Il existe 13 espèces de loutres à travers le monde. Sept sont menacées de disparition et parmi elles, Enhydra lutris, la loutre de mer, est classée en danger d’extinction (EN) par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Présentation
Description physique
La loutre de mer est le plus petit mammifère marin du monde avec un gabarit moyen de 130 cm pour 30 kg pour les mâles et 110 cm pour 20 kg pour les femelles. Sa fourrure brune sur l’ensemble du corps et châtain clair sur la tête est extraordinaire à plus d’un titre. Contrairement à l’ours polaire, la loutre de mer ne possède pas de graisse sous la peau pour l’aider à maintenir sa température dans l’eau froide. La nature l’a donc dotée de la fourrure la plus dense de la planète avec pas moins de 100 000 à 150 000 poils par centimètre carré. A titre de comparaison, on estime qu’un homme moyen possède pour sa part 100 000 cheveux sur la tête toute entière ! Son épais manteau se constitue de deux niveaux : une couche inférieure, qui est la plus fournie, et une couche supérieure qui présente des poils plus longs. Pour imperméabiliser sa fourrure, la loutre sécrète une huile grâce à une glande spéciale, puis la répand sur l’ensemble de son pelage en faisant minutieusement sa toilette chaque jour.
Animal principalement aquatique, la queue et les pattes arrières de la loutre de mer sont plates ce qui lui permet de tenir les rôles respectifs de gouvernail et de nageoires, en permettant notamment la propulsion.
Comportement
Contrairement aux loutres d’Europe, Enhydra lutris est un animal diurne et grégaire. Cependant, mâles et femelles forment des groupes séparés. Quand elle ne cherche pas à manger, la loutre de mer se repose en se laissant flotter sur le dos. Pour ne pas dériver pendant son sommeil, elle s’enroule autour d’une algue solidement ancrée au fond marin ou bien elle s’accroche à une de ses congénères, formant ainsi un radeau.
Régime alimentaire
La loutre de mer passe le plus clair de son temps à manger : non pas que son alimentation soit faible en énergie comme le panda géant, mais parce qu’elle consomme au quotidien 20 % à 30 % de son poids pour produire de la chaleur. Il lui faut donc beaucoup manger pour lutter contre le froid. Le régime alimentaire d’Enhydra lutris se compose principalement d’invertébrés marins tels que les oursins, les crabes, les ormeaux ou oreilles de mer, les palourdes, les moules et autres mollusques.
Les loutres de mer possèdent des dents larges et plates qui leur permettent d’écraser les coquilles des proies, contrairement aux incisives des grands carnivores qui servent à trancher dans la chair. Mais au-delà de sa dentition, ce mustélidé peut également se servir d’outils comme des morceaux de roches pour détacher les moules des rochers ou casser les coquilles des escargots de mer. Bien souvent, le repas se déroule en flottant sur le dos et le ventre de l’animal lui sert à la fois de table et de plan de travail.
Localisation
La science reconnait trois sous-espèces de loutres de mer qui possèdent chacune son territoire :
- Enhydra lutris kenyoni : la loutre de mer de l’Alaska vit comme son nom l’indique sur la péninsule américaine mais est également visible au Canada. Il s’agit de la sous-espèce la plus importante en nombre ;
- Enhydra lutris nereis : la loutre de mer de Californie constitue la plus petite sous-espèce. Elle est visible sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie. Les individus de cette sous-espèce sont souvent plus petits que ceux du nord : Enhydra nereis naviguant dans des eaux moins froides, sa fourrure est moins épaisse. Elle est également appelée loutre de mer du Sud ;
- Enhydra lutris lutris : la loutre de mer asiatique vit de l’autre côté de l’océan Pacifique, sur les côtes russes.
Les estimations de population fluctuent assez mais on estime que la sous-espèce d’Alaska compte de 100 000 à 150 000 individus tandis que celle d’Asie est au nombre de 18 000 à 20 000. Enfin, la loutre de Californie ne comptait en 2013 qu’un peu plus de 2 865 représentantes.
