
Neophoca cinerea est l’une des sept espèces de lions de mer qui existent sur notre planète et l’une des Otariidae les plus rares puisque, malheureusement, le lion de mer japonais a disparu. Avec une population estimée entre 12 000 et 13 000 individus, le lion de mer d’Australie est classé en danger d’extinction (EN) par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Description du lion de mer d’Australie
Le lion de mer australien ressemble physiquement à une grosse otarie dotée d’une crinière au niveau du cou. Il existe un important dimorphisme sexuel : les petits naissent avec un pelage couleur brun chocolat puis les femelles s’éclaircissent vers l’âge de 5 mois avec des variantes entre le gris et le crème tandis que les mâles restent de couleur brune. En termes de gabarit, il est très facile de différencier les deux sexes puisque le mâle peut peser jusqu’à trois fois le poids d’une femelle – qui tourne en général entre 60 et 100 kg – soit jusqu’à 300 kg.
Lion de mer, otarie et phoque
Les lions de mer font partie de la famille des Otariidae, avec leurs cousines les otaries. Cependant, ils sont plus gros que ces dernières et possèdent au niveau du cou une fourrure plus épaisse qui rappelle celle du roi de la savane, d’où le nom de « lion de mer ». Contrairement aux phoques qui appartiennent à une autre famille de mammifères marins, les otaries et les lions de mer possèdent des oreilles externes faciles à distinguer et peuvent se déplacer sur terre en utilisant leurs quatre pattes.
Régime alimentaire
Neophoca cinerea a très bon appétit. Comme tous les pinnipèdes, il se nourrit de poissons – peu importe l’espèce – et de mollusques et crustacés dont il peut casser la coquille grâce à ses dents. Pour pêcher, le lion de mer d’Australie plonge jusqu’à 100 mètres de profondeur. Si la nourriture vient à manquer, il peut attaquer des oiseaux de mer et même parfois des manchots pour remplir son grand estomac. En revanche, il ne fait pas concurrence aux otaries à fourrure qui se nourrissent au milieu de l’océan. Le lion de mer préfère pêcher les proies des fonds marins.
Aire de répartition
Endémique d’Australie, l’aire de répartition de Neophoca cinerea se situe dans le sud de l’île et dans sa partie occidentale mais les animaux sont inégalement répartis :
- 85 % de l’espèce vit sur la côte sud ;
- 10 % se situe sur la côte sud de l’Australie-Occidentale ;
- 5 % vit sur la côte ouest l’Australie-Occidentale.
L’espèce est répartie en petites colonies mais trois sites réunissent à eux seuls les plus grandes populations. L’un des plus connus est Seal Bay, située sur l’île Kangourou, qui compte la troisième plus grande colonie de lions de mer australiens avec un peu plus de 1000 animaux. Mais cette colonie est en déclin tandis que non loin de là, celle de Dangerous Reef augmente. Enfin, à l’est de Kangaroo Island, la colonie de The Pages Island est stable.
Si ces territoires accueillent de manière permanente des lions de mer d’Australie, il faut savoir qu’il existe entre 70 et 80 sites de reproduction dont plus de 50 fréquentés de manière régulière. La population de Neophoca cinerea est donc fragmentée.
Reproduction
Un lion de mer peut vivre jusqu’à 25 ans en milieu naturel et plus en captivité. Les mâles atteignent leur maturité sexuelle vers 8-9 ans tandis que les femelles sont bien plus précoces puisqu’elles peuvent être gestantes dès l’âge de 3 ans. Le cycle de reproduction de Neophoca cinerea est plus long que celui des autres lions de mer. Tandis que ses cousins peuvent faire un petit tous les ans, le lion de mer australien se reproduit tous les 18 mois environ. Comme les femelles tortues, les femelles lions de mer retournent sur leur site de naissance pour mettre bas. C’est ce qu’on appelle la philopatrie (natale).
A la naissance, les petits mesurent entre 60 et 70 cm pour un poids allant de 6 à 8 kg. Les couples ne sont pas monogames, un mâle peut s’accoupler avec cinq femelles dans une même période. Les femelles sont en chaleur environ 10 jours après la naissance d’un petit, et pendant 24 heures seulement. Pour avoir les faveurs de la demoiselle, les mâles se battent lors de violents combats qui font souvent des dommages collatéraux. En effet, les mâles aux corps massifs, en se chargeant, écrasent les petits et plus rarement les jeunes femelles. Et plus le territoire de la colonie est petit, plus les chances que des individus meurent écrasés est grande. C’est pourquoi la réduction de l’aire de répartition est problématique.
