
Endémique de l’archipel des Caraïbes d’où il tire son nom, l’iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) est un lézard dont la population ne cesse de diminuer. Ce reptile est l’un des plus menacés au monde et l’espèce est référencée comme étant « en danger critique d’extinction » (CR) d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il s’agit de la dernière étape avant l’extinction.
Description et caractéristiques d’Iguana delicatissima
Les iguanes sont des reptiles appartenant à un sous-ordre des lézards. Ils possèdent quatre pattes se terminant chacune par des doigts munis de griffes, un atout majeur pour grimper aux arbres, et une longue queue non préhensile – chez Iguana delicatissima, elle représente 70% de la taille totale de l’animal. Tous présentent également une tête globuleuse et une crête dorsale formée d’épines courant jusqu’au bout de leur queue. Deux sortes d’iguanes existent : le genre « Iguana » et le genre « Cylcura ». Pour le premier, la crête dorsale est continue de la nuque à la queue tandis que pour le second, elle est séparée en trois zones distinctes – la crête nucale, la dorsale et la caudale. Iguana présente aussi une poche gulaire (sous la gueule) plutôt proéminente appelée « fanon », présente chez les mâles comme chez les femelles. Il s’en sert pour communiquer avec ses congénères et affirmer sa dominance en présence d’un rival.
Tous les iguanes des Antilles ne sont pas forcément des iguanes des Petites Antilles. En effet, Iguana delicatissima partage son territoire depuis plusieurs décennies avec un lointain cousin, l’iguane commun (Iguana iguana), avec qui il partage une quinzaine de différences notables d’un point de vue physique. Le fanon est par exemple rectangulaire chez l’iguane commun mais arrondie chez son cousin, et la queue est annelée (en forme d’anneaux) chez le premier tandis qu’elle est unie chez Delicatissima.

Iguane des Petites Antilles à gauche, iguane commun à droite
Adulte, l’iguane des Petites Antilles mesure entre 130 et 150 cm, queue comprise, et pèse jusqu’à 3,6 kg pour les mâles et 2,7 kg pour les femelles. Il présente ainsi un dimorphisme sexuel, qui varie aussi selon son âge et son statut social (mâle dominant ou non). Les jeunes reptiles sont verts clairs lors des premiers instants de leur vie et changent de couleur dès qu’ils atteignent la maturité sexuelle, soit vers 3 ans pour les femelles et 4 ou 5 ans pour les mâles. La robe des femelles évolue alors vers un vert plus sombre puis un gris verdâtre en vieillissant tandis que les mâles dominants se parent d’un gris foncé, voire d’un marron très foncé. La tête, en revanche, blanchit quel que soit le sexe. La couleur n’est pas la seule caractéristique distinguant les femelles des mâles : ces derniers arborent également des épines nucales, dorsales, caudales et gulaires plus grandes que celles des femelles.
L’iguane des Petites Antilles est un herbivore qui se nourrit principalement de feuilles, de fleurs et de fruits.
Localisation et habitat
Comme son nom l’indique, l’iguane des Petites Antilles est une espèce endémique de cet archipel des Caraïbes qui s’étend à environ 400 km au nord-est du Venezuela et à 500 km au sud-est de la République Dominicaine, là où se rejoignent la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique. Historiquement, l’aire de répartition d’Iguana delicatissima se constituait de la Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Saint-Eustache, la Guadeloupe (avec les communes de Basse-Terre, Grande-Terre, la Désirade, les îles de la Petite-Terre et les îles des Saintes) et Dominique. Aujourd’hui, on ne le trouve plus de façon attestée qu’en Martinique, à Saint-Barthélémy, sur les îles de Petite-Terre, la Dominique et à la Désirade, une commune de Guadeloupe d’une superficie de 22 km². A Saint-Eustache et Anguilla, la présence d’iguanes communs a été confirmée, ce qui laisse présager le pire pour l’iguane des Petites Antilles (voir plus bas « L’invasion de l’iguane commun »). A Basse-Terre et Grande-Terre, en Guadeloupe, il resterait quelques individus parmi la population d’iguanes communs. Partout ailleurs, il a totalement disparu.
