Cap sur l’un des amphibiens les plus rares de France. Rana pyrenaica, la grenouille des Pyrénées, n’a été découverte qu’en 1993 par l’Espagnol Jordi Serra-Cobo. Endémique des Pyrénées, elle est classée « en danger » d’extinction par l’UICN depuis 2008.
Présentation de la grenouille des Pyrénées
Description physique
La grenouille des Pyrénées est un petit specimen d’amphibien. Les femelles sont plus grandes que les mâles mais n’excèdent que rarement les cinq centimètres de long, pour un poids pouvant aller jusqu’à huit grammes. Adulte, Rana pyrenaica ressemble aux jeunes grenouilles rousses – Rana temporaria – et pourtant, on peut différencier les deux espèces en cherchant leurs tympans. Ceux de la grenouille rousse sont bien visibles tandis que ceux de la grenouille des Pyrénées sont presque trop petits pour être aperçus à l’œil nu. Autre différence, les plis latéraux sur le dos de Rana pyrenaica sont beaucoup moins marqués que ceux de sa cousine. En termes de couleur, la peau lisse de la grenouille des Pyrénées varie en teinte, passant du beige crème, au brun allant parfois jusqu’au rouge vif sur le dos. Le ventre, en revanche, est de couleur plus pâle, oscillant entre le blanc, le gris et le rose. Au niveau de la tête, comme chez la grenouille rousse, un masque noir prolonge l’œil de l’amphibien qui est par ailleurs reconnaissable à sa couleur dorée, pailletée de noir.
Localisation
Si la grenouille des Pyrénées n’a été reconnue qu’en 1993, c’est sans doute en partie à cause de sa localisation très restreinte. Endémique de la chaîne montagneuse qui sépare la France de l’Espagne, cet amphibien a longtemps été considéré comme absent de notre côté de la frontière, tandis qu’il était plus courant côté ibérique. C’est en 2011 qu’il est aperçu pour la première fois sur le versant nord des Pyrénées où il est toujours visible dans quelques cours d’eau du Pays Basque, du Béarn et dans la Vallée d’Aspe. Toutefois, son aire de répartition semble encore principalement côté espagnol et s’étend de la Vallée de Roncal au parc national d’Ordesa.
En termes d’habitat, Rana pyrenaica a une particularité : elle aime les torrents ! Pour la localiser, il vous faut regarder à l’intérieur ou sur les rives des torrents rapides d’eau fraîche situés entre 440 m et 2 100 m d’altitude. Si elle préfère le milieu forestier, on peut tout de même la rencontrer en vallée dans des bassins créés par la pluie, si tant est que l’eau dans lequel elle se baigne est bien froide et oxygénée.
Menaces
Si l’UICN considère la grenouille des Pyrénées comme « en danger » d’extinction, c’est avant tout pour sa faible répartition géographique : environ 2000 km². Cette particularité en fait sans doute l’amphibien le plus menacé de France mais d’autres dangers pèsent sur l’espèce.
L’introduction de prédateurs
Rana pyrenaica est principalement menacée de disparition par l’introduction de la truite fario dans les Pyrénées. Il s’agit de la sous-espèce de truite commune qui vit en rivière. Ces poissons sont carnivores et se nourrissent principalement d’invertébrés et de petits poissons. Comme la grenouille des Pyrénées, cette truite aime le courant rapide et l’eau fraîche (inférieure à 20 ° en été). Dans les années 2000, Jordi Serra-Cobo note que quand elle est présente dans un torrent, l’amphibien en disparaît. Malheureusement, plusieurs campagnes d’alevinage – c’est-à-dire de libération d’alevins dans un cours d’eau sauvage – ont eu lieu dans l’ouest des Pyrénées, ce qui a porté un coup à la population d’amphibiens dans ces montagnes.
Ces opérations ont heureusement été stoppées dans le massif d’Iraty, où vit la grenouille des Pyrénées.
Autre prédateur ayant fait son apparition sur les rives françaises : l’écrevisse signal aussi appelée écrevisse de Californie, considérée comme une espèce invasive. Repérée en 2010 dans le versant français des Pyrénées, le crustacé se nourrit des oeufs et des larves des amphibiens.
La détérioration de son habitat
Même dans les massifs montagneux, l’Homme modifie la nature. Le développement du tourisme montagnard, de l’exploitation forestière ou encore le détournement de l’eau des rivières à des fins agricoles sont quelques-uns des sévices qui nuisent au développement de l’espèce Rana pyrenaica.
Le réchauffement climatique
La grenouille des Pyrénées a besoin d’une eau froide pour vivre. Le changement climatique pourrait ainsi la pousser à monter à de plus hautes altitudes pour la trouver et s’adapter. De plus, la qualité de l’eau posera problème. En effet, cette grenouille aime l’eau très oxygénée et, on le sait, la chaleur bouleverse les biotopes aquatiques. Acidification, développement d’algues et de microbes… En s’élevant, la température de l’eau pourrait être propice à l’arrivée d’autres espèces et de nouveaux prédateurs. « Si le changement climatique se faisait en douceur, elle aurait le temps. Mais quand le changement est brutal, comme maintenant, cela réduit grandement ses chances de survie. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour toutes les extinctions », explique Matthieu Berroneau, responsable des suivis sur la grenouille des Pyrénées, interrogé par le magazine Reporterre.net.
