On dit souvent que l’extinction d’une espèce entraîne la disparition de plusieurs autres dans son sillage, et c’est malheureusement vrai. La preuve avec cette chauve-souris, Leptonycteris yerbabuenae : si elle disparaît, alors l’agave bleu pourrait disparaître à son tour. Ce qui serait fort préjudiciable à tous les amateurs de tequila, cette plante servant à la confection de la célèbre boisson mexicaine. Et la raison est toute simple.
Rare espèce pollinisatrice de l’agave bleu
Leptonycteris yerbabuenae se nourrit principalement de nectar et de pollen, qu’elle ingère soit en même temps que le nectar, soit lorsqu’elle fait sa toilette. Eh oui, car ce petit chiroptère d’une vingtaine de grammes à l’âge adulte se retrouve bien souvent recouverte de pollen après avoir joué les pollinisatrices !
Parmi les mets favoris de cette chauve-souris à long nez se trouve l’agave bleu ou agave à tequila, une plante aux allures de cactus qui pousse dans les régions arides du Mexique. Cette dernière est cultivée pour de nombreuses utilisations, notamment pour son sirop qui entre dans la préparation de la tequila et du mezcal, deux boissons mexicaines emblématiques.
Ses fleurs s’ouvrant la nuit, cette plante a nécessairement besoin de pollinisateurs nocturnes pour continuer d’exister. Or, avec quelques autres espèces de chauves-souris nectarifères, Leptonycteris yerbabuenae est la seule pollinisatrice de l’agave bleu. Les liens entre cette plante et cette chauve-souris sont donc extrêmement étroits, au point que la survie de l’une dépend de la survie de l’autre et inversement.
L’espèce a failli disparaître
Aujourd’hui, cette chauve-souris n’est pas considérée comme menacée. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Au contraire, elle a bien failli disparaître. En effet en 1988, il n’en existait plus qu’un millier, réparti entre 14 sites, poussant le Mexique en 1997, puis les Etats-Unis en 1998 à placer l’espèce sur la liste rouge des animaux menacés dans leurs pays respectifs.
L’industrie de la tequila a joué, les cultivateurs de l’agave bleu préférant récolter la plante avant sa floraison, privant ainsi la chauve-souris du délicieux nectar. Au lieu d’attendre le travail artisanal de pollinisation réalisé gratuitement par ces chauves-souris, les cultivateurs ont préféré utiliser des techniques non durables afin d’accélérer la production et ainsi répondre à une demande grandissante de la part des consommateurs. Au risque d’avoir des plantes moins diversifiées génétiquement et donc plus fragiles. Il faut savoir que le marché de la tequila pèse tout de même 2 milliards de dollars par an ! C’est dire si les enjeux économiques sont importants.
Sauvée grâce à la tequila
Mais c’est aussi grâce à la tequila – en quelque sorte – que cette chauve-souris a réussi à s’éloigner de l’extinction. Biologistes et fabricants de tequila se sont unis pour lancer des campagnes de sensibilisation sans précédent – Tequila Interchange Project – rappelant que « sans cette chauve-souris, plus de tequila » ! Des tequilas « chauves-souris friendly », issues de cultures dans lesquelles on a laissé fleurir naturellement des agaves bleus pour permettre aux chauves-souris de s’en nourrir, ont même commencé à se commercialiser. Grâce aussi à d’autres mesures de conservation – comme la surveillance et la protection de sites clés pour cette espèce tels que des grottes et des mines abandonnées –, les populations ont donc pu se rétablir.
Tous ces efforts ont payé puisqu’en 2018, on estime qu’elles sont remontées à 200.000 individus vivant dans 75 sites. Leptonycteris yerbabuenae a ainsi pu être retirée de l’Endangered Species Act (ESA) en 2018 au motif qu’elle ne serait plus considérée comme menacée d’extinction par l’US Fish and Wildlife Service. Idem au Mexique qui l’a également enlevée récemment de sa liste des espèces en danger.
Si elle semble sortie d’affaire, cela ne signifie pas pour autant que cette chauve-souris ne doit plus faire l’objet d’attention. Car il aura fallu trente années de travail pour réussir à rétablir ses populations et, on ne le sait que trop bien, la conservation d’une espèce peut basculer rapidement si nous ne sommes pas vigilants.
3 Réponses to “La tequila existe grâce à cette chauve-souris”
25.08.2021
KANGALe liens entre les espèces est si fort que l’homme devrait être vigilant et surveiller cette relation de près au risque de provoquer des extinctions en chaine
24.08.2021
DELEUZE DORDRON MoniqueMerci pour ce documentaire surprenant !
25.08.2021
KANGAC’est très édifiant