Par ailleurs, il n’est pas rare que les jeunes mâles tuent volontairement le bébé qu’une femelle vient d’avoir, pour montrer son agressivité et donc sa force. Le taux de mortalité des petits est donc particulièrement élevé chez les lions de mer, ce qui assez logiquement freine le renouvellement de la population.
Menaces
La chasse
Si le lion de mer australien est aujourd’hui menacé de disparaître, c’est avant tout parce qu’il a abondamment été chassé durant les XVIII et XIXème siècles. Dans le lion de mer, tout est bon ou presque ! Sa peau était utilisée comme cuir ou fourrure, sa graisse était fondue pour obtenir de l’huile et sa chaire constituait bien sûr un repas très nourrissant.
Interdite aujourd’hui, la chasse a causé de grands dommages dans la population de lions de mer australiens, mais elle n’est plus une menace actuelle. Toutefois, il est important de noter que plusieurs corps de lions de mer abattus par balles sont retrouvés chaque année sur les plages australiennes. Ils sont le résultat d’actes de malveillance ou de vengeance de pêcheurs qui voient dans l’appétit vorace des pinnipèdes une concurrence pour leur bateau.
Les filets maillants

Exemple de filet maillant en Méditerranée.
A présent que la chasse n’est plus une menace, la population de lions de mer d’Australie n’augmente pas pour autant. La faute en grande partie aux filets maillants. Il s’agit de filets de pêche étendus à la verticale dans l’eau, comme des cages de but de football. Leurs mailles fines mais résistantes sont invisibles pour les poissons ou mammifères marins qui se coincent la tête dedans et meurent noyés, incapables de s’extirper du filet. En Australie, les filets maillants cherchent principalement à capturer des émissoles gommées (Mustelus antarcticus), une espèce de requins non menacée présente sur la côte sud de l’île et consommée traditionnellement par les Australiens. Comme le lion de mer, l’émissole gommée aime se nourrir en profondeur, jusqu’à 350 mètres. Le présence des deux espèces sur les mêmes sites engendre de nombreuses captures accidentelles de lions de mer australiens.
Il est très difficile d’obtenir des chiffres sur la mortalité de Neophoca cinerea causée par la pêche. Dans un rapport réalisé en 2010, des scientifiques parlaient de 374 lions de mer d’Australie tués par des filets tous les 18 mois, dont 197 femelles. Mais il insiste également sur le fait que les pêcheurs industriels ne déclarent que rarement les lions de mer remontés dans leurs filets. Et pour cause. Les auteurs de l’étude ont estimé que le nombre de décès causés par la pêche mettait en danger la survie de l’espèce.
Un très faible taux de renouvellement de la population
L’une des autres menaces qui pèse sur l’espèce est somme toute mathématique. Le nombre de décès est plus important que le nombre de naissances, ce qui provoque un déclin de la population. Il faut bien comprendre qu’une espèce disparaît non seulement parce que ses membres périssent, mais aussi et surtout parce le taux de renouvellement est trop faible pour absorber ces décès.
Dans le cas du lion de mer d’Australie, la faible natalité est d’abord due aux perturbations humaines sur les territoires des colonies reproductrices. Tourisme, pêche, urbanisation sont autant de causes qui diminuent drastiquement l’aire de répartition terrestre des pinnipèdes. De plus, comme évoqué plus haut, une femelle va chercher à retourner sur sa plage natale pour mettre bas. Si elle se retrouve dans l’incapacité de le faire, elle peut cesser de se reproduire.
Enfin, il existe un taux de mortalité très important chez les jeunes lions de mer. Qu’ils soient écrasés accidentellement lors de combats ou tués volontairement par des mâles – pratique assez répandue chez l’espèce -, on estime qu’un tiers des petits Neophoca cinerea meurent avant l’âge adulte.
Les casiers à homard
Le régime alimentaire des jeunes lions de mer australiens comprend des langoustes et des homards. Et pour en attraper, ils n’hésitent pas à fouiller les casiers à homard proches de leurs plages de naissance. Des casiers qui peuvent se transformer en véritable piège et entraîner la mort du petit gourmand.
Les débris marins
Quand les lions de mer d’Australie ne se sont pas pris au piège dans les filets maillants, ils ne sont pas pour autant en sécurité en mer. Car l’océan regorge de dangers pour ces mammifères marins. Collision avec les navires, filets de pêche laissés à la dérive, déchets plastiques présents dans l’eau sont autant de dangers pour les lions de mer. 80 % de ces débris proviendrait des détritus laissés par les visiteurs sur la plage.