Le climat chaud et tropical de la zone convient parfaitement à ce lézard à sang froid, aussi bien pendant la saison sèche qui court de décembre à juin que pendant la saison humide, de juillet à fin octobre. Car ces reptiles ont besoin d’alterner les périodes d’exposition au soleil à des températures supérieures à 38 degrés pour se réchauffer, avec des moments à l’ombre aux heures les plus chaudes de la journée. Quand ils ne prennent pas un bain de soleil sur un rocher, les iguanes aiment particulièrement se balader de branche en branche dans les mancenilliers, ces arbres à la sève et aux branches toxiques pour les humains mais dont ils ne craignent rien. Au contraire, ils en apprécient particulièrement les feuilles, qu’ils dévorent avec appétit.
Menaces sur l’iguane des Petites Antilles
Longtemps chassé par l’Homme pour sa chair ou pour être empaillé et transformé en souvenir, l’iguane des Petites Antilles n’est aujourd’hui plus vraiment inquiété par le braconnage, même si la pratique semble repartir à la hausse depuis peu. Il n’en reste pas moins menacé par l’Homme qui détruit son habitat naturel, et par la prolifération d’une espèce allochtone (que l’on a transportée depuis un autre endroit) plutôt invasive.
L’invasion de l’iguane commun
Les premières traces d’Iguana iguana aux Antilles remontent au milieu du 19e siècle. L’espèce aurait été introduite aux Saintes lors d’échanges avec des bagnards vivant sur le continent, en Guyane. Ce serait également par la main de l’Homme qu’elle aurait été transportée dans d’autres îles antillaises de façon intentionnelle, d’abord à Basse-Terre dans les années 1950 puis en Martinique dans les années 1960 et enfin à Saint-Martin et Saint-Barthélémy. C’est en tout cas la théorie défendue par plusieurs scientifiques, dont Michel Breuil, un docteur en génétique qui travaille sur le sujet depuis une trentaine d’années sous l’égide du Muséum national d’Histoire Naturelle. Depuis l’arrivée de l’iguane commun sur son territoire, Iguana delicatissima a vu sa population fortement décliner, voire disparaître de plusieurs îles qu’il habitait jusqu’alors.

Jeune iguane des Petites Antilles
L’iguane commun, originaire habituellement d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, est un concurrent contre lequel l’iguane des Antilles ne fait généralement pas le poids dans plusieurs domaines clés comme la nourriture, le territoire et les partenaires de reproduction. Car les deux espèces ont commencé à se reproduire entre elles, aboutissant aujourd’hui à une hybridation présente dans toute l’aire de répartition d’Iguana delicatissima ou presque. Son patrimoine génétique se trouve dilué, laissant présager le pire pour la survie de l’espèce.
Des populations fortement fragmentées
Il n’y a pas que la présence invasive de l’iguane commun qui pèse sur la préservation du patrimoine génétique de ce reptile des Antilles. La forte fragmentation de son territoire joue aussi contre lui, favorisant l’hybridation avec Iguana iguana ou la consanguinité. Il ne faut pas oublier que son aire de répartition se compose d’îles relativement éloignées les unes des autres et que les iguanes ne peuvent se rejoindre si ce n’est avec l’aide de l’Homme – bien qu’ils soient d’excellents nageurs. Par ailleurs, sur chaque île, leur habitat naturel a subi d’importants bouleversements au cours du temps. Les constructions humaines empiètent de plus en plus sur leur environnement et la présence d’animaux domestiques comme les chiens et chats n’aide pas : les petits iguanes sont en effet chassés par les deux, les chiens n’hésitant pas à s’attaquer aussi aux adultes.
Conservation du reptile menacé

Femelle iguane des Petites Antilles
L’invasion de l’iguane commun et la naissance d’individus hybrides rendent très difficiles les mesures de conservation de l’iguane des Petites Antilles car il faut d’abord réussir à identifier quels individus font partie de l’espèce en danger. Il existe bien des poches de populations dites « pures », mais elles sont extrêmement rares. Ailleurs, les individus hybrides sont de plus en plus nombreux.
