Il est courant d’apprendre dans la presse qu’un animal sauvage a tué un homme ou inversement. Ces incidents se produisent partout sur la planète et semblent même en augmentation. Régulièrement, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie des rapports dans lesquels la hausse du nombre de conflits entre l’Homme et la faune est soulignée. « Les conflits humains-faune sont devenus plus fréquents et plus graves au cours des dernières décennies en raison de l’accroissement de la population humaine, de l’extension des infrastructures routières et du développement de l’agriculture et des activités industrielles, qui ont conduit à une plus grande colonisation par les humains de régions autrefois sauvages et inhabitées », note ainsi le rapport publié en 2010 sur les conflits entre l’Homme et la faune en Afrique.
Des conflits aux quatre coins du globe
Mais ce continent n’est pas la seule zone concernée. Le 3 janvier 2018, un drame de ce genre s’est ainsi produit en Indonésie. Sur l’île de Sumatra, une employée d’une plantation d’huile de palme a été tuée par un tigre alors qu’elle recueillait des données sur les insectes nuisibles. Accompagnée de deux collègues qui ont survécu à l’attaque, la trentenaire s’est vue infliger de nombreuses blessures au cou et aux jambes et est décédée après un combat d’une quinzaine de minutes avec le félin. Toujours à Sumatra, en décembre 2017, une éléphante enceinte a été retrouvée morte dans une plantation de palmiers à huile. D’après les premières constatations, elle aurait été empoisonnée par les villageois, furieux que l’animal s’attaque aux engrais de leurs champs. Quelques semaines plus tard, dans la même région, un autre éléphant de la même espèce a été découvert tué par balles. A noter que ces actes sont d’autant plus graves que d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’éléphant de Sumatra est une espèce en danger critique d’extinction. Il ne resterait plus que 3 000 individus à l’état sauvage.
Ces événements ne sont malheureusement pas isolés. Début 2018 en Argentine, 34 condors des Andes ont été retrouvés morts empoisonnés par un puissant insecticide. Ils auraient été les victimes collatérales d’un piège monté par un éleveur souhaitant se débarrasser des prédateurs naturels du bétail, comme les pumas. A la même période en Inde, trois enfants ont été attaqués et tués par un léopard dans une zone rurale. Et il serait facile de continuer à énumérer ainsi des exemples tant ils sont légion. Sans compter qu’il n’y a pas besoin d’aller bien loin pour trouver des cas récurrents de conflits entre l’Homme et la faune. En France, le dossier loup continue de faire monter la grogne entre éleveurs et défenseurs de la cause animale, sans parler des réintroductions en demi-teinte de l’ours brun dans les Pyrénées et du lynx boréal dans les Vosges et le Jura.
L’urgence de trouver des solutions
Peu importe où sur la planète, dès lors que l’Homme et l’animal se retrouvent en compétition sur un même territoire, des tensions se créent. Bien qu’il n’existe aucun indicateur permettant de récolter des données au niveau mondial afin de mesurer l’ampleur des conflits Homme-faune, les chercheurs s’accordent à dire que tous les pays sont également concernés. Que ce soient la présence d’herbivores et de rongeurs capables de ravager des plantations ou de grands carnivores qualifiés de dangereux aux abords des villes, les risques d’incidents augmentent. Surtout lorsque rien n’est fait pour apaiser ces craintes souvent infondées. En Amazonie où il a mené ses recherches dans le cadre de ses travaux sur les conflits Homme-faune, le géographe Guillaume Marchand* a observé que les paysans pouvaient perdre 20 à 30 % de leurs récoltes annuelles uniquement à cause des herbivores et des rongeurs. « A titre de comparaison en Europe, ce chiffre doit tourner autour de 1 %. Les dégâts potentiels sont donc très élevés, surtout quand on y ajoute les autres facteurs à risque comme les sécheresses ou les crues qui emportent une partie des récoltes », souligne le docteur du Centre des sciences de l’environnement de l’université fédérale de l’Amazonas. Quand de tels dégâts se produisent, aucune compensation n’est allouée aux paysans lésés qui, trop souvent, se font justice eux-mêmes.
Pourtant, des solutions existent pour endiguer cette tendance qui augmente et fait chaque année de plus en plus de victimes dans les deux camps (voir dernier article de ce dossier). Surtout, il devient urgent de mettre en place des plans d’action pour endiguer la disparition progressive des espèces menacées, qui paient un lourd tribut au nom de la croissance humaine.
*Marchand, G., 2017. « De la juste place des prédateurs fluviaux dans les aires protégées d’Amazonie brésilienne ». Historiens et Géographes numéro spécial FIG : Territoires humains, mondes animaux (coordonné par F. Benhammou et P. Sierra), n°439, pp. 63-67 ;
Marchand, G., 2016. « Analyse de la dimension spatiale des conflits homme/faune sauvage dans la réserve de développement durable de la rivière Uatumã (Amazonas, Brésil) », Cybergeo : European Journal of Geography.
1 réponse to “Les conflits entre l’Homme et la faune dans le monde”
12.04.2018
MerylMais pourquoi cette majuscule au plus infâme animal de la terre ?…