Cinq espèces de kiwi sont connues dans le monde et toutes sont endémiques de Nouvelle-Zélande :
- le kiwi austral (Apteryx australis)
- le kiwi d’Okarito (Apteryx rowi)
- le kiwi d’Owen (Apteryx owenii)
- le kiwi roa (Apteryx haastii)
- le kiwi de Mantell (Apteryx mantelli)
Il y a environ 200 ans, plusieurs millions de ces oiseaux peuplaient les îles de l’archipel ; aujourd’hui, ils sont moins de 100 000. Classé « en danger » d’extinction par l’UICN jusqu’à décembre 2017, le kiwi de Mantell, aussi appelé kiwi brun de l’île du Nord a vu son statut s’améliorer suite aux efforts de conservation. L’espèce est désormais considérée « vulnérable » par l’UICN.
Description
Apteryx mantelli fait l’objet d’un dimorphisme sexuel prononcé : une femelle pèse entre 2,0 et 3,8 kg alors qu’un mâle oscille entre 1,5 et 3,0 kg. La taille est elle aussi un facteur de différenciation entre les sexes, puisqu’un adulte mesure entre 35 et 60 cm, les femelles étant bien sûr plus grandes que les mâles. Bien qu’il s’agisse d’un oiseau, le kiwi de Mantell ne peut pas voler : on qualifie ses ailes de vestigiales, ce qui signifie qu’elles ont perdu leur fonction initiale au cours de l’évolution. Elles sont aujourd’hui atrophiées, mesurent seulement 4 à 5 cm et sont entièrement cachées sous les longues plumes brunes de cet oiseau. Ces dernières ressemblent par ailleurs à s’y méprendre à un pelage, même au toucher.
Le kiwi de Mantell dispose d’une très faible acuité visuelle : on estime qu’il ne voit pas plus loin que 1 à 2 mètres devant lui. Il compense ce manque de vision par un odorat très puissant, parfois considéré comme le plus puissant du règne aviaire. Fait unique pour un oiseau, ses narines se situent à l’extrémité du bec, qui mesure jusqu’à 20 cm. Pour se nourrir, il le plonge dans la terre à la recherche de vers, de mille-pattes ou d’insectes comme les cigales, puis il extirpe sa proie du sol et, après l’avoir battue, l’avale. Apteryx Mantelli peut aussi manger des araignées, des grenouilles, des fruits tombés au sol ou même, parfois, des feuilles.
Localisation et habitat
Le Kiwi de Mantell est, comme tous les kiwis, endémique de Nouvelle-Zélande. Il peut être observé dans la partie septentrionale de l’île du Nord, l’une des trois principales du pays.
Apteryx mantelli vit dans les zones forestières, jusqu’à 1 200 mètres d’altitude. Cet environnement lui permet de se cacher durant la journée : oiseau nocturne, le kiwi de Mantell chasse une fois la nuit tombée et s’abrite dans un terrier creusé avec ses griffes le jour. Apteryx mantelli fait par ailleurs preuve de remarquables capacités adaptation : bien qu’il préfère les forêts denses ou les broussailles, il peut aussi se cacher dans des plantations de pins gérées par l’Homme, dans des pâturages ou sur des terres agricoles.
Menaces qui pèsent sur ce kiwi
Selon l’UICN, les effectifs d’Apteryx mantelli seraient aujourd’hui compris entre 25 000 et 35 000 individus. Cette espèce aurait perdu environ 90 % de sa population entre le début du XXème siècle et aujourd’hui, principalement du fait de l’introduction d’espèces invasives.
Les espèces invasives
L’arrivée des Maoris, premiers colons de Nouvelle-Zélande, remonte au XIIIème siècle. A cette époque, les kiwis ne faisaient face à aucun prédateur et les seuls mammifères de l’île étaient des chauve-souris.
