Le dauphin de Chine « Lipotes Vexillifer », appelé également Baiji ou encore dauphin du Yangzi, n’est pas tout à fait un vrai dauphin : il appartient au genre des Lipotes, dont il est par ailleurs l’unique représentant. Le déclin de ce dauphin d’eau douce a été fulgurant : en l’espace de cinquante ans, sa population de 5 000 individus a presque entièrement disparu.
Présentation du dauphin du Yangzi
Le dauphin de Chine est doté d’un corps fusiforme. Les mâles mesurent entre 140 et 215 cm pour un poids allant de 42 à 125 kg, alors que les femelles oscillent entre 180 et 250 cm pour 65 à 170 kg ; le dimorphisme sexuel est donc assez marqué. Le corps du Baiji est d’un bleu pâle tirant sur le gris, alors que leur ventre est presque blanc. Son bec est très long, atteignant parfois 60 cm, et est garni de 30 à 36 paires de dents coniques. Ses yeux sont, quant à eux, plus petits que ceux des dauphins océaniques : Lipotes Vexillifer évoluant principalement dans des eaux boueuses, sa vue est limitée. Pour s’orienter, ces dauphins utilisent l’écholocation, ce qui explique la présence d’une petite bosse frontale : cette excroissance abrite le melon, organe détectant les sons utilisés lors de l’écholocation. Les nageoires du Baiji sont arrondies et lui permettent de nager rapidement, alors que son aileron dorsal est très court et de forme triangulaire.
Habitat et localisation
Des fossiles montrent que les ancêtres du Baiji ont migré du Pacifique vers l’intérieur du continent asiatique il y a 20 millions d’années, lors de la montée des eaux du Miocène. Quelques millions d’années plus tard, le niveau a diminué et a ainsi emprisonné les dauphins. Par la suite, le Yangzi Jiang, ses lacs et confluents se sont formés et transformés en eaux douces. L’évolution faisant le reste, le cétacé devint un dauphin d’eau douce.
Bien que l’espèce ait été observée dans les fleuves Qiantang et Fuchung, Lipotes Vexillifer est aujourd’hui endémique du Yangzi Jiang, immense fleuve long de 6 500 kilomètres. Il n’a pas été observé dans un autre milieu depuis plus de 50 ans. Le dauphin de Chine a colonisé le fleuve de son embouchure jusqu’à 1 900 kilomètres en amont. Avant le XXème siècle, il était possible de voir facilement des groupes de 6 à 12 dauphins, le plus souvent aux confluents des rivières ou à proximité de larges bandes de sable. Les courants d’eau y forment de grands tourbillons et les poissons et crustacés, qui composent le régime alimentaire du Baiji, y étaient plus abondants.
Menaces sur le dauphin de Chine
Le dauphin de Chine évolue dans les eaux du Yangzi Jiang depuis des milliers d’années. Durant la première moitié du XXème siècle, on estimait sa population à 5 000 individus, puis l’espèce a connu un déclin fulgurant. Pourtant, elle ne connaît qu’un seul prédateur : l’Homme.
Le développement économique chinois
De 1958 au début des années 1960, Mao Zedong, dirigeant de la République Populaire de Chine, applique une nouvelle politique de développement économique. Cette période est appelée le Grand Bond en avant. Durant ces quelques années, une usine de fabrication de gants et de sacs à main ouvre à Zhejiang, au sud de Shanghai. Sa matière première ? Le Baiji, pourtant considéré comme la « déesse du Yangzi« . L’usine achète des peaux de dauphins au kilo, encourageant la pêche intensive de l’animal. Après à peine quelques années, l’usine ferme ses portes : les stocks de dauphins de Chine étant devenus insuffisants. Le Baiji a connu son premier déclin important.
Une pêche mal maîtrisée
Dès l’apparition de l’Homme sur les rives du Yangzi Jiang, le fleuve fournit nourriture et voie de transport aux communautés locales. Cependant, au cours des dernières décennies, les choses se sont intensifiées et le fragile équilibre a été brisé. Entre 1970 et 1990, plus de la moitié des corps de dauphins de Chine retrouvés morts le sont à cause de la pêche. Les filets et les lignes de fond, atteignant parfois 1000 mètres de longueur, ont provoqué de très nombreuses blessures par hameçonnage et morts par étranglement. Les explosifs, qu’ils soient utilisés pour la pêche ou pour dévier des cours d’eau, étaient aussi couramment utilisés. Enfin, dans les années 1990, l’électropêche fait des ravages : le principe est simplement de faire passer un courant électrique dans l’eau pour assommer les poissons, puis de les recueillir avec une épuisette. 40 % des décès de dauphins de Chine sont directement attribués à cette technique de pêche pourtant illégale.
La pollution et la modification de l’habitat
La Chine a entrepris au cours des dernières décennies la construction de nombreuses vannes et barrages, dont le point d’orgue fut le barrage des Trois gorges, le plus grand du monde, construit entre 2006 et 2009. Pour les dauphins, ces constructions ont été le coup de grâce. Elles ont coupé la circulation de la faune entre le fleuve et les lacs, divisé les populations de dauphins, modifié les courants sur des centaines de kilomètres et entraîné une réduction drastique des proies disponibles. Les lacs en aval des barrages se sont asséchés et l’eau relâchée depuis les réservoirs, plus froide qu’en temps normal, a affecté tout l’écosystème du fleuve.
