
L’hybridation génétique n’est pas nouvelle. Dans le monde sauvage, elle est naturelle et fait partie du cycle de l’évolution rythmée par trois étapes incontournables : mutation, extinction, création. Si elle n’est pas forcée par l’homme. Car en bougeant les frontières des aires de répartition des espèces animales et végétales, l’homme contraint certaines espèces à cohabiter pour survivre. C’est cette mixité nouvelle qui peut devenir un danger pour les espèces menacées.
L’hybridation interspécifique : un phénomène totalement naturel
L’hybridation spontanée – c’est-à-dire naturelle – peut avoir lieu entre animaux d’une même espèce mais de sous-espèces différentes (on parlera de croisement intra-spécifique) ou carrément entre espèces voisines. C’est ce qu’on appelle l’hybridation interspécifique. Bien sûr, toutes les espèces ne peuvent se reproduire entre elles, il faut qu’elles soient inter-fécondables. Mais le phénomène est plus courant qu’il n’y parait puisqu’il est estimé que 10 % des espèces animales et 25 % des espèces de plantes s’hybrident avec au moins une autre espèce. (Source : J. Mallet, Hybrid Speciation, 2007)
Plusieurs hybrides ne font pas une nouvelle espèce
Avant de parler de « nouvelle espèce », il faut qu’il soit constaté dans le temps de nombreux hybrides possédant le même patrimoine génétique, leur capacité à atteindre l’âge adulte et à se nourrir, mais également que ces individus ne soient pas stériles, ce qui est souvent le cas des mâles nés par hybridation. Si la naissance d’une nouvelle population est avérée et qu’elle est reconnue comme espèce, la question de sa place vis-à-vis des deux animaux qui l’ont créée se pose.
Quelle place pour les hybrides ?
« La nouvelle espèce créée pourra alors, selon son potentiel adaptatif, soit occuper l’une ou l’autre des niches parentales, soit occuper une troisième niche. Dans le premier cas, on pourra parfois observer la disparition d’une ou des deux espèces parentales en faveur de l’espèce hybride. Les hybrides ont ainsi pu être à l’origine de nouvelles lignées au cours de l’évolution », explique Aurore Comte dans son Master de recherche dédiée à l’hybridation entre deux espèces de rongeurs africains.
C’est en général cette étape que craint la plupart des passionnés de la faune : la disparition d’une espèce en faveur de son hybride. Mais dans le cas d’une espèce déjà fortement menacée – par le réchauffement climatique, par le braconnage, par une maladie comme le diable de Tasmanie – sa disparition au profit d’un hybride n’est-elle pas une forme de survie ?
La création d’hybrides pour sauvegarder les espèces indigènes
Si l’homme détruit la biodiversité, il tente aussi de la protéger. Aux Etats-Unis, dans le lac Henry situé dans l’Etat de l’Idaho, le département de la pêche a créé des hybrides stériles à partir de deux espèces de truites. Pour cela, les équipes ramassent chaque année les œufs de truites fardées, espèce indigène du lac, puis les fécondent avec de la semence de truites arc-en-ciel. En soumettant les embryons à de fortes pressions, les biologistes les rendent stériles mais créent ainsi une espèce qui grandit plus rapidement et grossit davantage que les truites moyennes.
Le but ? Relâcher cette population stérile dans le lac pour alimenter la pêche sportive tout en protégeant la truite fardée présente naturellement. En effet, une étude menée par les biologistes du parc de Yellowstone, dans l’Etat voisin du Wyoming, et publiée le 20 mars dans la revue Science Advances, a prouvé que l’introduction volontaire de truites grises dans le lac Lewis en 1890 a décimé les populations de truites arc-en-ciel. « La nouvelle venue s’est systématiquement attaquée à sa cousine autochtone, dévorant ses petits. Entre 1998 et 2012, la population estimée de truite grise a été multipliée par huit ; celle de truite fardée a chuté de 90 % », explique le journal Le Monde.
C’est donc pour protéger l’espèce – et ne pas se passer du revenu engendré par la pêche sportive – que l’espèce hybride de truite a été créée et continue à être déversée dans le lac.
Découvrez dans notre dossier d’autres cas d’hybridation entre espèces de même famille et leurs répercutions.
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