Avec l’arrivée de l’Homme, la biodiversité du pays a considérablement évolué. Chiens, hermines, furets, chats ou même porcs ont été introduits et côtoient aujourd’hui le kiwi de Mantell. En s’attaquant principalement aux œufs et aux plus jeunes individus, ces espèces invasives ont provoqué un déclin important d’Apteryx mantelli. Avant la mise en place des programmes de conservation, environ 95 % des kiwis de Mantell mouraient avant leur maturité sexuelle, dont la moitié à cause des espèces invasives. Le fait le plus marquant a probablement eu lieu dans la forêt de Waitangi, où un chien a tué 500 Apteryx mantelli en l’espace de six semaines seulement, divisant par deux la population locale de l’espèce.
Par ailleurs, le dimorphisme sexuel que présente l’espèce favorise par ailleurs les attaques sur les mâles, plus petits que les femelles, ce qui a provoqué un bouleversement du ratio mâle-femelle dans les populations.
Perte de l’habitat
En l’espace de 750 ans, on estime que la surface couverte par les forêts en Nouvelle-Zélande a été divisée par 3, passant de 23 millions à environ 8 millions d’hectares. La déforestation s’est largement accentuée avec l’arrivée des colons britanniques, à la fin du XVIIIème siècle : le territoire forestier était alors converti en terres agricoles ou en villes afin de suivre l’explosion démographique, fragmentant ainsi l’habitat du kiwi de Mantell.
Si la déforestation a particulièrement nui aux effectifs de l’espèce au cours des deux derniers siècles, le phénomène n’est plus considéré comme une menace majeure pesant sur cet oiseau : la Nouvelle-Zélande protège désormais avec davantage de soins son territoire et le phénomène est bien mieux maîtrisé.
Conservation
Le kiwi de Mantell est, avec les 4 autres espèces de kiwi connues, l’un des symboles de Nouvelle-Zélande ; il profite de nombreuses mesures de protection coordonnées par le Ministère de la conservation et par plusieurs associations et impliquant les populations locales.
La gestion des prédateurs constitue probablement l’axe le plus important de la stratégie de conservation du kiwi brun. La mise en place de pièges ou d’appâts empoisonnés au 1080 (fluoroacétate de sodium), entamée en 2002, a permis de réduire drastiquement les prédations dans plusieurs régions et, par voie de fait, d’y augmenter considérablement les effectifs du kiwi de Mantell. Si 5 % seulement des juvéniles survivent jusqu’à l’âge adulte dans les régions laissées sans protection, le taux est par exemple onze fois supérieur dans la forêt de Tongariro, où des pièges à poison régulent les populations de prédateurs.
A partir de 1995, des élevages en captivité ont également été mis en place : les oeufs âgés de plus de 25 jours peuvent être collectés et couvés artificiellement, et même les plus jeunes individus peuvent être recueillis et gardés à l’abri des prédateurs durant plusieurs mois. Lorsque les juvéniles sont assez grands pour se défendre face aux hermines, c’est-à-dire lorsqu’ils pèsent environ 1 200 grammes, ils sont réintroduits : ces actions ont permis de repeupler des régions où le kiwi de Mantell avait entièrement disparu. Les réintroductions ont par ailleurs toujours lieu à proximité du lieu de capture ou sur un nouveau site, cela afin de ne pas mélanger le patrimoine génétique de chaque communauté. Selon l’UICN, ce programme, baptisé Operation Nest Egg (ONE), a permis de relâcher 475 apteryx mantelli entre 1995 et 2008.
Au nord de l’île, le sanctuaire Moehau couvre près de 11 000 hectares et, grâce aux efforts de plusieurs associations (Project Kiwi, Moehau Environment Group et Harautanga Kiwi Project), présente l’un des plus hauts taux de survie des juvéniles de toute la Nouvelle-Zélande. Entre 2001 et 2008, celui-ci s’élevait à 67 %, une réussite à comparer là encore aux 5 % généralement espérés dans des environnements laissés sans protection. Dans ce sanctuaire, en 2012, les effectifs de l’espèce ont augmenté de plus de 10 % par rapport à 2011 et ont presque doublé en 9 ans.
