Unique espèce de la famille « Mobulidae » à vivre en mer Méditerranée, le diable de mer est également la plus menacée des 11 espèces du genre popularisé par la raie manta géante. L’espèce est en danger (EN) d’extinction depuis 2006 et sa population continue à diminuer.
Présentation de Mobula mobular
Le diable de mer méditerranéen n’a, vous vous en doutez, rien d’ésotérique. Le poisson a été nommé ainsi à cause des deux cornes qui ornent sa tête et qui rappellent les cornes du diable, mais ces appendices sont en fait des nageoires que le diable de mer peut bouger, fléchir ou déplier indépendamment l’une de l’autre.
Description physique
Il s’agit de l’espèce de raie la plus grande du genre Mobula avec une envergure maximum de cinq mètres, soit trois mètres de moins que sa cousine Manta. De couleur gris-bleu sombre sur le dos, un bandeau noir sépare visuellement la tête du reste du corps. Autre particularité, Mobula Mobular possède une longue queue dite « en fouet » qui dépasse régulièrement la taille de son corps, un élément qui permet de la différencier aisément de Manta birostris, la raie manta géante, qui possède elle une queue courte. Enfin, c’est sur le ventre blanc du poisson que se situe sa bouche.
Le poids varie évidemment en fonction de l’âge et donc de la taille du diable de mer mais on estime qu’il peut peser jusqu’à 1,5 tonne.
Régime alimentaire
Mobula mobular se nourrit principalement de zooplanton mais ingurgite également de façon plus marginale des petits poissons ou crustacés qu’elle rabat grâce à ses cornes. La raie nage bouche ouverte et filtre l’eau à l’aide de cinq branchies situées sur son ventre. Elle possède de nombreuses dents : plusieurs rangées sont disposées sur toute la longueur de la mâchoire, ce qui lui permet de percer la carapace des crevettes.
Localisation du diable de mer méditerranéen
Mobula mobular est endémique de la mer Méditerranée. Elle est restée la seule raie du genre Mobula de cette mer jusqu’en 2014 où une Mobula japanica, une mante aiguillat, a été découverte près de la Tunisie. Si l’intruse est probablement passée par le détroit de Gibraltar, situé entre l’Espagne et le Maroc, l’inverse est aussi vrai ! Ainsi, des présumés diables de mer méditerranéens sont régulièrement aperçus sur la côte orientale de l’Atlantique, du sud de l’Irlande au nord du continent africain. « Présumés » seulement car pour vérifier qu’il ne s’agit pas de sa cousine Mobula japanica, il faudrait attraper les poissons en question et examiner leur dentition, qui permet de différencier de manière certaine les deux espèces. Or, cela n’a encore jamais été fait.
En Méditerranée, les diables de mer sont des animaux faciles à observer depuis le ciel puisqu’on les retrouve dans la zone dite épipélagique qui se situe entre la surface et 200 mètres de profondeur. C’est également dans cette zone que se trouve le plus de plancton. Toutefois, Mobula mobular peut exceptionnellement plonger jusqu’à 700 mètres.
Menaces
On ne connait pas précisément la taille de la population de Mobula mobular mais l’UICN estime qu’elle est en déclin. En fait, l’observation de cette espèce est si rare qu’on ne sait si cela est dû au faible nombre d’individus ou à leur discrétion (discrétion toute relative pour un poisson de 5 mètres d’envergure souvent en surface).
La principale menace qui pèse sur le diable de mer Méditerranée est la pêche bien que l’espèce soit rarement ciblée. Elle est en fait souvent capturée accidentellement du fait de sa grande taille. Mais il peut arriver qu’elle soit également prise pour cible : un épisode a notamment marqué les esprits en mars 2013. Près de 500 individus ont été capturés par des navires de pêche à la senne avant d’être consommés. Cet épisode de chasse s’est déroulé au large de la bande de Gaza et se reproduirait chaque année d’après Matt Lapinski, président d’Ailerons, une association d’étude et de protection des requins et raies de Méditerranée.
L’utilisation des filets dérivants est également pointée du doigt dans le déclin de Mobula mobular. Cette technique de pêche a fait de nombreux dégâts sur la faune marine. Le principe ? Un filet maillant est maintenu plus ou moins droit par des flotteurs sur la partie supérieure et des plombs sur le bord inférieur. Les poissons se prennent dans les mailles et ne peuvent faire marche arrière sans se blesser. Les filets sont tirés par un bateau ou laissés libres. Si la maille est choisie en fonction de l’espèce ciblée et laisse passer les poissons plus petits, tout ce qui est de taille équivalente ou plus grande que cette espèce est également capturé. C’est le cas du diable de mer de Méditerranée. La Commission européenne a interdit l’utilisation de tels filets pour la pêche des grands migrateurs mais leur utilisation restait autorisée pour la pêche du hareng, maquereau, bar ou sardine, à condition que les filets fassent moins de 2,5 km de long.
