On connaissait les plantes carnivores, célèbres pour appâter de petits insectes ou mammifères avec des couleurs chatoyantes et des parfums entêtants avant de se refermer sur leur proie pour les digérer lentement, mais il existe d’autres végétaux tueurs, dont ce genre de ficus qui se développe de façon tout à fait particulière. Le figuier étrangleur tire en effet son nom de son habitude à étouffer d’autres arbres pour grandir et s’en nourrir. Il les emprisonne jusqu’à ce qu’ils meurent, pourrissent et produisent un humus qui servira à nourrir sa propre croissance.
Il n’existe pas une seule espèce de figuier étrangleur mais plusieurs, le qualificatif « étrangleur » servant à nommer ce mode de croissance particulier plutôt qu’à désigner une famille d’arbres à part entière. Ainsi, on retrouve des figuiers étrangleurs dans les forêts tropicales des quatre coins du globe, en Asie, en Océanie mais aussi en Amérique du Sud ou encore dans les Caraïbes. Tous ou presque appartiennent à la famille des « Moracées » et la plupart du temps au genre « ficus », raison pour laquelle on parle aussi de « ficus étrangleur ».
Grandir au détriment des autres
Les figuiers étrangleurs poussent en se servant d’autres végétaux comme support. Mais à la différence des plantes épiphytes pour qui le support est indifférent, elles se nourrissent de l’arbre hôte. Comme pour de nombreux arbres fruitiers, les figuiers se reproduisent grâce aux graines contenues dans leurs fruits, qui sont dispersées via les déjections des oiseaux ou des primates qui les mangent. Lorsque l’une des fientes atterrit sur la branche d’un arbre, elle signe son arrêt de mort car démarre le processus de croissance du ficus étrangleur.
Les graines germent à la cime des arbres, où vivent généralement les animaux qui ont mangé les figues en question, et forment de premières racines qui s’enroulent autour du tronc pour aller chercher le sol et s’y planter afin de puiser les premiers nutriments nécessaires à son développement. On parle alors de « racines aériennes », puisqu’au lieu de partir d’une graine plantée dans le sol vers le ciel, c’est l’inverse qui se produit. Suivent ensuite les autres racines qui, elles, partent chercher la lumière du soleil et s’enroulent dans l’autre sens autour du tronc ; elles se soudent aux racines qu’elles croisent de façon à former un enchevêtrement parfait duquel l’arbre hôte ne pourra jamais se défaire. Même sa croissance s’en trouve stoppée et plus rien ne pourra le sauver d’une mort certaine. Le tout donne l’impression qu’une pieuvre est en train d’étouffer une proie avec ses nombreux tentacules.
Au fil du temps, l’arbre emprisonné pourrit et disparaît, laissant un trou béant à l’intérieur du ficus. Son tronc est donc lui aussi remarquable, puisqu’il se compose uniquement de racines pouvant mesurer jusqu’à 30 mètres de haut !
Le figuier étrangleur, un arbre clé pour la biodiversité
Avec un tel mode de développement, difficile de ne pas traîner derrière soi une réputation sulfureuse. Le figuier étrangleur nourrit en effet de nombreux mythes et légendes dans le folklore. En Martinique, Ficus citrifolia – nom scientifique de l’une des espèces de figuiers étrangleurs qui poussent sur l’île – est encore aujourd’hui appelé le « figuier maudit » en référence à un passage de la Bible et toutes sortes d’histoires sont relatées à son propos. On raconte par exemple que si l’on promène à la nuit tombée près de l’un d’eux, on risque de se faire aspirer par les esprits qui habitent son tronc creux. Son pouvoir est immense dans l’imaginaire collectif et il entre dans la composition de nombreuses recettes vaudou. Par ailleurs, chaque ville martiniquaise possède son propre figuier étrangleur et les événements importants sont toujours ou presque célébrés à ses côtés.
Malgré les impressions que peut laisser le figuier étrangleur, il s’agit d’un arbre qui joue un rôle clé dans une forêt tropicale, car de nombreuses espèces en dépendent pour survivre. Une fois arrivé à maturité, il produit en effet de nombreuses figues qui nourrissent un grand nombre d’espèces d’oiseaux et de singes.
2 Réponses to “Le figuier étrangleur, un arbre qui tue pour survivre”
27.03.2024
PIERRE MARIE DariusBonjour
Moi je cherche le moyen de tuer deux de ces Figuiers maudit car trop près de ma maison. Si vous pouvez m’aider mon adresse mail est ; dardzpm@gmail.com Quand les racines sont sectionnées il pousse des bourgeons qui deviennent des arbres si on les coupe pas. Donc après avoir creuser un terrassement au bulldozer on voit apparaitre ces figuiers quelques mois plus tard.
DARIUS.
22.09.2020
LUTHERMerci pour cet article très instructif ! J’ai juste trouvé une petite faute : ”tentacule” est normalement du genre masculin (bien que son emploi erroné au féminin soit assez courant), donc il faudrait lire « … en train de l’étouffer avec ses nombreux tentacules »