En se promenant à la nuit tombée dans son jardin ou dans la nature, il peut arriver d’apercevoir d’attirantes lumières vertes qui brillent dans le noir. Est-ce un phénomène surnaturel ? Absolument pas ! Il s’agit en réalité d’un insecte bioluminescent, c’est-à-dire qui produit et émet sa propre lumière grâce à une réaction chimique particulière. Si cela vous arrive en France métropolitaine, c’est que vous avez probablement croisé un ver luisant (aussi appelé lampyre) ou une luciole, les autres organismes bioluminescents étant des vers de terre, des mille-pattes ou champignons, qui ne sont que rarement aperçus.
Vers luisants et lucioles, une même famille
Dans le langage courant, il est plus habituel de parler de « luciole » que de « ver luisant » pour désigner ces insectes bioluminescents. En plus de présenter la particularité de briller dans le noir, les deux font également partie de la même famille : les lampyridés. D’où le fait, peut-être, qu’on les confonde si souvent.
En réalité, si vous vous posez la question de savoir quel animal vous avez aperçu, il y a plus de chances que ce soit un ver luisant. En effet, la France compte 11 espèces de vers luisants réparties partout sur le territoire, bien que moins présentes dans le Nord :
- Lampyris noctiluca (Linnaeus, 1767) ;
- Lampyris iberica (Geisthardt, Figueira, Day & De Cock, 2008) ;
- Lampyris lareynii (Jacquelin du Val, 1859) ;
- Lampyris raymondi (Mulsant & Rey, 1859) ;
- Nyctophila reichii (Jacquelin du Val, 1853) ;
- Lamprohiza splendidula (Linnaeus, 1767) ;
- Lamprohiza mulsantii (Kiesenwetter, 1850) ;
- Lamprohiza boieldieui (Jacquelin du Val, 1859) ;
- Lamprohiza delarouzei (Jacquelin du Val, 1859) ;
- Phosphaenus hemipterus (Geoffroy, 1762) ;
- Phosphaenopterus metzneri (Schaufuss, 1870).
Lampyris noctiluca est l’espèce la plus commune. D’autres espèces de vers luisants peuvent également se trouver dans l’Hexagone, mais leur présence reste incertaine. Pelania mauritanica (Linnaeus, 1767), par exemple, était annoncé vers les années 1900 comme vivant en France mais il n’a jamais été retrouvé depuis.
Si les vers luisants sont variés en France, il existe en revanche une seule espèce de luciole : Luciola lusitanica (Charpentier, 1825). Et celle-ci se fait plutôt rare : on ne la trouve plus qu’à l’extrême Sud-Est de la France, principalement dans les Alpes maritimes, autour de Nice.
Lumière brève chez les lucioles, longue chez les vers luisants
L’astuce pour savoir à coup sûr s’il s’agit d’une luciole ou d’un ver luisant, c’est qu’il suffit d’observer la lumière émise par l’animal en vol.
Chez les lucioles, elle est intermittente et donne l’impression de clignoter. « Les personnes qui les ont aperçues parlent de sortes de flash très brefs », complète Marcel Koken, chercheur au CNRS, spécialiste de la bioluminescence.
Tandis que chez L. splendidula, en revanche, la lumière est émise de façon plus longue. « Elle brille plusieurs secondes avant de s’éteindre », ajoute le chercheur du CNRS.
Enfin si c’est une lumière constante, alors on a affaire à la femelle d’un ver luisant. On vous explique tout de suite pourquoi.
Dimorphisme ou pas dimorphisme ?
Cela tient à une autre différence de taille entre les lucioles et les vers luisants : mâles et femelles lucioles sont bioluminescentes mais seulement les femelles vers luisants. A l’exception toutefois, pour les espèces françaises, de L. splendidula.
Les mâles des autres espèces de vers luisants peuvent aussi émettre une lumière, mais très faiblement et souvent seulement après avoir été dérangé, comme par exemple quand on les prend dans la main.
Chez ces espèces, il existe en effet un important dimorphisme sexuel : les mâles sont pourvus d’ailes et élytres mais pas les femelles, qui sont aptères (ou sans ailes). Étonnant pour un coléoptère !
Bloquées au sol, ces dernières émettent une lumière forte pour signaler leur position aux mâles et ainsi s’accoupler durant la saison qui, pour L. noctiluca, dure de mai à septembre. De leur côté, les mâles sont dotés d’yeux gigantesques en comparaison avec leur taille pour rapidement retrouver leurs partenaires.
Chez le ver luisant, la bioluminescence sert principalement donc à la reproduction. C’est aussi le cas chez la luciole, à la différence toutefois qu’il n’existe pas de dimorphisme aussi marqué entre mâles et femelles chez les espèces présentes en France. Les deux sont dotées d’élytres et ailes (mais les femelles sont incapables de voler) et émettent de la lumière.
La bioluminescence de ces insectes est également une forme d’aposématisme. En émettant cette lumière, ils indiquent à d’éventuels prédateurs leur toxicité. C’est d’ailleurs réellement le cas pour les espèces vivant en France. « Ces insectes n’ont donc pas vraiment de prédateurs naturels. A ma connaissance, seules les grenouilles ont été vues les manger sans les recracher à cause de leur toxicité », explique Marcel Koken.
Que faire si vous apercevez un ver luisant ou une luciole ?
Si vous apercevez l’un de ces insectes, n’hésitez pas à le dire en signalant sa présence à l’Observatoire des Vers Luisants (OVL). Lancé en 2015 pour en apprendre plus sur ces étonnants insectes, cet observatoire « grand public » mise en effet sur les sciences participatives pour avancer dans ses recherches. A ce jour, il a déjà enregistré environ 60.000 observations.
Afin d’aider les scientifiques, prenez en photo l’animal en question et, si possible, filmez quelques instants sa lumière. Remplissez ensuite le formulaire en ligne sur le site de l’observatoire en renseignant plusieurs informations comme la date et l’endroit précis (position GPS de préférence) où vous avez aperçu l’insecte.
Lien vers le formulaire pour signaler l’observation d’un ver luisant ou d’une luciole : http://www.asterella.eu/NEOKIPOS/formulaire0.php?pays=FRANCE
Bon à savoir, même si les vers luisants ou lucioles sont absents dans votre jardin, cela intéresse aussi les scientifiques ! Signalez-leur sur le site de l’observatoire. Mais aussi si vous rencontrez d’autres organismes lumineux, car cela les intéresse.
Selon la position géographique, les vers luisants et les lucioles sortent entre mai et septembre peu après la tombée de la nuit. Ils n’apprécient pas les températures fraîches et les temps trop secs, et brillent surtout pour trouver un partenaire à la reproduction. Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour les apercevoir ! Il faut savoir se montrer patient et attentif.
2 Réponses to “Ver luisant ou luciole : comment les différencier ?”
20.08.2021
Denise JodoinExcellent texte merci
16.05.2021
Fernando CostaUn bon texte !!
:))