L’hippocampe est un animal iconique surnommé aussi « cheval des mers ». Étymologiquement, son nom vient en effet du grec « hippos » qui signifie « cheval » et « kampos » qui veut dire « poisson de la mer ». Ce que peu de gens savent, c’est qu’il en existerait une cinquantaine d’espèces différentes, dont une dizaine considérées comme menacées. C’est le cas de l’hippocampe de White (Hippocampus whitei), classé « en danger » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Description de l’hippocampe de White
Contrairement à ce que leur apparence et leur façon de se déplacer pourraient laisser croire, les hippocampes sont des poissons. Ils appartiennent à la famille des Syngnathidés qui regroupe plusieurs espèces de poissons osseux dont les dragons de mer, qui ressemblent fortement aux hippocampes.
Morphologie d’un hippocampe
Leur apparence est tout à fait extraordinaire : la tête et le haut du corps font penser à un équidé – d’où son surnom de « cheval des mers » – tandis que toute la partie inférieure forment une longue queue recourbée et préhensile, avec laquelle les hippocampes peuvent s’accrocher aux éponges de mer.
Les hippocampes ont par ailleurs un squelette externe très visible et qui forme une série d’épines. On distingue donc nettement l’épine du nez à l’avant de la tête, puis l’épine des yeux, etc. Ces épines se prolongent jusqu’au bout de la queue de l’animal et forment comme sa colonne vertébrale.
Tous les hippocampes ont également un museau plus ou moins long selon les espèces et des yeux indépendants l’un de l’autre, capables de regarder dans des directions différentes en simultané.
Enfin, la façon dont se déplacent les hippocampes est également remarquable pour des poissons. Bien que dotés de nageoires dorsales et pectorales – ils disposent aussi d’une nageoire anale quasi-inexistante mais qui leur sert à se propulser, avec la dorsale qui s’agite rapidement lors du déplacement –, les hippocampes nagent plutôt mal. Un handicap dû notamment à la posture de leur corps, à la verticale. Résultat, ils avancent lentement et doivent plutôt miser sur leur prudence et leurs talents de camouflage pour échapper à leurs prédateurs (pieuvres, rascasses, poissons-crocodiles, etc.).
Apparence de L’hippocampe de White
L’hippocampe de White, quant à lui, pourrait porter le nom de White – ou hippocampe blanc si on traduit en français – en raison de sa couleur généralement claire, alternant entre des nuances de blanc et de jaune-doré. Toutefois, l’hippocampe de White – comme les autres hippocampes – fait varier sa couleur selon son humeur et son environnement immédiat. On appelle ce phénomène de l’homochromie.
En réalité, il s’appelle ainsi en référence à John White, un chirurgien irlandais passionné de botanique et premier européen à décrire certaines espèces australiennes, dont l’hippocampe qui porte aujourd’hui son nom.
En comparaison avec les hippocampes pygmées et les grands hippocampes, l’hippocampe de White a une taille moyenne : les adultes mesurent environ 15 cm, du sommet de la tête jusqu’au bout de la queue, bien souvent recourbée.
Sa nageoire dorsale est striée de 17 à 18 rayons, celle pectorale de 16 rayons et sa queue compte 34 à 35 anneaux. Quant à sa couronne, elle est grande et constituée de 5 branches formant une sorte d’étoile.
Régime alimentaire d’Hippocampus whitei
Petite taille veut forcément dire petites proies. Et c’est justement le cas pour l’hippocampe de White qui est microphage. Autrement dit, il ne se nourrit que de petits animaux, tels que par exemple de petits crustacés et des alevins de poissons.
Pour les capturer dans sa bouche, il se sert de son long museau comme d’une paille et les aspirent rapidement, avant qu’ils n’aient le temps de prendre la poudre d’escampette.
Habitat
Cet hippocampe est endémique de l’Australie, pays où vivent également une trentaine d’autres espèces d’hippocampes. Plus précisément, on ne le trouve que dans les eaux peu profondes (1 à 18 mètres) longeant la côte de Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland, au sud-est de l’Ile Continent. La capitale de la Nouvelle-Galles du Sud étant Sydney, il arrive qu’on appelle aussi cette espèce l’hippocampe de Sydney.
Hippocampus whitei ne vit que dans les estuaires côtiers de cette partie de l’Australie, sur environ 300 km de côtes. Il a été à ce jour été identifié dans huit estuaires, mais est plus répandu à Port Stephens, dans le port de Sydney et Port Hacking. On le trouve généralement plus au-delà d’Hervey Bay, au Nord, dans les eaux du Queensland.