Le plus grand barrage du monde a également grandement facilité le trafic fluvial : d’immenses cargos allant jusqu’à 10 000 tonnes peuvent désormais remonter le fleuve. Cette circulation entraîne une augmentation de la pollution sonore, une perturbation de l’écholocation des dauphins et des risques de collision avec les coques ou les hélices des bateaux.
Les populations locales puisent elles aussi de grandes quantités d’eau dans les lacs proches afin d’alimenter les terres agricoles, provoquant là encore une modification de l’habitat du dauphin du Yangzi.
Enfin, la Chine se débarrasse chaque année d’une quantité astronomique de polluants via son immense fleuve. Pesticides, engrais chimiques, pollution industrielle… 25 milliards de tonnes d’eau polluée non retraitée sont rejetés dans le fleuve chaque année.
Sauvegarde du Baiji
Aujourd’hui, le dauphin de Chine est probablement le cétacé le plus menacé du monde. L’UICN a classé le dauphin de Chine en danger critique d’extinction mais estime que le risque qu’il soit déjà éteint est extrêmement grand. L’espèce est également inscrite sur l’annexe I de la CITES depuis 1975.
En Chine, pour contrer le déclin du Baiji, quelques tentatives ont vu le jour. En 1983, une loi interdit la pêche du cétacé mais ne sera jamais réellement respectée : on estime qu’il reste alors environ 300 dauphins de Chine. Les autorités ne s’alarment pas encore : 300 paraissant un chiffre suffisant pour garantir la pérennité de l’espèce. De plus, à cette époque, la Chine s’ouvre tout à juste au monde occidental. Après des années d’isolement diplomatique, elle entame une industrialisation massive, enregistre une croissance de 10 % par an : le gouvernement a d’autres priorités que la sauvegarde de l’environnement.
A la fin des années 1980, la première action de terrain se concrétise malgré la passivité de la communauté internationale. A cette époque, le gouvernement tente simplement de capturer autant de Baijis que possible, de les placer dans des réserves naturelles et de leur permettre de se reproduire ; en somme, appliquer le même modèle que celui utiliser pour sauver les pandas géants. La plupart des scientifiques occidentaux sont sceptiques et expliquent que la manœuvre pourrait être traumatisante pour les cétacés et, au contraire, précipiter leur mort, toutefois la mission voit le jour. Mais, le nombre de cétacés a continué de baisser : ils ne sont alors plus qu’une centaine. Malgré les six expéditions de 2 à 3 mois, les captures sont rares. Cinq réserves naturelles sont créées le long du fleuve sur un total de 350 kilomètres, dont certaines resteront vides de nombreuses années ! Plus ironique encore, il y a autant de pêche illégale dans ces réserves qu’en dehors, car elles ne sont pas protégées. Quoi qu’il en soit, les rares dauphins capturés meurent après quelques mois.
En 1997, une expédition ne recense que 13 dauphins de Chine : les médias commencent seulement à s’intéresser à l’espèce. On connait alors les causes du déclin, mais il est trop tard. Un an plus tard, 7 baijis sont comptabilisés, puis 4 en 1999. La même année, deux spécimens capturés meurent au bout de quelques mois.
Enfin, en 2006, une expédition de 39 jours menée par des experts chinois, japonais, suisses et américains se solde par un échec : aucun spécimen n’a pu être repéré.
Le 11 aout 2007, l’Académie chinoise déclare l’espèce officiellement éteinte, mettant un terme relatif aux recherches et aux programmes de conservation. Cependant, deux jours plus tard, un pêcheur photographie un dauphin de Chine proche de Tongling, dans la province d’Anhui, entretenant le doute. Aujourd’hui, rares sont les experts à afficher un quelconque optimisme : l’opinion générale admet la possibilité que de petites populations fragmentées survivent encore dans le fleuve, mais l’espèce est considérée comme étant trop proche de l’extinction pour être sauvée.
Reproduction
Peu d’éléments sont connus au sujet de la reproduction du dauphin de Chine. Les accouplements peuvent avoir lieu deux fois dans l’année, au début du printemps ou à l’automne. La femelle ne met au monde qu’un petit tous les deux ans, après une gestation de 6 à 12 mois. A la naissance, le dauphin de Chine mesure environ 80 centimètres. Le petit reste ensuite auprès de sa mère et apprend à nager, plonger, respirer à la surface, mais on ne sait pas combien de temps dure cette phase. On estime que la maturité sexuelle est atteinte à l’âge de 3 ou 4 ans.
Bien que ce ne soit qu’une estimation basée sur le seul baiji ayant survécu en captivité, il semble que le dauphin de Chine vive environ 24 ans.
En savoir plus
Une légende chinoise veut que le baiji soit la réincarnation d’une princesse. Celle-ci, après avoir refusé de se marier à un homme qu’elle n’aimait pas, fut noyée par son propre père pour sauver l’honneur de sa famille. Cette légende vaut à l’espèce le surnom de « déesse du Yangzi« .
3 Réponses to “Le dauphin de Chine”
19.11.2020
kaiwow merci!
04.04.2019
hubertItrè intérésscant
Merci WWF
05.04.2018
JoaquinĽhistoire ma fait peurer un peu mais ľhistoire ete trop bonne