Plus communément appelé chien sauvage d’Asie ou Cuon alpinus par les scientifiques, ce canidé aux allures de loup et de renard roux est une espèce « en danger », d’après l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Partout sur son aire de répartition, le dhole voit en effet sa population sauvage décliner.
Description
Caractéristiques physiques
De taille moyenne – entre 40 et 50 cm de haut au garrot et de 75 cm à 1 m de long du museau jusqu’à la queue – et de poids relativement léger – 10 à 20 kg pour les plus gros gabarits –, le dhole a de longues pattes fines et un poitrail large qui lui permet une excellente endurance. Sur sa tête, deux grandes oreilles rondes et bien dressées lui donnent l’impression d’être toujours aux aguets. Son pelage roux-brun noircit à l’extrémité de la queue, qu’il a par ailleurs plutôt épaisse comme celle du renard. Chez certains chiens sauvages d’Asie, le pelage est blanc sur les parties inférieures des pattes, du cou, à l’intérieur des oreilles et sur le ventre, mais ce n’est pas systématique.
En effet, il existe plusieurs différences entre les dholes, notamment au niveau de la taille et du pelage. A tel point qu’à la fin du 19ème siècle, les scientifiques pensaient qu’il existait deux espèces distinctes : le dhole du nord (Cuon alpinus) et le dhole du sud (Cuon alpinus javanicus). Dans les années 1960, il est prouvé qu’il s’agit bien d’une seule et même espèce subdivisée en onze sous-espèces aux tailles et aux pelages différents. Ainsi, il y aurait bien une différence entre les populations de dholes vivant au nord – celles-là se découperaient en cinq sous-espèces (C.a.alpinus, C.a.primaevus, C.a.laniger, C.a.Hespérius et C.a.fumosus) – et les groupes du sud – répartis en six sous-espèces (C.a.lepturus, C.a.dukhumensis, C.a.adjustus, C.a.infuscus, C.a.sumatrensis, et C.a.javanicus). Mais cette théorie ne fait toujours pas consensus au sein de la profession, certaines sous-espèces supposées ne présentant pas de différences génétiques claires par rapport à d’autres. L’université chinoise Qufu Normal University travaille notamment sur cette question, mais des études génétiques supplémentaires sont nécessaires pour en savoir plus.
Régime alimentaire
Le dhole appartient à l’ordre des carnivores. Il s’agit même de l’une des trois seules espèces de canidés à disposer d’une denture spécialisée pour un régime « hypercarnivore », c’est-à-dire composé à plus de 70 % de viande. Le chien sauvage d’Asie est donc un prédateur capable de chasser différentes proies comme de petits rongeurs, des lézards, des oiseaux et des lièvres, mais il a une nette préférence pour les ongulés comme le cerf aix (Axis axis) ou le sambar (Rusa unicolor). Grâce à des techniques de chasse coordonnées avec ses compagnons de meute, le dhole est un prédateur redoutable capable de s’attaquer à des proies trois à quatre fois plus grandes que lui. Un dhole adulte a besoin de manger environ 1,9 kg de viande par jour ou, de façon plus générale, 10 % de son poids total.
Comportement
A l’instar de son cousin d’Afrique le lycaon, le chien sauvage d’Asie est un animal social qui vit en meute pouvant aller jusqu’à 30 individus mais se cantonne en moyenne à cinq ou dix membres. Cette organisation permet notamment aux dholes de chasser ensemble et ainsi de s’attaquer à des proies de taille imposante qui resteraient hors de leur portée s’ils agissaient seuls. Ils peuvent également se protéger les uns les autres d’éventuelles attaques de tigres ou de léopards qui vivent sur le même territoire. Des cas de meutes de chiens sauvages traquant ces félins ont même été observés dans certaines forêts d’Asie centrale et orientale.
Pendant la journée, le dhole préfère rester peu actif afin de conserver ses forces : ce n’est qu’à l’aube ou au crépuscule qu’il se met en chasse. En revanche, il traque rarement ses proies la nuit et quand il le fait, c’est surtout lorsque la lune offre une bonne luminosité. Un couple dirige la meute – on parle de mâle et femelle alpha – mais la hiérarchie n’est pas fortement marquée au sein du groupe. Par exemple, les jeunes ont le droit de manger avant les adultes lors des repas. Les comportements sociaux sont très évolués, le jeu et le léchage faisant partie intégrante du quotidien du dhole. Ces animaux peuvent communiquer entre eux en poussant des cris, des grognements ou des sifflements selon qu’ils veulent signaler leur position ou faire passer un autre message.