Son habitat favori : les éponges et coraux mous de l’espèce Dendronephthya australis. Il lui arrive également de s’installer dans des habitats artificiels, comme du matériel de pêche abandonné. Les juvéniles, quant à eux, se réfugient plus volontiers dans les coraux gorgones du genre Euplexaura.
Très attachés à un site lorsqu’ils trouvent l’endroit parfait, les hippocampes bougent peu et préfèrent rester durablement dans leur habitat plutôt que d’en changer régulièrement. Les scientifiques ont ainsi observé que des individus restaient presque toute leur vie sur un même site !
Menaces
On ignore combien d’hippocampes de White existent à l’état sauvage. On sait cependant que leur nombre diminue de façon inquiétante. Le déclin de l’espèce est particulièrement fort depuis cette dernière décennie. Alors que l’UICN ne disposait pas de suffisamment d’informations à son sujet pour donner un état de sa conservation, elle reconnait désormais que Hippocampus whitei est en danger d’extinction.
Médecine traditionnelle
Quand on s’intéresse aux menaces qui pèsent sur les hippocampes, difficile de ne pas immédiatement penser à la pêche. Et pour cause, ces poissons sont très recherchés pour les passionnés d’aquariums qui en cherchent afin d’étoffer leurs collections, mais aussi et surtout par la médecine traditionnelle en Asie.
En effet, on estime que 95 % du commerce des hippocampes – toutes espèces confondues – se fait à destination de la médecine traditionnelle asiatique. Une fois séchés, ces médecines leur prêtent toutes sortes de vertus, comme celles de soigner des troubles respiratoires, des insuffisances rénales, des problèmes de foie, de l’arthrite mais aussi de favoriser la fertilité ou encore de lutter contre l’impuissance.
Malheureusement pour l’hippocampe de White, ce sont les grands hippocampes et de préférence de couleur claire qui sont les plus recherchés.
Toutefois, le commerce d’hippocampes depuis ou vers l’Australie est bien moins élevé que dans d’autres parties de la planète (Malaisie, Thaïlande, Philippines, Vietnam, Inde, etc.). Cette pêche ciblée concerne donc peu Hippocampus whitei, à la différence de nombreuses autres espèces d’hippocampes.
Dégradation de l’habitat
Si l’hippocampe de White ne subit pas de pression du côté de la pêche, il n’empêche que sa population décline fortement. Comment expliquer cela ? Il semblerait que la cause soit à chercher du côté de la qualité du milieu dans lequel il vit.
Comme précisé plus haut, les hippocampes de White se trouvent dans un seul endroit au monde, en Australie et, qui plus est, près des côtes. Cette proximité avec les humains et toutes activités anthropiques qui en découlent (pêche, tourisme, pollution, etc.) produit des nuisances qui altèrent leur quotidien et ont un impact sur la survie de l’espèce.
C’est d’autant plus vrai que les hippocampes dépendent fortement de leur milieu pour vivre. Or, dans le monde entier, les écosystèmes des estuaires comme ceux dans lesquels se trouvent Hippocampus whitei sont menacés par les activités humaines. Le développement de ces activités empiète sur ces milieux et dégradent la qualité de l’eau.
A Port Stephens où les hippocampes de White sont historiquement plus nombreux, plus de 90 % des habitats de coraux mous et d’éponges ont décliné ou ont été détruits par l’installation d’amarrages de bateaux, d’ancres ou été recouverts par le sable.
A Sydney, deuxième site de prédilection de l’espèce, l’expansion humaine a dégradé les habitats naturels de l’hippocampe de White, le contraignant à coloniser les filets de natations artificiels qui habillent les fonds du port. Or, ces filets sont régulièrement remontés pour être nettoyés, obligeant les hippocampes à déménager avec, bien souvent, des pertes durant cette migration imposée.
Parce que leur sort dépend de celui de leur habitat (coraux, éponges, herbiers de posidonie…), exposé aux perturbations humaines, et qu’il n’existe pas d’autres populations ailleurs, les hippocampes de White sont donc très menacés par la dégradation de leur milieu. La moindre altération de leur environnement direct peut avoir des conséquences sur l’ensemble de l’espèce.
