Description du corail menacé
Le corail corne de cerf tire son nom des enchevêtrements formés par l’arborescence de ses branches. Celles-ci, cylindriques et pouvant atteindre deux mètres de long pour un à trois centimètres d’épaisseur, évoquent en effet les ramures d’un cerf. La couleur de ce corail varie du grisâtre au jaune foncé, mais les branches virent au blanc à l’approche de la pointe.
Une colonie d’Acropora cervicornis peut prendre l’apparence d’un amas de branchages de deux mètres de haut, mais il arrive aussi qu’elle se développe horizontalement : les plaques formées atteignent alors trois mètres de diamètre. Avec une vitesse de pousse de 10 à 20 cm par an, cette espèce de corail est probablement dotée de la croissance la plus importante des tropiques. Cet avantage de survie incontestable est cependant contrebalancé par une grande fragilité.
Localisation et habitat
Acropora cervicornis fait partie des trois espèces du genre Acropora visibles dans le Golfe du Mexique, au large du Mexique, des Caraïbes et des Bahamas. Au nord, son aire de répartition s’étend jusqu’à Palm Beach, au-delà de la côte est de la Floride, aux alentours de Miami. A plusieurs milliers de kilomètres de là, la Grande Barrière de Corail, en Australie, semble également abriter plusieurs colonies.
L’espèce se développe dans des eaux tropicales salées, claires et calmes, à environ dix mètres de profondeur. Cette limite peut toutefois évoluer selon l’environnement : la corne de cerf a déjà été aperçue à 30 mètres de la surface. La profondeur minimale est en fait définie par l’action des vagues, puisqu’Acropora cervicornis y est très sensible et ne se développera que sur des récifs hors de portée de leur action, alors que la profondeur maximale semble être déterminée par la luminosité et la quantité de sédiments disponibles.
Menaces sur Acropora cervicornis
Depuis les années 1980, les colonies de corne de cerf ont fait face à de très nombreuses pressions environnementales. Certaines études montrent que les effectifs de l’espèce ont chuté de 98 % en 30 ans.
Le blanchissement du corail
Comme tous les coraux de mer chaude se trouvant à une faible profondeur, Acropora cervicornis survit grâce à une symbiose avec des algues microscopiques : les zooxanthelles. Ces dernières profitent de la protection du corail et de son exposition au soleil et, en contrepartie, lui fournissent l’essentiel de son alimentation en libérant des nutriments. Cette symbiose est indispensable à la survie du corail dans les mers chaudes : à faible profondeur, le plancton y est trop rare pour couvrir les besoins alimentaires des coraux. Sans les algues, le corail se décolore, dépérit et finit par mourir de faim ou de maladie en quelques semaines.
Dans certaines circonstances, le corail peut expulser ses zooxanthelles. Cela peut notamment être lié à :
- l’augmentation des températures de l’océan
- l’augmentation de la salinité de l’eau
- l’augmentation de la densité des produits toxiques
- l’augmentation de l’acidité de l’eau
L’activité humaine, qui induit réchauffement climatique, pollution et rejet de déchets toxiques en mer, expliquerait donc l’essentiel du blanchissement des coraux du monde. Début 2016, le phénomène a atteint une ampleur jamais égalée : 93% de la Grande Barrière de Corail a été touchée. Les scientifiques estiment qu’en quelques années, 20 % des coraux mondiaux auraient déjà été définitivement détruits, et 50 % supplémentaires pourraient connaître le même sort dans les 30 à 50 prochaines années.
Causes naturelles
Si la pression anthropique est la principale menace pesant sur le corail en général, le corail corne de cerf est aussi mis en danger par l’apparition d’espèces invasives favorisée par la surpêche. Ces dernières ont modifié la dynamique des écosystèmes : de nouvelles étoiles de mer, éponges, poissons se nourrissant de coraux ont investi l’habitat historique d’Acropora cervicornis et sont entrés en compétition avec les espèces locales. Aujourd’hui, leur sur-représentation menace la pérennité de l’espèce.
Tout aussi dangereux, les événements climatiques comme les ouragans fragilisent les colonies de corne de cerf situées à faible profondeur. Le réchauffement climatique pourrait augmenter leur fréquence et, ainsi, rendre d’autant plus sensible Acropora cervicornis aux maladies.
Conservation
Acropora cervicornis est aujourd’hui mentionné dans l’Annexe II de la CITES.
Au niveau local, de très nombreuses colonies sont intégrées à des aires marines protégées. Dans le Sanctuaire Marin de Floride, par exemple, tous les coraux sont recensés et marqués. Plusieurs tentatives de culture ex-situ, effectuées à partir de fragments arrachés naturellement ou non à des colonies, ont déjà vu le jour ; leur succès est pour l’heure limité, mais les recherches se poursuivent. D’autres mesures sont en place afin de lutter contre les maladies ou la sur-prédation liée aux espèces invasives, ainsi que pour tenter d’en apprendre davantage sur la biologie de l’espèce. Ce dernier point est crucial : il n’existe que très peu d’informations concernant les populations « robustes » de coraux avant 1980. Enfin, de nombreuses études sont menées afin d’analyser avec précision les impacts de l’acidification des océans, ainsi que du réchauffement ou de l’élévation du niveau des eaux sur la survie de l’espèce.
Il apparaît difficile de mener de grandes actions de protection autour des coraux, puisque la principale menace dont ils font l’objet est plus insidieuse que le braconnage ou la déforestation. Le réchauffement climatique est pour ainsi dire imperceptible et ne peut qu’être modélisé par des scientifiques après de complexes analyses, dont les paramètres d’étude sont facilement mis en cause et les conclusions sujettes à caution. Les actions visant à protéger les récifs coralliens doivent donc avant tout être d’ordre pédagogique : sensibilisation et éducation font partie des principaux leviers qui permettront de sauver les coraux corne de cerf. En outre, bien que des actions locales aient permis de remporter quelques victoires, elles ne peuvent suffire à endiguer le phénomène : la conservation de l’espèce doit être coordonnée à l’échelle internationale, impliquer de nombreux pays dont certains n’abritent aucun corail, et inclure un important soutien financier.
Reproduction
Le corail corne de cerf peut se reproduire de manière sexuée ou asexuée. Ce dernier mode est le plus souvent observé : de nouvelles colonies se forment simplement par bouturage, lorsqu’une branche de colonie se casse et se fixe dans le substrat. Si ce mode de reproduction permet à une colonie de croître très facilement après avoir été endommagée par un ouragan, il est bien moins adapté à la régénération suite à une épidémie, comme c’est le cas lors du blanchissement, où la totalité de la colonie dépérit.
Le mode de reproduction sexué peut quant à lieu avoir lieu une fois par an, généralement en août ou en septembre. En l’espace de quelques nuits, les colonies expulsent alors des millions d’ovules et de spermatozoïdes dans l’eau. De cette fécondation externe naîtront de petites larves ; certaines s’implanteront à quelques mètres de leurs géniteurs, d’autres dériveront durant plusieurs mois et grandiront sur d’autres récifs, à plusieurs centaines de kilomètres. Sur les millions d’œufs engendrés par la reproduction sexuée, une poignée seulement survivront aux prédateurs et deviendront de véritables colonies.
L’espèce se développe donc davantage par reproduction asexuée, ce qui pose un problème de plus en plus important aux scientifiques : le brassage génétique de l’espèce se réduit à chaque génération, ce qui pourrait nuire aux capacités démographiques de l’espèce sur le long terme.
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