La Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise en Bretagne est la plus petite réserve de France mais également l’une des plus maritimes avec celles des Outre-mer : Fakarava, l’archipel de Guadeloupe et la Martinique.
Désignée par l’UNESCO en 1988, la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise a pour gestionnaire le Parc naturel régional d’Armorique et le Parc naturel marin d’Iroise. Elle se distingue des autres réserves de la métropole par sa composition essentiellement maritime – près de 98 % de sa superficie – qui se reflète à la fois dans sa biodiversité mais également dans les activités économiques de ses habitants.
Localisation
Il s’agit de la plus occidentale des réserves de biosphère françaises, et pour cause, la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise se situe dans le Finistère, sur la pointe bretonne. Elle englobe une partie du Parc naturel marin d’Iroise et plusieurs îles habitées : Ouessant, Molène et Sein.
La plus au nord, mais également la plus vaste, est l’île d’Ouessant. Forte de ses 900 habitants, l’île est renommée pour la préservation de ses écosystèmes et ses phares. Ouessant en compte pas moins de cinq dont celui du Créach’h, le plus puissant phare d’Europe classé monument historique en 2011, qui guide les navires souhaitant entrer dans la Manche. Il compte également le CEMO, le Centre d’Étude du Milieu d’Ouessant, une station ornithologique d’observation du milieu créée en 1984.
Au sud-est d’Ouessant, l’Archipel de Molène se compose d’une vingtaine d’îlots, la plupart inhabités. Seules Molène, l’île principale, et Quéménès abritent une petite population. Mais la star de Molène, c’est surtout sa colonie de phoques gris ! Grace à ses îlots inhabités encore sauvages, l’archipel constitue l’un des deux seuls sites français où les phoques gris se reproduisent. L’autre est l’archipel des Sept Iles, en Bretagne nord.
Enfin beaucoup plus au sud, l’Ile de Sein fait elle aussi partie de la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise. Paysage de pierres – la fameuse chaussée de Sein – et de landes, l’Ile de Sein se situe en face de la Point du Raz et de la baie des Trépassés, au sud du Finistère. Elle mesure 1,8 km de long pour 0,5 km de large, autant dire que la voiture n’est pas forcément nécessaire !
Sur le plan maritime, la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise est à cheval sur la mer Celtique et la mer d’Iroise. Toutefois, elle ne comprend pas la rade de Brest ni la baie de Douarnenez, contrairement au Parc naturel marin d’Iroise, créé en 2007 soit près de vingt ans après la réserve de biosphère, et qui, lui, s’étend bien au-delà, à l’Est.
Enfin à l’Ouest, les limites de la réserve ne dépassent pas l’île d’Ouessant. Au-delà, l’Océan Atlantique reprend ses droits.
Biodiversité
Faune
Avec 98 % de sa superficie occupée par l’océan, la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise compte forcément une faune très maritime. D’après l’Office de tourisme d’Iroise Bretagne, un quart des mammifères marins de la France métropolitaine évoluent dans ces eaux, dont ces deux espèces animales emblématiques de la région.
Le phoque gris
Halichoerus grypus est classé Least Concern, préoccupation mineure, par l’UICN. Il ne s’agit donc pas d’une espèce menacée. Pour autant, elle est totalement protégée en France. L’archipel de Molène compte la plus forte population française, allant de 100 à 200 individus. Les animaux y sont visibles toute l’année et des reproductions sont observables.
En revanche, son cousin le phoque veau-marin est lui absent de ces eaux. Il privilégie la Baie de Somme, en Picardie, et la Baie des Veys, entre Cherbourg et Caen.
Outre l’archipel de Molène, la chaussée de Sein accueille également un groupe de phoque gris, plus petit toutefois : entre 50 et 100 têtes.
