts suite à une infection du virus Ebola, syndrome causant une fièvre hémorragique. Cette maladie peut atteindre un taux de mortalité de 77% chez Pan troglodytes. Fin 2002, l’épidémie Ebola qu’a connu la République Démocratique du Congo coïncide avec une importante mortalité des grands singes de la région. L’Odzala National Park, un site connu pour abriter la plus grande densité de grands singes d’Afrique, a été à de nombreuses reprises touché par le virus. Les populations de chimpanzé central ont été particulièrement affectées par la maladie.
Laboratoires et études expérimentales
Depuis le début du XXème siècle, la recherche médicale s’est beaucoup appuyée sur la ressemblance entre chimpanzés et humains pour progresser. Rendus orphelins par des chasseurs puis vendus à des laboratoires, les premiers bébés chimpanzés sont arrivés aux Etats-Unis au début des années 1920. Ce commerce s’est ensuite amplifié. Nombreux sont ceux qui mourraient lors du voyage et, une fois arrivés à destination, les survivants étaient soumis à des expérimentations : l’objectif des scientifiques était d’analyser les réponses des chimpanzés confrontés aux irradiations, à la schizophrénie, à l’isolement, aux traumatismes crâniens… On leur retirait une partie du cerveau, les soumettait à des hautes doses d’insecticides, d’alcool ou de médicaments, les infectait par des maladies comme la malaria ou le typhus, les attachait dans des véhicules de crash test… Des transplantations d’organes à des humains ont également été tentées, toujours en vain.
Cette utilisation du chimpanzé commun a peu à peu évolué, notamment sous la pression du public. En France et en Europe d’une manière générale, plus aucun de ces primates n’est retenu captif dans les laboratoires. Aux Etats-Unis, plus grand utilisateur de grands singes pour la recherche, l’idée fait son chemin. Aujourd’hui, un millier de chimpanzés sont toujours retenus à des fins scientifiques, mais cette pratique devrait avoir disparu autour de 2020.
L’instabilité politique
Au-delà du fait que les gouvernements réduisent les financements des programmes de conservation en temps de guerre, l’instabilité politique a à plusieurs reprises conduit à la dégradation de l’habitat du chimpanzé commun. Au Rwanda, par exemple, dans les années 1990, les forêts ont connu un afflux massif de réfugiés fuyant la guerre et le génocide « tutsi ». Ces régions protégées ont ensuite été infestées de mines terrestres et ciblées par des tirs de mortiers, ce qui a évidemment nui à la biodiversité locale.
Conservation
Depuis 1996, le chimpanzé commun est classé sur la liste rouge de l’UICN sous le statut « en danger », dernier niveau avant « en danger critique » d’extinction. L’espèce est également inscrite sur l’Annexe I de la CITES, ce qui en interdit toute forme de commerce. Toutefois, par manque de moyens, les contrôles sont pratiquement inexistants et le chimpanzé est encore considéré dans de nombreuses régions comme une viande de brousse dont le prix se négocie sur les marchés. Du fait des différentes menaces pesant sur l’espèce, l’UICN estime que les populations devraient encore diminuer durant les 30 prochaines années.
Depuis 2001, l’UNESCO et l’UNEP (Programme des Nations-Unies pour l’Environnement) ont établi un plan de sauvegarde appelé le Great Ape Survival Project (GRASP). Endiguement des maladies, protection de l’habitat, développement de l’économie verte… Autant de missions que portent les acteurs de ce projet aux niveaux local, national et international.
De nombreuses organisations travaillent également à sensibiliser les populations locales. L’institut Jane Goodall, du nom de la célèbre primatologue ayant largement contribué à la modification des rapports homme-chimpanzé, tente par exemple d’une part d’engager les fermiers dans une gestion durable des terres agricoles et de la forêt, et d’autre part d’alerter les jeunes générations quant à l’importance de préserver l’environnement. En parallèle, il mène d’autres activités importantes comme l’étude des comportements de ces primates ou le sauvetage de chimpanzés victimes des chasseurs. Deux sanctuaires ont notamment été établis : le Tchimpounga Chimpanzee Sanctuary au Congo et le Ngamba Island Chimpanzee Sanctuary en Ouganda. Au total, quelques 200 chimpanzés orphelins y vivent. Le WWF est également très impliqué dans la protection de l’espèce. L’ONG travaille en collaboration avec les gouvernements locaux et supervise la gestion des populations dans différents parcs nationaux, par exemple en Côte d’Ivoire, en République centrafricaine, au Gabon, au Congo et au Cameroun. Elle s’évertue également à enrayer la chasse et sensibilise les populations à la protection de l’espèce.
Concernant le virus Ebola, un vaccin est actuellement en cours de conception et devrait voir le jour dans les prochaines années.