Efforts de conservation pour l’amphibien
En France, Rana pyrenaica fait partie de la liste des amphibiens protégés. D’après l’arrêté du 19 novembre 2007, sont interdits « sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, la destruction ou l’enlèvement des oeufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux […] mais également […] la détention, le transport, la naturalisation, le colportage, la mise en vente, la vente ou l’achat, l’utilisation, commerciale ou non, des spécimens prélevés. »
Des études pour mieux connaître l’espèce
Observée en 1990 et décrite par la science en 1993, la grenouille des Pyrénées a fait l’objet d’un programme de suivi par l’équipe à l’origine de sa découverte. L’étude a duré dix ans, de 1998 à 2008, et a consisté à implanter des marqueurs à plus de 400 grenouilles pour observer leurs déplacements et leur taux de mortalité. Ce programme a également permis d’apprendre que, malgré leur isolement, les populations d’amphibiens possèdent un patrimoine génétique très homogène, ce qui peut potentiellement être un danger pour la grenouille en cas de virus. En revanche, la population espagnole présenterait un code génétique différent de celle de France et de Navarre ; la séparation n’est donc pas seulement physique, elle est aussi génétique.
En France, on peut compter sur l’association Cistude Nature pour représenter Rana pyrenaica. Créé en 1995, l’organisme spécialisé dans l’étude des amphibiens et des reptiles suit depuis de nombreuses années la grenouille pyrénéenne notamment par le biais de Matthieu Berroneau, chargé de projet dans l’association. C’est grâce à eux qu’a été mis en place un programme de conservation de la grenouille des Pyrénées de trois ans, de 2012 à 2014. Les objectifs étaient de sensibiliser en faisant connaître l’espèce, de continuer à rechercher de nouvelles populations et mettre en place un suivi de population adapté.
Les résultats de ce programme ont été publiés en janvier 2015. Ils ont permis à l’association Cistude Nature de lister des mesures de conservation prioritaires pour assurer la pérennité de l’espèce :
• protéger les sites de présence ;
• stopper les introductions de truites sur l’aire de répartition de la grenouille ;
• limiter la présence des écrevisses signal ;
• former et sensibiliser les forestiers aux bonnes pratiques ;
• poursuivre la recherche de nouvelles populations ;
• suivre les populations des sites de présence existants ;
• continuer à sensibiliser le grand public à l’espèce.
Reproduction de la grenouille pyrénéenne
Rana pyrenaica est active de janvier à juillet quand il fait entre 3 et 20 degrés. Elle se reproduit aussitôt que le dégel débute, entre février et avril. Plus la grenouille vit en haute altitude et plus les premiers têtards arrivent tard. L’accouplement a lieu dans l’eau, puis la femelle colle jusqu’à 150 oeufs sous une pierre afin de leur éviter de dériver dans le torrent. « La grenouille des Pyrénées se caractérise par une stratégie de reproduction de type « K » : les adultes présentent une importante longévité et une faible mortalité, mais produisent un faible nombre de jeunes », explique Cistude Nature.
Les têtards des grenouilles des Pyrénées sont très facilement identifiables grâce à leur couleur noire constellée de points blancs ou dorés. Ils se regroupent dans les zones aux courants les plus faibles du torrent en attendant leur métamorphose qui a lieu au plus tard mi-août de la même année.
A savoir
L’association Cistude Nature a réalisé un film documentaire sur l’espèce. Destiné au grand public, ce film nommé « L’Ile Pyrénées » est distribué gratuitement.
Elle a également produit en 2014 un fascicule sur l’espèce, suite au programme de conservation dont une partie de cette fiche s’inspire. Retrouvez-le en intégralité : la grenouille des Pyrénées, une endémique de l’ouest pyrénéen.
Toutes les photographies de cet article sont utilisées avec l’aimable autorisation de M. Berroneau – www.matthieu-berroneau.fr
par Cécile Arnoud
3 Réponses to “La grenouille des Pyrénées”
09.01.2020
LéonardoJe suis élève en Seconde Professionnelle dans le Jura et, avec notre professeur de lettres – Histoire, nous avons commencé un projet d’Abestiare sur les espèces menacées.
J’ai tiré au sort la Grenouille des Pyrénées. Je suis en train de rédiger une fiche descriptive de cet animal en cherchant des informations sur Internet.
Je voudrais savoir pourquoi la disparition éventuelle de la Grenouille des Pyrénées a un impact sur la biodiversité de cette région.
Je vous remercie de votre réponse.
Bonne journée
Léonardo
09.01.2020
Jennifer MatasBonjour, l’espèce ayant été découverte tardivement, on ignore encore pas mal de choses à son sujet. Mais même si son aire de répartition est très restreinte, cette espèce joue bien entendu un rôle dans l’équilibre de son écosystème, comme c’est le cas pour toutes. Ne serait-ce qu’en régulant les populations d’insectes (criquets, mouches, fourmis, collemboles, etc.) dont elle se nourrit. Inversement, ses têtards servent de nourriture à différentes espèces et les individus adultes peuvent être chassés par des renards, des mustélidés, des truites fario ou des sangliers par exemple. Voici des informations complémentaires sur la grenouille des Pyrénées : https://www.cistude.org/images/Documents/PDF/Guide-Rana-pyrenaica-web.pdf.
10.08.2019
PetitBonjour je suis en vacances dans les hautes Pyrénées, à ma grande surprise j ai rencontré cette grenouille dans un ruisseau qui s’est laissée photographier en me regardant comme si elle avait quelque chose à me dire .Ma curiosité m à amenée à chercher cette espèce au nez crochu.
C’est dommage pour la photo je l’ai prise vraiment de près. …