Le dauphin d’Hector (Cephalorhynchus hectori) est l’un des cétacés les plus petits du monde et le seul à être endémique de Nouvelle-Zélande. Si cette espèce est classée « en danger » d’extinction par l’UICN, l’une de ses sous-espèces, le dauphin Maui, est très proche de l’extinction : il ne reste qu’une cinquantaine de spécimens évoluant autour de l’Île du Nord.
Description de Cephalorhynchus hectori
Le dauphin d’Hector peut aussi se faire appeler dauphin à front blanc : son dos est d’un gris pâle mais l’évent et les flancs sont noirs, ce qui forme les contours d’une large tache claire sur sa face. Son ventre, quant à lui, est blanc crémeux. Dauphin le plus petit de la planète, Cephalorhynchus hectori présente un dimorphisme sexuel prononcé : à l’âge adulte, la longueur d’un mâle varie entre 125 et 145 cm alors qu’une femelle peut mesurer une quinzaine de centimètres de plus. Le poids d’un adulte oscille entre 50 et 60 kg.
Le dauphin d’Hector peut être facilement identifié grâce à sa nageoire dorsale noire et arrondie, parfois comparée à une oreille de Mickey, là où la plupart des dauphins présentent une nageoire triangulaire évoquant un aileron de requin. Cette caractéristique lui vaut le surnom de « Mickey Mouse dolphin » dans les pays anglophones. Son rostre est par ailleurs court, presque entièrement confondu avec la tête, à la différence de nombreuses espèces de dauphins qui présentent un museau long et pointu. Cephalorhynchus hectori ne peut ainsi être confondu avec aucune autre espèce de son aire de répartition.
Le dauphin d’Hector tire son nom de Sir James Hector, conservateur au Musée national de Nouvelle-Zélande, qui étudia le premier spécimen connu de l’espèce. Celle-ci fut ensuite officiellement décrite en 1881 par un naturaliste belge, Pierre-Joseph van Beneden.
Localisation et habitat
Selon l’UICN, le dauphin d’Hector possède l’une des aires de répartition les plus petites de tous les cétacés de la planète. Seul cétacé endémique de Nouvelle-Zélande, il nage le plus souvent à moins de 7 kilomètres des côtes, à une vingtaine de mètres de profondeur. Sa présence a toutefois été détectée jusqu’à 100 mètres sous la surface et à 35 km du littoral. Animal social, il est le plus souvent observé par groupes comptant 2 à 8 membres, mais des entités de plus de 100 spécimens ont déjà été recensées. Par la suite, lorsqu’ils se dispersent à nouveau, les dauphins constituent des groupes différents de ceux existants auparavant : ce modèle social, qu’il est possible de retrouver chez le grand hapalémur ou le chimpanzé commun, est qualifié de « fusion – fission ».
Jusqu’à récemment, on considérait que Cephalorhynchus hectori était scindé en deux populations, la première évoluant sur le rivage de l’Île du Nord, la seconde autour de l’Île du Sud. Cependant, en 2002, des études ont montré que ces deux groupes correspondent en réalité à deux sous-espèces au squelette et au patrimoine génétique distincts :
- Cephalorhynhus hectori hectori évolue sur le littoral de l’Île du Sud et compte aujourd’hui 7 500 représentants, ce qui représente une chute de 70 % par rapport aux effectifs de 1970.
- C. h. maui, appelé dauphin Maui, est quant à lui classé « en danger critique d’extinction » par l’UICN et nage dans les eaux de l’Île du Nord. Selon le WWF néo-zélandais, 1500 spécimens étaient recensés dans les années 1970 ; il ne reste aujourd’hui qu’une cinquantaine d’individus âgés de plus d’un an.
Menaces des deux sous-espèces du dauphin d’Hector
Le dauphin d’Hector est classé « en danger d’extinction » par l’UICN et est placé sur l’Annexe II de la CITES. Son transfert sur l’Annexe I interdirait le commerce international de l’espèce mais n’aurait aucun intérêt : la principale menace pesant sur l’espèce est la pêche accidentelle.
Pêche et captures accidentelles
Les captures accidentelles liées à la pêche, qu’elle soit commerciale ou de loisir, sont la principale cause de mortalité du dauphin d’Hector ; parce qu’il nage le plus souvent près des côtes, ce cétacé est très sensible aux activités humaines. Selon les circonstances, les pêcheurs peuvent utiliser des filets dont la taille varie entre quelques dizaines de mètres et 3 000 mètres de long ; les fins maillages en nylon, indétectables pour les poissons, capturent sans distinction toute la faune marine. Ainsi, si le dauphin d’Hector n’est jamais ciblé directement par les pêcheurs, il arrive qu’il s’emmêle dans les mailles, soit incapable de remonter à la surface et meure noyé.
En 2001, l’étude de 14 dépouilles de l’espèce a révélé que la moitié des carcasses présentait « des marques claires de filets« , et quatre autres présentaient « des blessures suggérant » qu’elles provenaient de filets. Selon le plan de gestion établi par le Ministère de la Conservation néo-zélandais pour la période 2012 – 2018, 95 % des morts de dauphins Maui peuvent être associées à la pêche.