La présence des phoques gris n’est pas sans poser quelques problèmes. Les pêcheurs se plaignent régulièrement que le grand carnivore opportuniste vienne un peu trop se servir directement dans les filets ou sur les lignes de pêche. En Bretagne sud, où la population de phoques gris est en augmentation, deux animaux avaient été décapités volontairement en 2019 par un marin. Etaient-ils déjà morts avant l’acte du matelot ? Impossible d’en avoir la certitude.
Toutefois pour prévenir ce genre de représailles ou de conflits homme-faune, au Parc marin d’Iroise, un agent a été spécifiquement attitré à ce genre de problématique.
Le grand dauphin
Tursiops truncatus est lui aussi considéré comme une préoccupation mineure en termes de conservation. La population d’Atlantique en tout cas, car la population méditerranéenne est, elle, classée comme menacée.
Le grand dauphin est visible comme le phoque gris principalement autour de l’île de Sein et de l’archipel de Molène. Ces deux groupes sont sédentaires et peu farouches, par ailleurs ils s’approchent régulièrement des côtes. Un dauphin baptisé Jean Floc’h a d’ailleurs fait beaucoup parler de lui dans les années 2000. Très – sans doute trop – joueur avec l’homme, il s’est fait connaître sur les côtes bretonnes pour avoir chapardé rames et avirons des touristes. Là encore, la présence des animaux n’est pas sans causer des conflits. Lassé de sa présence, en 2006 « les pêcheurs plaisanciers annonçaient leur décision de mettre à mort l’animal » explique un article du Télégramme. L’animal sentant peut-être le vent tourner, est alors parti sur les côtes espagnoles. On ne l’a plus identifié depuis une dizaine d’années.
Loin de ces faits divers, rappelons que le principe des Réserves de biosphère est justement de promouvoir les modèles de relation harmonieuse entre l’homme et la nature.
Les oiseaux marins
La Bretagne – et plus spécifiquement la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise – est une zone refuge pour de nombreuses espèces d’oiseaux marins, qu’elles soient pélagiques ou côtières.
Vous apercevrez des fous de Bassan, différentes espèces de sternes mais aussi des craves à bec rouge, des océanite tempête, des puffins des Anglais et des Baléares, des grands cormorans, des cormorans huppés, des goélands argentés, bruns et marins, ainsi que la sterne pierregarin…
Dans le cadre du projet Biocultural Heritage Tourism, la Réserve de biosphère d’Iroise a réalisé avec l’OFB un guide sur les oiseaux des îles et de la mer d’Iroise. Sorti en octobre 2021, ce document illustré permet de reconnaître les principales espèces d’oiseaux qui nichent ou qui sont simplement de passage. A vocation de préservation de la faune, le guide insiste sur les bonnes pratiques à adopter, que vous soyez touriste de passage ou habitant de l’île. On y apprend ainsi qu’il faut éviter de s’approcher des rochers et des falaises du 1er avril au 31 juillet pour éviter de déranger les oiseaux nicheurs. Par exemple les falaises d’Ouessant accueillent l’une des plus importantes colonies de fulmar boréal de la mer d’Iroise. Une espèce menacée, puisque la population européenne de Fulmarus glacialis est classée vulnérable à l’extinction.
Le pâturage sur les îles d’Iroise
Il ne s’agit pas de faune sauvage mais impossible d’évoquer les îles d’Ouessant, Molène ou Sein sans mentionner les moutons ! Ouessant a même donné son nom à une race bien connue. Le mouton d’Ouessant est le plus petit mouton de monde, il mesure environ 50 cm au garrot. Sa petite taille associée à son pelage noir sont les deux principales caractéristiques de cette race qui a compté à son apogée jusqu’à 6000 membres sur l’île vers 1750.
Malheureusement, la lignée d’origine a quasiment disparu. Son génome si particulier a été dissout à coup de reproduction avec d’autres races de moutons comme les mérinos, afin d’améliorer la qualité de la laine ou de la viande. Au début du XXème siècle, la race était considérée comme presque éteinte.