Iguana delicatissima fait partie intégrante du patrimoine naturel des Antilles. Le nom caraïbe de la Martinique, « Iouanacaera », signifie d’ailleurs « l’île aux iguanes » et il n’est pas question pour les Antillais de laisser cette espèce s’éteindre sans rien faire. En Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Martin, les premières mesures de conservation ont été prises dès 2006. Quelques années plus tard, en 2010, un plan national d’actions (PNA) sur cinq ans a été lancé pour endiguer la disparition progressive de l’espèce. « L’objectif est de définir et de mettre en œuvre des actions coordonnées, à court, moyen et à long termes, pour la conservation de l’espèce et de ses habitats aux Antilles françaises », détaillent les organismes en charge du projet. « Cette démarche s’appuie sur un diagnostic préalable de la situation passée et actuelle et fait état des actions à mettre en œuvre dans les trois domaines que sont la protection, l’étude et la communication. » L’objectif est donc triple : il faut d’abord en apprendre plus sur cette espèce encore méconnue et recenser les populations existantes, protéger son habitat naturel et empêcher la prolifération de l’iguane commun, et, enfin, sensibiliser les populations tout en travaillant de concert avec les différentes îles de l’archipel. En 2017, le gouvernement a reconduit ce PNA pour une durée de cinq ans, toujours sur les territoires de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-Martin.
Reproduction
Durant la saison de reproduction, le mâle part à la recherche de plusieurs femelles à féconder – à noter qu’il possède comme le serpent deux organes génitaux appelés « hémipénis ». Une fois fécondée, la femelle cherche à augmenter son apport calorique en se nourrissant davantage et ainsi apporter des graisses à ses oeufs.
Comme de nombreux reptiles, l’iguane des Petites Antilles est ovipare, c’est-à-dire que la femelle pond des oeufs à l’intérieur desquels les embryons tirent tous les nutriments nécessaires à leur croissance, jusqu’à l’éclosion. Au moment de la ponte, généralement entre juin et août, la femelle descend sur terre pour rejoindre un lieu collectif de ponte où se rassemblent plusieurs autres femelles. Là, toutes creusent un nid, y déposent leurs oeufs et les recouvrent pour les cacher d’éventuels prédateurs comme les mangoustes, les crabes ou les rapaces. Mais tout n’est pas encore gagner pour les jeunes iguanes, qui doivent aussi résister aux inondations, très courantes durant la saison humide. Après l’éclosion, ils devront se frayer un chemin à la verticale pour sortir de terre. Une dernière étape que tous ne parviennent pas à franchir, notamment lorsque trop de cailloux entravent leur ascension. Plusieurs meurent alors étouffés. L’espérance de vie de l’iguane des Petites Antilles est d’environ 15 à 20 ans.
7 Réponses to “L’iguane des Petites Antilles”
26.09.2020
MellyIls existent en Guadeloupe et à Marie galante aussi. Je suis originaire de la bas et il y en a. Les saintes, la desirade également.
12.01.2023
BenoitD’accord ! J’en ai vu aussi aux Saintes et à Marie Galante, mais ils sont rares à Marie Galante où j’habite
13.01.2023
BenoitD’accord ! J’en ai vu aussi aux Saintes et à Marie Galante, mais ils sont rares à Marie Galante où j’habite. 1 seul vu ces 3 dernières années
10.10.2018
Karl QuestelBonjour, Voici la mise à jour de l’IUCN
https://www.researchgate.net/publication/326723978_Iguana_delicatissima_The_IUCN_Red_List_of_Threatened_Species
10.10.2018
Jennifer MatasBonjour,
Merci beaucoup ! Nous avons mis à jour l’article avec cette nouvelle information.
A bientôt !
17.02.2018
Karl QuestelBonjour,
« Aujourd’hui, on ne le trouve plus qu’en Martinique et à la Désirade, » « Partout ailleurs, il a totalement disparu. » C’est faux, cette espèce est encore présente à Saint-Barthélemy, à La Dominique, à Saint-Eustache et Anguilla.
Des programmes de sauvegarde sont d’ailleurs en cours sur ces îles (2018).
19.02.2018
Jennifer MatasBonjour, merci pour votre commentaire. Nous avons corrigé cette erreur comme vous pourrez le voir. Conformément au rapport établi en 2010 dans le cadre du PNA dédié à la préservation de l’iguane des Petites Antilles (cf. lien dans l’article), la présence de l’espèce est attestée dans les îles mentionnées. En revanche, comme le souligne le PNA, on manque de données suffisamment récentes pour se prononcer sur les îles de Saint-Eustache, Anguilla et Saint-Martin. Nous avons donc choisi de garder cette base de référence dans l’article.