Le loup d’Ethiopie, ou loup d’Abyssinie, a failli disparaître dans les années 1990. Aujourd’hui, sa population sauvage se rétablit doucement, grâce notamment aux mesures de conservation qui ont été prises. Mais l’avenir de l’espèce reste incertain.
Présentation du loup éthiopien
Le loup d’Ethiopie est la seule espèce de loup à vivre uniquement en Afrique. Il est l’une des quatre espèces de loups qui existent dans le monde :
- le loup gris (Canis lupus), espèce la plus répandue avec près d’une dizaine de sous-espèces, dont le loup arctique (Canis lupus arctos), le loup du Mexique (Canis lupus baileyi) et le loup gris commun (Canis lupus lupus », présent notamment en France. L’espèce est considérée comme « peu concernée » par l’extinction, d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN),
- le loup à crinière (Chrysocyon brachyurus), unique représentant du genre Chrysocyon alors que les autres sont des « Canis ». Il vit en Amérique du Sud et est classé « quasi-menacé » par l’UICN,
- le loup d’Ethiopie (Canis simensis), originaire d’Afrique de l’Est et classé en danger d’extinction (EN).
- le loup rouge (Canis rufus), endémique des Etats-Unis et en danger critique d’extinction (CR).
Le loup éthiopien se scinde en deux sous-espèces :
- Canis simensis simensis qui vit au Nord-Ouest de la Vallée du Rift, dans les montagnes du Simien,
- Canis simensis citernii au Sud-Est de la Vallée du Rift, dans les montagnes de Bale.
Caractéristiques physiques
Le loup d’Ethiopie se distingue facilement des autres espèces de loups par son physique atypique. Certes, il a toutes les caractéristiques du loup avec une allure de canidé, un museau long et des oreilles dressées, mais il emprunte aussi beaucoup au renard.
En particulier au niveau de son pelage roux, agrémenté de blanc sur certaines parties inférieures du corps, comme le menton, le poitrail, le ventre, les pattes et l’intérieur des oreilles. A la naissance, les louveteaux ont un pelage gris et n’arboreront leur roux définitif que vers l’âge d’1 mois.
Élancé et haut sur ses pattes, le loup éthiopien semble taillé pour l’endurance. Mâles et femelles présentent un léger dimorphisme, les premiers étant légèrement plus volumineux avec un pelage aux couleurs plus vives. Adulte, Canis simensis pèse entre 11 et 19 kilos et mesure 80 cm à 1 m de long, dont 25 à 40 cm de queue.
En réalité, de récentes études génétiques semblent montrer que le loup éthiopien serait plus proche du loup gris et du coyote que des autres espèces de canidés vivant en Afrique, à savoir les lycaons, les renards, les otocyons et les chacals.
Comportement
Le loup est réputé être un animal social, organisé en meute, et le loup d’Ethiopie n’échappe pas à la règle. Canis simensis vit le plus souvent au sein d’un groupe de 3 à 13 individus, la moyenne se situant à 6 loups par meute.
Toutes sortes de règles et de rituels régissent et rythment la vie en meute, comme les salutations et les patrouilles pour défendre le territoire. Le jeu est particulièrement important dans l’apprentissage des louveteaux. Les loups d’Abyssinie utilisent également les vocalisations pour communiquer entre eux.
Ces sons peuvent être des grognements visant à intimider un congénère, un appel pour prévenir la meute de l’approche d’une menace (des humains ou une autre meute de loups par exemple) ou simplement des cris poussés par les membres lorsqu’ils se retrouvent.
Régime alimentaire
Canis simensis est un canidé carnivore. Il mange exclusivement de la viande provenant de petites proies qu’il chasse, le plus souvent seul. Les rongeurs constituent l’essentiel de son alimentation.
D’ailleurs, le loup d’Ethiopie apprécie particulièrement le rat-taupe Tachyoryctes macrocephalus, un rongeur endémique d’Ethiopie et qui ressemble un peu à nos marmottes européennes, mais en beaucoup plus petit. Un individu adulte pèse environ 900 grammes, c’est dire le petit gabarit !
Le loup éthiopien peut s’attaquer à des proies encore plus petites, comme le rat des herbes de Blick (Arvicanthis blicki) ou le menacé rat fourrure noire (Lophuromys melanonyx). Ces rongeurs pèsent en effet entre 90 et 120 grammes seulement.