Efforts de conservation
Toutes les espèces d’hippocampes sont inscrites en annexe II de la Cites. Autrement dit, leur commerce international est censé être encadré. En Australie, les hippocampes bénéficient par ailleurs d’une protection supplémentaire puisqu’ils sont inscrits dans l’Environment Protection and Biodiversity Act depuis les années 1990.
Dans l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud où vit l’hippocampe de White, ces chevaux des mers sont par ailleurs protégés et leur pêche ou capture est interdite. L’espèce est protégée depuis 2004.
Programme avec l’aquarium de Sydney
Avant que le déclin de cet hippocampe ne se poursuive, des mesures concrètes pour assurer la conservation de l’espèce doivent être prises. Dans cette optique, l’aquarium Sea Life de Sydney a mis au point un programme en partenariat avec différents acteurs comme le département des pêches et des industries primaires de Nouvelle-Galles du Sud et l’Université de technologie de Sydney.
Son principe : reproduire et élever en captivité des hippocampes de White afin de les réintroduire dans leur milieu naturel. Ce type programme contribue à sauver de nombreuses espèces menacées dans le monde, comme par exemple la marmotte de l’île de Vancouver au Canada ou encore le fuligule de Madagascar. S’il réussit, le projet permettra d’aider les populations à se rétablir et ainsi enrayer leur déclin.
L’aquarium de Sydney a démarré ce programme récemment, fin 2019. Les premiers couples reproducteurs – prélevés dans le port de Sydney – sont arrivés en novembre 2019 et ont permis au projet de démarrer. Parmi eux, des mâles portant déjà des petits, les premières naissances en captivité sont donc arrivées rapidement après le début de l’expérience.
Une fois nés, les petits sont placés dans une structure spécialement construite pour ce programme, au sein de l’aquarium Sea Life. Ils y resteront jusqu’à la fin de leur développement, avant d’être relâchés dans l’océan.
Hôtels à hippocampes
Les juvéniles devraient être réintroduits dans des « hôtels à hippocampes », dans le port de Sydney. L’idée, en effet, est de continuer à les surveiller une fois réintroduits et s’assurer que le site de relâche convient à l’espèce. Ces hôtels à hippocampes ont été conçus de façon à répondre aux besoins de ces poissons. Leur forme s’inspire de celle des paniers à crabes qui, une fois abandonnés, attirent les hippocampes et favorisent les rencontres entre partenaires à la reproduction, comme l’ont révélé plusieurs expérimentations en 2018 et 2019.
Au fil du temps, ces structures artificielles finissent par se fondre parfaitement dans le milieu naturel puisqu’en plus d’attirer des hippocampes, elles se font coloniser par des éponges, des algues et d’autres animaux marins de petite taille.
Les premiers hôtels à hippocampes ont été installés début 2020 à Sydney. En mars de cette année-là, 9 hôtels de ce type étaient déjà en place, prêts à accueillir leurs premiers hôtes. Justement, les premières réintroductions se sont déroulées dans la foulée, au printemps 2020.
A ce jour, l’opération est considérée comme un succès puisque les juvéniles relâchés sont en bonne santé et semblent s’être bien acclimatés à leur nouvel environnement. Les scientifiques en charge du programme espèrent même qu’ils pourront déjà participer à la prochaine saison de reproduction.
Reproduction d’Hippocampus whitei
La reproduction des hippocampes est célèbre puisque, fait très particulier, ce ne sont pas les femelles mais les mâles qui portent les petits. Elles transfèrent en effet leurs œufs dans la poche ventrale – aussi appelée poche à couvain – des mâles qui, alors, les fertilisent.
Une fois fécondés, les œufs restent à l’intérieur des mâles, ce qui fait souvent dire que chez les hippocampes, ce sont les pères qui sont « enceints ». Les œufs resteront dans cette poche entre 2 et 6 semaines, puis naîtront 100 à 250 hippocampes juvéniles déjà développés. Mais ils n’atteindront leur taille adulte qu’à partir de 3 mois et leur maturité sexuelle à l’âge de 6 mois.
Certaines espèces d’hippocampes sont semble-t-il monogames et restent en couple avec le même partenaire jusqu’à la mort de l’un d’entre eux. L’hippocampe de White pourrait en faire partie puisque les mêmes couples ont été observés durant plusieurs saisons de reproduction consécutives.
Son espérance de vie dans la nature est d’environ 5 à 6 ans alors qu’elle serait de 3 ans en aquarium.
2 Réponses to “L’hippocampe de White”
03.04.2022
Sayifmerci beaucoup
12.03.2021
sarac’est trés complet merci pour l’information