Habitat du dhole
A l’origine, le dhole vivait dans toute l’Asie du sud-est jusqu’au sud de la Russie, pas uniquement sur le continent mais également dans les îles attenantes. Mais au fil du temps, il a quitté les trois quarts de son territoire. Aujourd’hui, l’espèce est considérée comme éteinte en Afghanistan, au Kazakhstan, dans les deux Corées, au Kirghizistan, en Mongolie, en Russie, à Singapour, au Tadjikistan et en Ouzbékistan. Il se pourrait que le dhole ait également disparu du Vietnam. On ne le trouve plus que dans neuf pays asiatiques : le Bangladesh, le Bhoutan, le Cambodge, la Chine, l’Inde, l’Indonésie (sur les îles de Sumatra et de Java), le Laos, la Malaisie, Myanmar (ex-Birmanie), le Népal et la Thaïlande. C’est en Inde que l’on trouve l’une des plus importantes populations de chiens d’Asie sauvages, principalement dans les forêts du centre du pays qui regorgent de proies potentielles. Au Bangladesh, en revanche, seuls quelques individus vivent dans des coins de forêts reculés mais cette sous-population n’est pas suffisamment nombreuse pour être considérée comme viable, elle pourrait donc s’éteindre à son tour dans un avenir proche.
Cuon alpinus n’est pas difficile en matière d’habitat : il est capable de vivre dans différents endroits et types de végétations, mais il préfère les milieux forestiers. Le dhole peut aussi bien s’établir dans des forêts primaires, secondaires ou dégradées par la main de l’Homme, mais aussi dans des steppes tempérées ou alpines. On le trouve à différentes altitudes, jusqu’à 5 300 m dans la région de Ladakh, en Inde. En général, le chien sauvage d’Asie s’établit dans des zones riches en ongulés et plus particulièrement en cervidés qui constituent l’essentiel de son régime alimentaire.
Menaces
Ainsi qu’évoqué précédemment, le dhole était à l’origine présent dans toute l’Asie du sud-est, mais il a disparu dans plus de 75 % de son aire de répartition historique. La population restante est aujourd’hui très fragmentée et toutes les sous-populations identifiées déclinent, sous le poids de différents facteurs. On ignore combien de dholes vivent à l’état sauvage : un recensement de l’espèce serait très complexe étant donné le nombre important de pays où elle vit et la grande fragmentation de sa population, mais il pourrait exister seulement entre 950 et 2 215 individus matures selon les récentes estimations.
Diminution de nombre de proies
Comme cité plus haut, le dhole est un carnivore quasi-exclusif qui vit en meutes plus ou moins grandes. Son environnement direct doit donc être suffisamment grand et abriter un nombre important de proies pour nourrir tout le groupe et lui permettre de continuer à élever des portées. Or, les populations actuelles d’ongulés, à l’exception peut-être du muntjac et du cochon sauvage, ne suffisent pas à nourrir tous les dholes. Cette diminution du nombre de proies est, pour l’UICN, l’une des principales raisons de la disparition de Cuon alpinus dans tout le nord de son habitat historique. Elle s’explique en partie par la déforestation, l’expansion des terres agricoles et des pâtures, mais aussi la construction d’habitations, de barrages, de routes, etc. L’Homme est par ailleurs directement responsable de cette diminution puisqu’il chasse les mêmes proies que le dhole pour se nourrir, en particulier le cerf. A noter que lorsqu’une espèce vole de façon répétée la nourriture d’une autre, on parle de parasitisme alimentaire ou de kleptoparasitisme.
Conflits avec les éleveurs
Le dhole ne fait pas exception à la règle : comme c’est le cas pour de nombreux grands prédateurs qui s’attaquent parfois à du bétail, le chien sauvage d’Asie s’expose à de violentes représailles. Lorsqu’ils perdent une ou plusieurs bêtes, les éleveurs choisissent souvent de prendre les devants en éliminant le prédateur responsable, et ainsi éviter qu’un nouvel incident ne se reproduise. Cela se traduit par une traque jusqu’à l’abattage de l’animal ou, et c’est la pratique la plus couramment utilisée à l’encontre du dhole, par l’empoisonnement d’une carcasse et, en tout logique, du canidé. Ces empoisonnements sont particulièrement meurtriers dans le cas du chien sauvage d’Asie car ce n’est pas un seul animal mais toute la meute qui se nourrit de la carcasse. Or, avec la diminution du nombre de proies sur son territoire et l’expansion de l’habitat de l’Homme, Cuon alpinus se retrouve de plus en plus près des zones à risque. Et la réputation de « tueur de bétail » qu’il porte depuis des décennies joue contre lui.
