Micromammifère peu connu, cette espèce de musaraigne est peut-être l’une des plus rares à observer dans la nature, tant elle est discrète et plus éloignée de l’homme que certaines de ses cousines. Malheureusement, elle est en déclin en France.
Description de la musaraigne bicolore
Crocidura leucodon de son nom scientifique est une espèce de musaraigne. Il s’agit d’un insectivore, et non d’un rongeur comme certains pourraient le croire. Il faut dire que par méconnaissance, on confond souvent les musaraignes avec les souris.
Caractéristiques physiques
Avec un nom pareil, difficile de ne pas s’imaginer quel est le principal trait distinctif de la musaraigne bicolore : en effet, il s’agit bien évidemment de la couleur de son pelage, qui se scinde en deux parties bien délimitées l’une de l’autre.
« Le contraste de coloration entre le dos gris-brun très foncé et le ventre blanc-grisâtre ou blanc-jaunâtre selon les individus est vraiment nette : la ligne de démarcation est très marquée. Même la queue est bicolore », détaille François Leboulenger, biologiste et secrétaire national du groupe de travail « Petits mammifères » à la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM).
Quant au reste de son physique, la musaraigne bicolore partage avec les autres crocidures des traits communs : des poils fins sur la queue, des oreilles bien visibles de part et d’autre de la tête, un museau long et un gabarit moyen d’environ 7 cm de long pour le corps, et un peu moins pour la queue soit environ 12 cm au total pour un poids moyen de 11 grammes. A noter que mâles et femelles sont similaires : il n’existe pas de dimorphisme sexuel.
Régime alimentaire
Comme les autres espèces de musaraignes, la crocidure bicolore se nourrit essentiellement de petits invertébrés – ce n’est pas pour rien qu’elle appartient à l’ordre des insectivores !
Son régime alimentaire se compose donc de cloportes, vers de terre, petits escargots, arthropodes, etc.
Les quantités d’insectes qu’elle avale chaque jour sont impressionnantes en comparaison avec son poids plume. Cette musaraigne a en effet un métabolisme très rapide : elle brûle beaucoup de calories et a donc besoin de reconstituer son stock d’énergie en mangeant tout le temps ou presque. Elle ne s’accorde que de brèves pauses quotidiennes pour se reposer avant de se remettre en chasse.
Habitat
L’aire de répartition de la crocidure leucode est assez étendue, de l’Europe jusqu’à l’Asie Mineure. On la retrouve en France, Belgique, Allemagne, Suisse, Italie et dans les pays d’Europe de l’Est, jusqu’en Grèce et en Turquie, jusqu’en Iran à l’extrémité orientale de son aire de répartition, et sur la côte syrienne à son extrémité sud.
En France, l’espèce n’est pas présente partout. A l’inverse de la crocidure des jardins, on la retrouve dans toute la partie nord-est du pays, les limites se situant de la pointe bretonne à l’ouest jusqu’aux Alpes maritimes au sud-est. Elle semble plus courante au nord-est du pays.
Son habitat de prédilection, c’est le bocage et les milieux forestiers. Elle aime les zones humides et a tendance à fuir les milieux trop chauds et secs.
Statut et menaces
On ignore les dynamiques de population ainsi que le nombre d’individus encore en vie dans la nature. Malgré tout, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère l’espèce comme non-menacée à l’échelle internationale, la classant dans la catégorie « préoccupation mineure » (LC).
Son statut en France a été révisé lors de la précédente mise à jour de la liste rouge des espèces menacées : de « préoccupation mineure » la musaraigne bicolore est passée à « quasi-menacée ».
Difficile de connaître l’étendue de ses menaces sans davantage d’informations. Des études de terrain permettraient de mieux connaître les populations et les habitats dont dépend l’espèce pour survivre, mais le piégeage n’est pas évident. Ces animaux sont en effet fragiles.
Pour l’instant, les observations se basent surtout sur la découverte d’animaux morts et sur les pelotes de réjection des chouettes qui mangent les musaraignes. Mais cette dernière source d’information est en réalité peu fiable, comme l’explique François Leboulenger :
« En plus de ne pas avoir une localisation très précise du milieu, les données provenant de l’analyse des pelotes ne permettent pas d’avoir une datation exacte. Il est possible de retrouver des crânes ayant une dizaine d’années, voire plus lorsque le milieu est sec. »
La solution : améliorer les techniques de piégeage pour limiter les risques sur les animaux. « De cette façon, nous pourrons identifier les zones refuges de l’espèce et prendre des mesures adaptées à sa conservation. »
En revanche, on sait déjà que son habitat régresse ainsi que ses densités de populations à l’intérieur de ces zones d’occurrence connues. « L’évolution des paysages, la disparition des bocages, l’arrachage des haies et, bien sûr, la concurrence avec la crocidure musette qui s’adapte plus vite aux différents types de biotopes et a tendance à repousser la leucode vers les milieux plus forestiers sont autant de facteurs qui pèsent sur l’avenir de l’espèce. »
Le changement climatique, qui favoriserait le développement de la musette, plus adaptative, est également soupçonné de jouer un rôle sur le déclin de la musaraigne bicolore.
Reproduction
On ignore encore beaucoup de chose sur la crocidure leucode, notamment au sujet de sa reproduction. On pense qu’elle est plutôt semblable à celle de la musette, avec plusieurs portées par an pour une même femelle et 3 à 9 petits à chaque fois.
Le phénomène de caravaning, qu’on retrouve aussi chez la pachyure étrusque, semble aussi exister que la musaraigne bicolore. Le principe : pour déplacer ses petits, qui n’y voient rien à la naissance, en toute sécurité, la mère les guide à la queue-leu-leu. Chaque petit s’accroche à son frère et ainsi de suite. Un excellent moyen de se déplacer sans perdre quelqu’un en route !
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