Vie en communauté
Le chimpanzé commun vit en communautés pouvant rassembler plus d’une centaine d’individus. La structure sociale est très complexe et obéit aux règles dites de la « fusion-fission » : plusieurs sous-groupes coexistent, peuvent se former puis se diviser à nouveau. La taille de ces entités varie par exemple en fonction de la disponibilité de la nourriture ou des interactions sexuelles, mais elle est généralement comprise entre 5 et 10 individus. Entre chacun d’eux, la communication est omniprésente : cris, hululements, expressions faciales, postures, touchers, odeurs permettent aux primates de s’exprimer. Les adultes organisent la chasse, le partage de nourriture et, tous les jours, se toilettent entre eux : cette dernière activité, dont fait partie l’épouillage, permet de réduire le stress au sein de la communauté tout en solidifiant les liens entre chaque membre.
Au sein de chaque communauté, un mâle alpha domine ses congénères. Il est généralement soutenu par ses frères ou par des aînés sans lien de sang et règle les conflits par la violence. Responsable de son groupe, il peut prendre en charge les petits des femelles décédées prématurément.
Reproduction
L’accouplement chez les chimpanzés obéit à des règles particulièrement complexes. Tout d’abord, il ne s’agit pas que d’une affaire de survie : il est pratiqué plus souvent que nécessaire à la pérennité de l’espèce, parfois même lorsque la femelle est enceinte, ceci probablement afin de maintenir des liens solides au sein d’une même communauté. Ensuite, le choix des partenaires se fait en fonction d’une multitude de critères. La popularité d’une femelle dépend de son cycle menstruel de 36 jours, durant lequel elle est fécondable 6 à 7 jours, mais aussi de son âge : les femelles plus âgées ont plus de chances d’être choisies par les mâles. Ces derniers semblent également, par exemple, privilégier la nouveauté, puisqu’une femelle avec laquelle ils se sont déjà accouplés attirera moins leur attention qu’une autre.
Une femelle peut également choisir un mâle en se basant sur sa relation avec lui : seront avantagés ceux qui la toilettent, jouent avec elle même lorsqu’elle n’est pas fécondable, et ceux qui sont les mieux placés dans la hiérarchie du groupe. De plus, elles ne se reproduiront que très rarement avec leurs frères ou leurs fils.
Tout au long de son cycle, la femelle copule avec les mâles et peut choisir différents partenaires en quelques minutes. La gestation s’étale ensuite sur 230 à 240 jours, soit environ 8 mois. Aucune ménopause n’a été observée : certains chercheurs citent même le cas d’une femelle ayant donné la vie à 55 ans, un âge à mettre en correspondance avec l’espérance de vie moyenne de Pan troglodytes, qui avoisine 50 ans. Après la naissance, le nouveau-né s’accroche directement au dos de sa mère. Le sevrage n’aura lieu que 4 ans plus tard ; dans l’intervalle, la mère ne met généralement au monde aucun autre bébé et le jeune chimpanzé reste en permanence agrippé à elle. Les liens entre un bébé et sa mère sont donc très forts mais, si la femelle meurt avant le sevrage, le petit sera adopté par un autre membre de la communauté. Le plus souvent, il s’agira d’un membre de la famille ou du mâle alpha du groupe.
Dès les premières années, avant même d’avoir atteint la maturité sexuelle, les mâles sont susceptibles de s’accoupler avec des femelles bien plus vieilles. Femelles et mâles entrent ensuite dans une période de puberté, qui survient autour de l’âge de 7 ans. Durant cette période de 3 ans environ, les premières peuvent migrer vers une autre communauté, alors que les seconds sont beaucoup plus fidèles à leur groupe : ils sont phylopatriques (tendance d’un individu à rester ou revenir dans le groupe où il est né). En vieillissant, ils grimpent dans la hiérarchie du groupe, par exemple en s’alliant à leurs aînés ou à un frère. La majorité sexuelle est ensuite atteinte autour de 11 ans pour les femelles et 12 ans pour les mâles.
En savoir plus
Les anecdotes concernant les chimpanzés sont innombrables. Saviez-vous, par exemple, qu’ils pratiquent l’automédication ? En effet, ils se nourrissent de plantes aux vertus avérées afin de soigner, par exemple, des troubles digestifs : on appelle cela la zoopharmacognosie. Des scientifiques observent même leur régime alimentaire afin de trouver des remèdes transposables à l’Homo Sapiens. Autre anecdote : la femelle chimpanzé Washoe, née dans les années 1960, a appris 250 mots du langage des signes américain… et les a même transmis à son fils, de la même manière qu’elle lui aurait appris à maîtriser un outil dans son milieu naturel !
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