Pour compléter son menu, Canis simensis peut également se tourner vers des oisillons, des œufs et même de jeunes ongulés. C’est justement pour ces proies plus grandes qu’il peut lui arriver de chasser en coopérant avec d’autres congénères. Opportuniste, il se saisit parfois – mais c’est bien plus rare – de carcasses qui traînaient sur son chemin.
Habitat de Canis simensis
Le loup d’Abyssinie vit dans les hauts plateaux éthiopiens, en Afrique de l’Est. Son aire de répartition est très restreinte. Six populations distinctes ont été identifiées dans différentes chaînes montagneuses, dans les montagnes du Simien, au nord-est de Choa et dans la région de Gojjam.
La population la plus nombreuse est celle du parc national des montagnes de Bale, avec plus de 200 individus. Hélas, elle est aussi la plus sujette aux épizooties. Entre 2008 et 2011, environ 30 % des adultes ont ainsi disparu.
Pour fuir l’homme et la pression agricole, les loups éthiopiens se sont réfugiés il y a plusieurs décennies en altitude. La dernière observation à moins de 3 000 m remonte au début du siècle.
Aujourd’hui, on peut les trouver jusqu’à 4 400 m d’altitude environ. A cette distance du niveau de la mer, la seule végétation qui pousse mesure moins de 25 cm de haut. Les paysages se constituent majoritairement de vastes prairies et de landes afro-alpines.
Les menaces qui pèsent sur le loup d’Ethiopie
Avec environ 500 individus encore en vie dans la nature, le loup d’Ethiopie est l’un des canidés les plus menacés au monde. Il a failli disparaître dans les années 1990, et l’UICN avait classé l’espèce dans la catégorie « en danger critique » d’extinction en 1996. Aujourd’hui, le loup d’Abyssinie va un peu mieux et est passé dans la catégorie « en danger ». Mais les menaces qui pèsent sur lui n’ont pas disparu.
Pressions de l’agriculture
Même s’il vit en altitude, le loup éthiopien doit composer avec la présence de l’homme. Une présence qui n’a pas cessé de s’accentuer avec le temps. Pour survivre sur ces terres éloignées, l’homme a largement transformé le paysage en terres agricoles.
D’après l’UICN, 60 % de tous les terrains au-dessus de 3 200 m d’altitude sont aujourd’hui exploitées par des fermiers. « Toutes les populations vivant en-dessous de 3 700 m sont particulièrement fragiles à la perte d’habitat, surtout dans les zones petites et où le relief est relativement plat », prévient l’organisme.
Le pâturage est l’activité la plus gourmande en surface, au détriment des loups éthiopiens. Surtout depuis que de grandes fermes d’élevage de moutons se sont créées, induisant la construction de routes.
Comme partout dans le monde, une telle cohabitation entre un grand prédateur comme le loup d’Abyssinie et des éleveurs de bétail ne se passe pas très bien. Les conflits homme-loup sont récurrents et des éleveurs ont déjà mené des représailles en cas de perte de l’une de leurs bêtes.
Une population restreinte et fragmentée
Cette perte continue d’habitat, couplée à la géographie particulière de son aire de répartition a fortement fragmenté la population de Canis simensis. Aujourd’hui, la moitié de l’espèce vit dans les montagnes de Bale, et le reste se scinde en de petits groupes éclatés.
Pour une espèce menacée, la fragmentation de sa population s’avère très dangereuse. Elle complique en effet les échanges de partenaires pour la reproduction et limite la diversité génétique au sein d’une même meute.
D’autant qu’en plus de cette fragmentation, les loups éthiopiens doivent faire face à une forte hybridation de l’espèce avec des chiens domestiques. Une tendance qui appauvrit encore le patrimoine génétique de Canis simensis.
La population la plus touchée par l’hybridation est celle qui vit dans les montagnes de Bale. Bien que les hybrides soient pour le moment confinés à une petite partie et ne touchent pas encore toute la population, ils risquent de nuire à l’intégrité génétique de l’espèce.
Le virus de la rage
Une menace plus directe pèse sur l’avenir du loup d’Ethiopie : la maladie. L’espèce a en effet beaucoup souffert d’épizooties qui ont récemment décimé sa population des montagnes de Bale. L’origine : la rage.
Ce virus sévi quatre fois ces dernières années : en 1992, en 2003, en 2008 et en 2014. A chaque fois, l’épizootie a tué en quelques mois les trois quarts de la population de l’époque dans cette région.
La rage se transmet facilement d’un individu à un autre. Une simple morsure suffit à contaminer un animal. La vitesse de propagation de ce virus est donc extrêmement rapide, en particulier chez les canidés.
