Nous avons choisi de soutenir les actions de Projet Primates France, association française qui vient en aide aux chimpanzés guinéens à travers un centre de réhabilitation in-situ.
Céline Danaud, présidente de l’association et ancienne manager du Centre de conservation des chimpanzés, nous explique la réalité du terrain.
Cécile Arnoud : Comment est née l’association Projet primates France et quelles sont ses principales actions ?
Céline Danaud : Projet Primates France est né en 2005 de la volonté d’une poignée d’anciens bénévoles du Centre de Conservation pour Chimpanzés (CCC) de créer une infrastructure française dans le but d’aider le centre situé en Guinée et coupé de tout. Le but est de recruter des bénévoles, de récolter des fonds et des matériaux spécifiques afin d’aider le sanctuaire. Une autre de nos missions est de promouvoir les actions du centre et de participer à l’éducation d’un large public quant aux menaces qui pèsent sur les grands singes. Pour cela, nous organisons des expositions dans des parcs zoologiques et des ateliers de maquillage animalier pour enfants qui nous permettent de sensibiliser les plus jeunes. Nous tenons également des conférences au sein de villages dont sont issus d’anciens bénévoles. Cela nous permet de toucher un public éloigné des préoccupations de la biodiversité africaine. Nous leur expliquons que le Centre de Conservation pour Chimpanzés a pour but de réconcilier l’Homme avec la biodiversité mais pas seulement. Grâce au sanctuaire, nous créons également des emplois auprès de nos chimpanzés et développons l’économie locale en achetant nos fruits et légumes dans les villages voisins. Une école a également été créée dans un village qui en était dépourvu.
CA : Quelle est l’histoire du Centre de Conservation des Chimpanzés ?
CD : Déjà, il faut savoir que les centres de réhabilitation sont des acteurs importants de la conservation. Les autorités ne saisissent pas de chimpanzés s’ils n’ont pas la certitude de les placer ensuite.
Le CCC a été créé par Estelle Raballand, en 1999, sur les bases d’une première initiative de Janis Carter qui a quitté le projet au bout de 2 ans. Le but est d’enrayer le trafic de chimpanzés en recueillant et réhabilitant les orphelins à la vie sauvage. Nous accueillons des animaux de la sous-espèce Pan troglodytes verus, dont la Guinée abrite une population sauvage très importante. Actuellement, 52 chimpanzés vivent au sanctuaire, la plupart arrivent bébés mais aucune réintroduction n’est possible avant l’âge de 15 ans, nous gardons donc nos pensionnaires pendant longtemps, parfois toute leur vie s’ils sont inaptes à la vie sauvage. Relâcher les animaux est très compliqué, il faut obtenir des autorisations et pouvoir suivre les animaux ensuite. Nous en avons déjà réintroduits plus d’une quinzaine. Mais relâcher les animaux n’est pas une fin en soi. Lutter contre les causes de leur disparition et le trafic de cette espèce est la chose première à faire. Il faut bien avoir en tête que pour un bébé orphelin vendu sur un marché, dix adultes sont morts.
Nos pensionnaires proviennent tous de trafic, soit de saisies chez les braconniers ou chez des particuliers, souvent des expatriés de toutes nationalités. Normalement, on ne devrait pas accueillir plus de 40 primates, ce qui est notre capacité maximum, mais la Guinée restant une plaque tournante du trafic d’animaux, nous en avons davantage. C’est pourquoi la priorité pour les prochaines années est l’agrandissement du sanctuaire.
CA : Quelles sont les missions des bénévoles de Projets Primates France au Centre de Conservation pour Chimpanzés en Guinée ?
CD : Nos bénévoles effectuent des missions de six mois en Guinée, ça peut parfois être un peu perturbant pour eux parce que le centre est en pleine brousse, coupé de tout. Leur mission est principalement de s’occuper des jeunes chimpanzés. Pour des questions de sécurité, les animaux adultes sont confiés à nos salariés guinéens, qui sont plus aguerris. Il ne faut pas oublier qu’adulte, un chimpanzé est entre six et neuf fois plus fort qu’un homme. Les bénévoles préparent donc les biberons pour les plus jeunes et les traitements à apporter. Ils sortent encadrés en brousse avec les pensionnaires de moins de 10 ans afin de leur montrer comment vivre en forêt, ce qu’on peut manger ou ne pas manger, etc. Un apprentissage essentiel avant tout relâché. Ceux qui retournent à la vie sauvage sont dotés de colliers qui nous permettent de les suivre, surtout les mâles qui se réadaptent beaucoup moins bien à la vie sauvage car, contrairement aux femelles, il n’est pas naturel pour eux d’intégrer un groupe déjà constitué. Normalement, les mâles restent dans le groupe de leur mère toute leur vie. Seules les femelles partent. Actuellement, dans nos pensionnaires, nous comptons environ 55 % de mâles et 45 % de femelles. Mais si nous n’avions que des femelles ça serait bien plus simple ! Les bénévoles s’occupent également, et c’est un de leur rôle prioritaire, des adultes qui ont passé leur vie en captivité et qui sont inaptes à la vie en communauté et donc bien-sûr à être relâchés. Nos bénévoles se relaient auprès d’eux pour leur trouver des enrichissements qui les forceront à se déplacer, à jouer. Actuellement, nous en avons quatre dans cette situation, deux mâles et deux femelles. Il faut aussi évoquer le rôle d’observateurs qu’ils endossent, car il faut surveiller les enclos pour vérifier le comportement des chimpanzés, la bonne entente dans les groupes et que certains ne font pas des bêtises comme tester la solidité des infrastructures. Enfin, les stagiaires participent à la vie du camp de tous les jours mais les animaux restent prioritaires.
Nous recrutons environ 25 bénévoles par an, issus de tout horizon. Il n’est pas nécessaire d’avoir une expérience avec les animaux. En revanche, une parfaite condition physique et une ouverture d’esprit sont primordiales. Une première expérience en Afrique est également un plus parce que 6 mois de mission coupé du monde, ça en déroute plus d’un.
CA : Que pensez-vous de l’étude récente qui prédit la disparition des primates d’ici 2050 ?
CD : Ce qui est indiscutable, c’est que la situation empire. Pour parler de ce que je connais, Pan troglodytes verus a été classé « en danger critique d’extinction » en 2016 par exemple. On court vers la disparition des grands singes dans leur ensemble. La Guinée est au cœur d’un trafic international et alimente en primates le marché des animaux domestiques mais également les cirques et certains zoos de Chine. Mais le braconnier n’est pas le seul en faute dans cette histoire, il y a toute une chaîne de personnes derrière ce trafic : de la compagnie aérienne qui accepte de transporter ces animaux à la personne qui délivrait les permis CITES en Guinée et qui a été récemment mise en cause pour corruption. Des particuliers pensent bien faire en achetant un bébé primate sur un marché, en pensant le sauver, mais ils contribuent au trafic. La bonne attitude à adopter est de prévenir les autorités et de ne surtout pas acheter l’animal.
0 réponse à “Projet Primates : « Pour un bébé orphelin vendu sur un marché, dix adultes sont morts »”