Maladies
L’urbanisation croissante a contribué au fait que les dholes sont de plus en plus amenés à avoir des contacts directs ou indirects avec des chiens domestiques. Ces derniers sont parfois porteurs de maladies auxquelles ne survivent pas les animaux sauvages non immunisés. Le dhole est notamment exposé à la rage, à la maladie de Carré– pathologie qui menace également des espèces comme le panda roux et le lycaon –, à la gale sarcoptique ou encore à la parvovirose. Etant donné leur mode de vie en meute et leurs comportements sociaux plutôt proches les uns avec les autres, les dholes sont très sujets à la propagation de telles maladies. Récemment, entre 2011 et 2012, une épizootie due à la maladie de Carré a par exemple décimé les populations de dholes qui vivent dans les plaines de l’est et du nord du Cambodge, y compris dans les zones protégées.
Efforts de conservation
Aires protégées
La création de zones protégées dans lesquelles vivent les dholes et leurs proies potentielles constitue l’une des seules solutions mises en place pour la préservation de l’espèce. En Inde, les grandes aires protégées du sud et du centre du pays ont permis de stabiliser les populations de dholes en même temps que celles des ongulés dont ils ont besoin pour survivre. Au Bhoutan, où l’espèce a failli disparaître dans les années 1970-1980, le dhole repeuple ce territoire très montagneux depuis les années 1990. La raison ? La création de zones protégées dans lesquelles ces canidés sont à l’abri de tout acte de malveillance. Mais cela ne suffit pas. Même dans les aires protégées, le dhole est souvent accusé d’être responsable de la diminution du nombre d’ongulés ou d’attaques sur du bétail et des gouvernements locaux n’hésitent pas à proposer de les éliminer de certaines zones. Pourtant, l’espèce est protégée dans tous les pays où elle vit, ce qui implique que son abattage est fortement régulé, et inscrite à l’annexe II de la Cites depuis 2013.
Absence de plan dédié
Sans parler des aires protégées qui, finalement, sont créées afin de protéger plusieurs espèces et non une seule, le dhole est en quelque sorte un prédateur oublié des programmes de sauvegarde. Aucun plan d’envergure nationale ne lui est en effet dédié malgré le fait que sa population sauvage soit gravement menacée et déclinante. Seuls quelques programmes de protection locaux ont été mis sur pied de-ci de-là, comme par exemple dans l’ouest de l’Arunachal Pradesh, en Inde, ou dans la zone de conservation de Kangchenjunga, au Népal. Le fait de partager le même territoire que les tigres et les léopards, des animaux également menacés et plus médiatisés, joue probablement en sa défaveur. Les dholes sont par ailleurs très difficiles à observer et à étudier dans la nature, ce qui complique la mise en place de mesures efficaces pour les protéger. A ce jour, le piégeage photographique constitue l’une des méthodes les plus pertinentes. C’est notamment ce que fait l’ONG Habitat ID dans des zones reculées afin de prouver l’existence de dholes dans ces territoires et parvenir à les classer en tant qu’aires protégées.
Reproduction
Comme la majorité des mammifères, le dhole est vivipare. La femelle donne naissance à ses petits après une gestation d’une soixantaine de jours qui se termine entre novembre et mars. A ce moment-là, elle choisit de se mettre à l’abri dans une tanière le plus souvent située près d’un cours d’eau ou entre des rochers. Les portées se composent généralement de cinq à dix petits, et cela monte même parfois jusqu’à douze bébés en une seule mise bas. Les petits sont allaités durant quelques semaines, puis peu à peu nourris avec de la viande. Ils commencent à accompagner le groupe à la chasse à partir de l’âge de six mois et atteignent leur maturité sexuelle vers un an.
par Jennifer Matas
3 Réponses to “Le dhole ou chien sauvage d’Asie”
06.11.2018
Macron NembergSuper espèce il faut faire quelque chose pour toutes ces espèces !
09.11.2020
EnkaTrès intéressant. Continuez.
08.08.2018
Florence VerelstJe découvre une nouvelle espèce. Magnifique animal.