Les efforts de conservation pour Canis simensis
La loi éthiopienne protège le loup d’Abyssinie, dont la chasse est totalement interdite. Tuer un loup éthiopien est donc formellement interdit et sanctionné d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 2 ans. Reste à la protéger contre les autres menaces.
Campagne de vaccination
L’avenir du loup d’Abyssinie passe en partie par la lutte contre des maladies comme la rage et la maladie de Carré, pouvant tuer massivement et en un temps très court. Une solution : vacciner les individus avant qu’ils ne soient contaminés et ne transmettent la maladie à des congénères sains. Problème : il est difficile de vacciner des animaux sauvages tels que les loups éthiopiens, qui plus est lorsqu’ils vivent dans des zones aussi reculées que les montagnes d’Ethiopie.
Le programme Ethiopian Wolf Conservation (EWCP) vient de trouver la solution en lançant une toute première campagne de vaccination orale, en août 2018. Les vaccins sont introduits dans des appâts à base de viande, ensuite déposés pendant la nuit sur le territoire des loups.
« Notre objectif est d’immuniser au moins 40 % de tous les loups de chaque population, en atteignant le plus grand nombre possible de meutes familiales », explique Muktar Abute du programme EWCP. Cinq familles des montagnes de Bale ont déjà été vaccinées et EWCP espère élargir la campagne de vaccination aux cinq autres populations de loups éthiopiens dans les trois ans.
C’est cette méthode de vaccination orale qui a permis d’éradiquer la rage chez les prédateurs européens et aux Etats-Unis. Il y a donc bon espoir qu’il en soit de même pour les loups éthiopiens. Afin d’éviter que des chiens ne transmettent la rage aux loups, EWCP a également vacciné plusieurs milliers de chiens domestiques dans les alentours et à l’intérieur du parc national de Bale.
Les équipes d’EWCP planchent désormais sur un équivalent pour la maladie de Carré, qui fait également des ravages chez les populations de canidés. De premiers individus ont été vaccinés oralement et sont sous surveillance pour vérifier l’efficacité de ce nouveau vaccin.
Etudes et sensibilisation
En plus des campagnes de vaccination pour endiguer les épidémies, la préservation du loup éthiopien passe par le suivi des populations et la sensibilisation des locaux à l’importance de l’espèce pour l’écosystème.
Des programmes de monitoring ont démarré dans les années 1980 dans les montagnes de Bale et se poursuivent encore aujourd’hui. L’observation et l’étude des loups éthiopiens permettent aux chercheurs de mieux connaître l’espèce et ainsi de mieux la protéger.
Ce suivi permet également de repérer à temps les individus hybrides au sein d’une meute et de les stériliser avant qu’ils ne se reproduisent. Le programme EWCP gère également les populations de loups en transférant si nécessaire certains individus d’un groupe à l’autre, évitant ainsi les extinctions locales et luttant contre les effets de la fragmentation.
A cause des nombreux conflits avec l’homme, la conservation de Canis simensis passe également par des programmes de sensibilisation accrus auprès des populations locales.
Reproduction du loup éthiopien
Chez le loup éthiopien, la meute est en réalité une cellule familiale avec à sa tête un unique couple reproducteur. Cela signifie qu’a priori, un seul mâle s’accouple avec une seule femelle au sein de la meute.
Dans la réalité, si la femelle se montre réceptive uniquement aux avances du mâle dominant de sa meute, elle peut l’être aussi de la part d’un individu externe au groupe. En revanche, elle déclinera toute approche de la part d’un autre mâle de sa meute.
Toutes les femelles ne cherchent pas à se reproduire à la même période de l’année. Des différences existent entre les différentes populations de loups éthiopiens. Dans les montagnes de Bale, par exemple, les femelles sont réceptives pendant environ deux semaines, entre les mois d’août et novembre.
Après une période de gestation de 60 à 62 jours, les femelles mettent bas 2 à 6 louveteaux. Les petits sont élevés dans un premier temps à l’abri d’une tanière, d’où ils ne sortiront que vers l’âge de trois semaines.
Dès 6 mois, ils commencent à chasser mais n’atteindront leur maturité sexuelle qu’à partir de 2 ans. L’espérance de vie du loup éthiopien dans la nature semble inférieure à 10 ans.
2 Réponses to “Le loup d’Ethiopie”
24.08.2021
De BruyneMerci de les sauver, les loups sont ma passion
22.08.2021
Isoko AnnieBonne chance au loup éthiopien