De nombreux lions de mer et otaries portent les traces de blessures causées par des filets. Ici un lion de mer de Steller.
Enfin, la réduction du nombre de proies pourrait également devenir dans le futur une menace sérieuse pour l’espèce compte tenu de la pêche intensive sur son aire de répartition.
Conservation
D’après le gouvernement australien, 10 espèces de phoques et de lions de mer nagent dans les eaux bordant la grande île. Parmi elles, trois espèces sont considérées comme menacées par le gouvernement :
- l’otarie à fourrure subantarctique (Arctocephalus tropicalis) considérée comme peu concernée (LC) par une extinction par l’UICN ;
- l’éléphant de mer du sud (Mirounga leonina), également listé comme non menacé par la liste rouge de l’UICN ;
- le lion de mer d’Australie (Neophoca cinerea) qui, lui, est effectivement reconnu comme menacé par l’institution.
Neophoca cinerea est juridiquement protégé en Australie, à la fois au niveau national depuis 1975 et par la législation propre aux Etats où il vit : l’Australie-Méridionale et l’Australie-Occidentale.
L’espèce est considérée par le pays comme vulnérable à l’extinction depuis 2005, et a intégré la catégorie « en danger d’extinction » de l’UICN en 2008.

Des touristes à Kangaroo Island, où vit une des plus grandes colonies de lions de mer australiens.
L’interdiction des filets maillants près des colonies reproductrices
Des trois espèces citées plus haut, elle est la seule à faire l’objet d’un plan de conservation, réalisé en 2013. Son objectif est de stopper le déclin des lions de mer d’Australie et de rétablir l’espèce dans toute son aire de répartition en augmentant le nombre d’individus total.
A partir de ces éléments, l’AFMA (Australian Fisheries Management Authority, a mis en place en 2010 sa stratégie de gestion des lions de mer australiens. Son principal axe d’action consiste à prévenir la mort accidentelle d’individus en interdisant la pêche aux filets maillants dans les zones autour de chaque colonie reproductrice d’Australie-Méridionale. Par s’en assurer, chaque bateau de pêche qui s’introduit sur une zone à risque doit avoir à son bord des caméras filmant ce qui est effectivement capturé. Si un lion de mer australien est tué par erreur, il est donc automatiquement signalé à l’AFMA qui, selon le site où l’incident a eu lieu, décide ou non d’étendre l’interdiction.
Sept autres territoires maritimes sont étudiés de près, entre l’Australie du Sud et l’Australie-Occidentale. Les filets maillants y sont tolérés tant que le nombre de lions de mer capturés ne dépasse pas un certain seuil. « Si les limites d’une zone sont atteintes, une interdiction de 18 mois de la pêche au filet maillant dans la zone est mise en œuvre pour permettre aux colonies de la zone de se rétablir », peut-on lire sur le site de l’agence gouvernementale australienne.
Cette stratégie est également mise en place pour d’autres espèces marines. Ainsi, en 2011, l’AFMA a fermé une grande zone au large des côtes de l’Australie-Méridionale à la pêche au filet maillant après une augmentation des captures accidentelles de dauphins.
Le SLED : dispositif d’EXCLUSION des lions de mer
Le SLED – pour Sea Lion Exclusion Devices – est un dispositif permettant de sécuriser les casiers à homards afin d’éviter que les jeunes lions de mer australiens se coincent dedans. Après des premiers tests concluants, les SLED sont devenus obligatoires dans les casiers de certaines zones et notamment près des plages où l’on compte de la reproduction. Le principe est plutôt simple, il consiste à insérer une tige métallique horizontalement ou verticalement selon le type de casier de sorte que l’ouverture ne dépasse jamais 132 mm. La tige empêche donc le lion de mer de pénétrer dans la nasse pour en sortir les crustacés et d’y rester piéger.
Depuis 2015, un autre système portant le même nom est testé pour les filets de pêche. Il consiste à intégrer une grille métallique de même largeur que le filet et au-dessus une ouverture par lequel l’animal peut s’échapper. Le trou d’évacuation étant maintenu ouvert par des flotteurs. Ainsi quand un lion de mer s’insère dans un filet de pêche au lieu d’être pris au piège il est orienté par la grille vers l’ouverture.
L’anecdote
Il existe un prédateur naturel au lion de mer australien et même l’homme en a peur ! C’est le grand requin blanc. C’est pourquoi il n’est pas rare d’en croiser près des colonies reproductrices. Une bonne raison pour les touristes de ne pas traîner dans le coin et de laisser les animaux tranquilles. D’autant plus que les femelles lions de mer défendent vigoureusement leur petit.
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