De nos jours, il perdure toujours cette tradition des moutons sur les îles d’Iroise. Ouessant compte environ 400 moutons sur ses terres, les descendants de la race d’origine. La laine de ces moutons est toujours filée sur place et constitue l’une des activités traditionnelles de l’île. L’Ecomusée d’Ouessant propose d’ailleurs des ateliers pour apprendre à filer soit même la laine des moutons.
A noter que depuis 2015, le Parc naturel régional d’Armorique – l’un des deux gestionnaires de la Réserve de biosphère – s’est engagé dans une démarche pour relancer la production agricole de l’île d’Ouessant, afin de lui permettre de gagner en autonomie. Ainsi depuis 2019, un maraîcher, une éleveuse de brebis et un éleveur de vaches se sont installés sur la plus grande île de la mer d’Iroise.
Mais Ouessant n’est pas la seule à promouvoir le pâturage des moutons. Sur la petite île de Quéménès, dans l’archipel de Molène, un couple – les uniques habitants de l’île – produisent des légumes et élèvent également des moutons !
Flore
Bien que les tempêtes ne soient pas rares dans la Réserve de biosphère des îles et de la mer d’Iroise, la végétation a su s’adapter au vent, au sel marin, et aux vagues qui déferlent parfois avec vigueur !
Les algues
L’archipel de Molène abrite ainsi la plus grande forêt sous-marine d’algues des côtes françaises. Une ressource exploitée localement grâce aux goémoniers, ces bateaux et marins spécialisés dans la récolte des algues marines et notamment du goémon ! Des algues qui servent à la fois d’habitat et de nourriture aux nombreux poissons qui vivent dans ces eaux.
Autre particularité de cette réserve insulaire, les estrans : ces zones de la côte recouvertes à marée haute par l’eau et découvertes à marée basse. Un milieu unique propice à une biodiversité spécifique composée de crustacés mais également d’algues et d’anémones de mer.
Landes et prairies
Fouettées par le vent, les terres d’Iroise ne sont pas propices à accueillir des végétations hautes et encore moins des forêts. Ici, landes et prairies dominent. Pour autant, il existe une grande diversité d’espèces florales. Sur Ouessant, plus de 500 plantes différentes ont été recensées. Bien sûr, elles sont adaptées au climat du littoral et aux différents types de sols : falaise, rochers, galets, terres… La nature a repris ses droits partout.
Parmi les espèces qu’on rencontre le plus fréquemment : l’armérie maritime parfois aussi appelé oeillet marin, le silène maritime ou silène à une fleur – emblématique du littoral breton –, le lotier corniculé, la spergulaire des rochers, ou encore du chou marin ou crambe maritime, qui a aussi la particularité d’être comestible. Cette dernière est d’ailleurs une espèce végétale protégée en France. Elle a bénéficié de son propre plan de conservation en région Pays de la Loire.
La flore des îles d’Iroise est donc colorée à l’image du pourpre de la bruyère cendrée et de la callune – qui est aussi la fleur nationale de la Norvège – ou des ajoncs d’Europe et Le Gall qui produisent de jolies fleurs jaunes. Mais attention, les ajoncs sont aussi beaux qu’épineux !
Ces plantes sont mellifères et permettent notamment aux abeilles noires d’Ouessant de produire leur miel. Créé en 1989, le Conservatoire de l’abeille noire bretonne d’Ouessant a pour but de protéger l’espèce des hybridations et de promouvoir l’élevage de cette espèce locale. Les abeilles noires d’Ouessant sont en fait des abeilles noires classiques mais protégées de toute hybridation par le caractère insulaire de l’île. D’après Bretagne-biodiversite : « Les recherches menées par le CNRS sur l’ADN de l’abeille d’Ouessant a établi une pureté à 100 %, un taux unique au monde« .
Malheureusement, cette espèce pourrait disparaître à cause du varroa, un parasite d’Asie du Sud-Est bien connu des abeilles, arrivé en 2021 sur l’île d’Ouessant.
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