En 2014, l’institution a proposé d’interdire purement et simplement cette technique de pêche dans l’Union Européenne. Mais le Parlement ne l’entendait pas de cette oreille et beaucoup ont jugé cette proposition disproportionnée, arguant que des filets fragiles ne peuvent résister à la force physique d’espèces au gabarit imposant. « Ces engins ont de tous temps été considérés […] comme les moins impactants pour l’environnement. Ils font partie du patrimoine de la pêche artisanale méditerranéenne. Il n’y a aucune raison environnementale d’interdire ces engins » (extrait de la lettre écrite en 2015 par les Prud’hommes de Sanary-sur-Mer à l’attention du Président de la commission pêche du Parlement européen). Compte tenu des levées de boucliers du secteur de la pêche, la procédure n’a jamais vu le jour et est encore officiellement « en attente de la décision de la commission parlementaire »… depuis quatre ans.
Autre source d’inquiétude : l’augmentation du commerce des branchies de Mobula, principal ingrédient d’une soupe traditionnelle. D’après l’ONG IFAW, « les branchies sont également utilisées en médecine traditionnelle chinoise pour traiter les maux tels que l’asthme, les éruptions cutanées, la varicelle ou même le cancer. Nous avons eu accès à des rapports montrant qu’une seule raie peut donner jusqu’à 3,5 kilos de branchies séchées, pouvant être vendus jusqu’à 502 € le kilo en Chine. »
Une autre menace pèse sans doute sur le diable de mer de Méditerranée mais son impact n’a pas encore été mesuré : en tant qu’espèce épipélagique (peu profonde), Mobula mobular est sans doute très impactée par la pollution de l’eau (hydrocarbure et plastique) et par le trafic maritime important en Méditerranée.
Efforts de sauvegarde
Le diable de mer de Méditerranée est en annexe II de la CITES depuis 2017 ce qui signifie que son commerce international est autorisé mais soumis à une réglementation concernant l’exportation notamment.
Deux associations s’impliquent en France pour la conservation de cette raie :
- Ailerons : étude et protection des requins et raies de Méditerranée ;
- Le Corsica – Groupe de recherche sur les requins de Méditerranée.
L’association Ailerons basée à Montpellier a mis en place en 2009 le Projet Diable de mer, qui invite les particuliers comme les professionnels à partager leurs observations de l’espèce. Le but est de récolter un maximum de données sur cette espèce encore très mystérieuse et de centraliser ces informations pour les scientifiques qui souhaiteraient travailler sur Mobula Mobular.
Plus récemment, en 2016, l’opération Wings4Sea a vu le jour. Il s’agit d’un projet d’observation des diables de mer à l’aide de drones pilotés depuis un bateau. Malheureusement, suite aux attentats terroristes, l’opération a été arrêtée faute d’autorisation réglementaire. Matt Lapinski, président d’Ailerons, nous précise que le projet n’est « pas complètement abandonné, mais malheureusement les leviers réglementaires pour faire voler des drones aussi performants vont être difficiles à lever. »
Côté international, le diable de mer de Méditerranée est protégé par la Convention de Barcelone (Convention pour la Protection de l’environnement marin et de la région côtière de la mer Méditerranée).
Reproduction
Lorsque vient le temps de se reproduire, les diables de mer de Méditerranée se regroupent tandis qu’en temps normal ils sont solitaires ou vivent en couple.
Le diable de mer méditerranéen est vivipare et ne pond donc pas d’œufs. L’espèce semble avoir un taux de reproduction très faible. Les femelles donnent naissance à un unique petit au cours de l’été, et ce tous les deux ou trois ans. Sachant que la maturité sexuelle est atteinte quand le diable dépasse les deux mètres et que l’espèce vit en moyenne 30 à 40 ans, cela signifie qu’une femelle donnera naissance à environ 7 à 10 petits au cours de sa vie.
La durée de la gestation n’est pas connue mais on présume qu’elle est assez longue : elle durerait approximativement 24 mois. Le jeune Mobula mobular est déjà imposant à la naissance. En 1986, une femelle gestante a été capturée ; le petit semblait à terme et mesurait pas moins de 160 cm pour un poids de 35 kg.
Le saviez-vous ?
Pour apercevoir un diable de mer, vous pouvez voir son dos sombre à travers l’eau transparente ou bien le plus souvent observer un bout de nageoire pectorale fendre l’eau, tel un aileron de requin ! Plus rarement, il est possible de le voir faire des bonds spectaculaires hors de l’eau. Ces sauts ont d’ailleurs donné à l’animal la réputation de faire couler les petites barques et leurs occupants, ce qui tient bien davantage du mythe que de la réalité mais a renforcé l’image de diable marin de Mobula mobular.
par Cécile Arnoud
2 Réponses to “Le diable de mer de Méditerranée”
11.07.2019
Vincent DUFFAITbonjour
nous avons observé 2 spécimens de ce diable des mers à 300 m de saint mandrier, dans la rade de Toulon hier soir. environ 2 m d’envergure, un instant magique. Elles ont tourné autour de notre pirogue puis sont reparties tranquillement.
11.02.2019
louis GiorgiBonjour,
Je pense que cette espèce a une reproduction de l’ordre des ovovivipares (vivipare aplacentaire).
Je vous donne ma source : http://doris.ffessm.fr/Especes/Mobula-mobular-Diable-de-mer-mediterraneen-2912/(rOffset)/0
je vous remercie par avance.