Pesticides, pollution et projets miniers
Du fait de l’aire de répartition du dauphin d’Hector, l’espèce est très sensible à la pollution. Si cette menace ne cause pratiquement aucune mort directe, elle provoque des effets visibles sur le long terme comme la réduction de la reproduction, la raréfaction des proies, l’apparition de maladies…
Les activités agricoles ont par exemple entraîné l’augmentation des concentrations de pesticides dans les estuaires de Nouvelle-Zélande… ainsi que dans l’organisme des cétacés. En haute saison, plusieurs dizaines de bateaux de tourisme croisent également autour de l’Île du Sud à la recherche de dauphins, ce qui peut les stresser. Enfin, les projets miniers perturbent eux aussi la vie sous-marine : la Nouvelle-Zélande a notamment accordé en décembre 2014 et 2015 plusieurs permis de forage liés aux industries du gaz et du pétrole, dont certains se trouvent au coeur même de l’aire de répartition du dauphin Maui.
Conservation de ces cétacés
Le dauphin d’Hector n’étant présent que dans les eaux néo-zélandaises, sa protection dépend entièrement des lois nationales. Deux grandes zones protégées ont été créées au cours des dernières années. Le « Sanctuaire des mammifères marins de la péninsule de Banks » a pour sa part été établi dès 1988 : situé à l’est de l’Île du Sud, il s’étalait initialement sur quelques 130 km de littoral et jusqu’à 8 km au large. Du fait de sa localisation, il protège la sous-espèce Cephalorhynhus hectori hectori mais, malgré sa superficie de plus de 1100 km², il ne suffit pas à contenir toute sa population : dans cette région, les fonds marins sont peu profonds et les dauphins d’Hector peuvent être aperçus plus loin des côtes qu’ailleurs.
La seconde aire protégée, créée en 2003, se trouve sur le littoral de l’Île du Nord, sur près de 400 km de long. Les protections en vigueur dans cette zone ciblent directement le dauphin Maui, la sous-espèce en danger critique d’extinction du dauphin d’Hector.
En 2008 et 2013, ces deux aires protégées ont été étendues, mais les protections restent insuffisantes selon plusieurs organisations comme le WWF, qui déplorent un manque de volonté politique ; si le sanctuaire de l’Île du Nord s’étend aujourd’hui sur environ 22 km à partir des côtes, il ne couvre toujours pas l’intégralité de l’aire de répartition de l’espèce et l’utilisation de filets de pêche n’y est pas formellement interdite. Entre Hawera et l’embouchure de la rivière Waiwhakaiho, il est par exemple possible de pratiquer la pêche de loisir dès 3,7 km au large des côtes et, d’une manière générale, les filets sont autorisés pour la pêche commerciale à partir de 13 km des côtes. Selon le WWF néo-zélandais, moins de 30 % de l’aire de répartition du dauphin Maui profite de l’interdiction des filets de pêche, et moins de 8 % bénéficie à la fois de cette mesure et d’une interdiction de la pêche au chalut. Le statut de la sous-espèce est pourtant jugée « critique au niveau national » par les autorités, dernier niveau du Système de classement des menaces.
Enfin, de nombreuses organisations militent pour l’interdiction des tests sismiques liés à l’industrie pétrolière à proximité du littoral, mais ces revendications ne semblent pour le moment pas retenir l’attention des pouvoirs publics. Suite aux décisions du gouvernement depuis 2014, le parti écologique de Nouvelle-Zélande révélait que début 2017, plus de 35 % du sanctuaire des dauphins Maui était ouvert aux forages menés par les industries du gaz et du pétrole.
Reproduction de ce mammifère marin menacé
Le dauphin d’Hector se reproduit l’été, soit entre les mois de décembre et février puisque la Nouvelle-Zélande se trouve dans l’hémisphère sud. Les mâles comme les femelles peuvent avoir plusieurs partenaires sans que cela déclenche de réaction agressive de la part d’un membre du groupe ; au contraire, si une femelle n’est pas réceptive à la cour d’un mâle, ce dernier en cherche simplement une autre. La gestation dure ensuite 10 à 12 mois ; les petits naissent généralement entre la fin du printemps et le début de l’été. Une portée compte un unique nouveau-né, qui mesure à la naissance environ 75 cm. Il ne devient indépendant qu’entre 1 et 2 ans de vie, lorsqu’il mesure près d’un mètre. Il peut alors quitter sa mère et rejoindre un autre groupe de dauphins, par exemple composé exclusivement de juvéniles. Dans l’intervalle, la mère ne se reproduit pas ; elle ne peut donc mettre au monde qu’un seul petit tous les 2 à 3 ans.
Les dauphins d’Hector mâles atteignent leur maturité sexuelle entre 6 et 9 ans, alors que les femelles l’atteignent entre 7 et 9 ans. Compte tenu de ces éléments et de l’espérance de vie de l’espèce, évaluée à 22 ans environ, un dauphin d’Hector femelle ne pourra mettre au monde que 7 petits dans son existence. Dans des conditions optimales, sans aucune pression anthropique, le taux de croissance de l’espèce s’élève ainsi à 2 % par an au maximum. Ce cycle de vie très lent rend Cephalorhynhus hectori d’autant plus vulnérable aux menaces qui pèsent sur lui : selon les autorités néo-zélandaises, le dauphin Maui ne peut supporter qu’une seule mort liée à l’activité humaine tous les 10 ans.
1 réponse to “Le dauphin d’Hector”
25.01.2018
JacquesPrésentation du dauphin d’Hector très sympathique,
je suis impréssioné par la justesse de ses explications ! Super interressant ! Merci pour cette démonstration de talent !