A l’heure actuelle, dans les régions où des programmes de conservation sont en place, les effectifs de l’espèce sont stables ou en augmentation. Cela permet de compenser le déclin de l’espèce sur les territoires où ni gestion de prédateurs, ni programme ONE ne sont appliqués : aujourd’hui, la population globale de l’espèce augmente d’environ 2 % par an.
Reproduction
Le kiwi de Mantell s’accouple une à trois fois par an, sans présenter de préférence pour une saison en particulier. Durant cette période, le mâle défend son territoire avec véhémence et, si les cris d’alarme ne suffisent pas, il peut aller jusqu’à l’affrontement afin de chasser l’intrus. Les partenaires sont monogames, mais les couples peuvent se défaire d’une année sur l’autre.
La femelle ne pond qu’un oeuf à la fois ; elle peut éventuellement pondre à nouveau trois à quatre semaines plus tard, mais jamais simultanément. Elle dépose l’oeuf dans un nid, au fond d’un terrier ou dans un tronc d’arbre creux par exemple. Il semble qu’elle privilégie les nids abandonnés plutôt que les terriers qui n’ont jamais été utilisés.
Les oeufs de kiwi de Mantell sont de très grande taille : ils pèsent entre 15 et 30 % du poids de la femelle, ce qui représente le ratio le plus important du monde pour un oiseau. Le mâle couve seul les oeufs, ne les abandonnant que la nuit pour trouver de quoi se nourrir. Il perd environ 20 à 30 % de son poids lors de l’incubation, qui dure entre 11 et 12 semaines. Après l’éclosion, les petits, qui sont déjà couverts de plumes et pèse moins de 300 grammes, sont capables de quitter le nid après 5 à 10 jours mais y reviennent quotidiennement jusqu’à 2 mois et demi ; ils sont ensuite indépendants et se dispersent dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. A 4 mois environ, ils pèsent 800 grammes et sont assez gros pour être à l’abri des hermines, principaux prédateurs des juvéniles. Lorsqu’ils atteignent 1200 grammes, à environ 14 mois, ils sont enfin assez imposants pour échapper à presque tous leurs prédateurs. La croissance ne cesse finalement qu’à deux ans ; à cet âge, les individus ont atteint leur taille adulte.
Enfin, Apterys mantelli dispose d’une grande longévité : son espérance de vie est d’environ 20 ans en milieu naturel. En captivité, elle pourrait même atteindre 40 ans.
3 Réponses to “Le kiwi de Mantell”
19.06.2020
Pierre-Marie VERJUSBonjour,
merci pour cet article très complet.
En revanche, il manque une information que je ne parviens pas à trouver ailleurs non plus : à quoi servent les vibrisses du kiwi ? Est-ce pour l’aider à appréhender son environnement ? pour identifier ses proies ?
Par avance merci.
14.04.2019
lilitrès intéressant mais vous pourriez ajouter de l’information sur les autres races de Kiwi et des choses que l’on pourrait faire pour l’aider.
15.04.2019
Jennifer MatasBonjour et merci pour votre commentaire. En début d’article, nous listons les 5 espèces de kiwis qui existent dans le monde. Nous avons écrit des articles sur les deux plus menacées, à savoir le kiwi de Mantell et le kiwi d’Okarito (https://www.especes-menacees.fr/kiwi-okarito/). Plus récemment, nous avons publié un autre article sur la situation de cet oiseau (toutes espèces confondues) en Nouvelle-Zélande, ainsi que sur les actions mises en place pour restaurer les populations sauvages. Le voici : https://www.especes-menacees.fr/actualites/objectif-100-000-kiwis-2030/. Très bonne lecture !