Ce petit mustélidé – de la famille de la fouine ou encore du vison – n’aime guère s’éloigner des côtes et apprécie les habitats rocheux. On l’observe principalement dans les zones riches en varech, ces algues aussi appelée goémon en France, qu’elles utilisent pour se reposer et dans lesquelles elles trouvent également ses proies.
Menaces
Si les menaces d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui, les différentes sous-espèces de loutres de mer sont toujours considérées comme en danger d’extinction (EN) par l’UICN et ce depuis 2000.
Le commerce de la fourrure
Dans l’histoire, le déclin d’Enhydra lutris est avant tout imputé à la chasse intensive dont elle a fait l’objet. Si les populations locales ont longtemps capturé des loutres pour se confectionner des manteaux ou des chapeaux avec leur fourrure, c’est à partir du 18ème siècle que le phénomène s’intensifie. En 1732, des explorateurs russes découvrent l’Alaska et démarrent un lucratif commerce de fourrure. La population mondiale de loutres de mer est estimée entre 150 000 et 300 000 individus lorsque que démarre le prélèvement à grande échelle. La chasse commerciale ne sera interdite qu’en 1911 grâce au Traité international relatif à la protection des phoques à fourrure, autre espèce décimée par ce commerce. On estime qu’il ne reste plus alors qu’environ 2 000 loutres de mer réparties en 13 colonies sur les côtes du Pacifique, notamment au Kamchatka, dans les îles Aléoutiennes, ou encore sur l’île Kodiak. Après l’arrêt de la chasse, les populations de loutres de mer se sont peu à peu reconstituées mais l’aire de répartition de l’espèce a été considérablement réduite. L’espèce a par exemple disparu du Mexique et du Japon.
La pollution marine
Comme expliqué plus haut, la fourrure de la loutre est indispensable à sa survie car elle la protège de l’eau froide dans laquelle elle reste plusieurs heures. Quand ce manteau ne joue plus son rôle isolant, l’animal est condamné sans intervention extérieure. C’est ce qui arrive lors des épisodes de marée noire : le pétrole se colle aux poils et empêche l’huile imperméabilisante de pénétrer. Le 24 mars 1989, l’Exxon Valdez s’échoue dans la Baie du Prince-William, sur la côte de l’Alaska et libère 42 millions de litres d’hydrocarbure. On estime que cette marée noire, l’une des pires de l’histoire, a causé la mort de plus de 250 000 oiseaux, des milliers de loutres de mer et tout autant de baleines, sans compter les dégâts sur les poissons et les crustacés. La sous-espèce de l’Alaska mettra des années à s’en remettre. Malheureusement pour Enhydra lutris, l’Alaska est riche en pétrole et la menace d’une nouvelle marée noire prend de l’ampleur depuis l’arrivée de l’administration Trump : cette dernière souhaite ouvrir progressivement et à partir de 2019 l’exploration pétrolière de 90 % des zones maritimes américaines. Son prédécesseur, Barack Obama, avait pourtant interdit fin 2016 les forages au large de l’Alaska.
La pêche
La pêche menace Enhydra lutris pour différentes raisons : collision avec les bateaux, enchevêtrement dans les filets de pêche, raréfaction des proies… Par exemple, jusque dans les années 1980, les îles Aléoutiennes, situées au sud-ouest de l’Alaska, abritaient la plus importante population mondiale de loutres de mer, entre 55 100 et 73 700 individus. Mais en 2000, on ne comptait plus que 8 742 spécimens. A priori, les petits carnivores auraient été décimés par les orques. Les loutres ne sont pas leurs proies habituelles mais la diminution de la quantité de poissons a entraîné le déclin des populations d’otaries de Steller et de phoques communs, les cibles de prédilection des orques. La loutre de mer serait donc au menu du prédateur par défaut !
Le réchauffement climatique
Enfin, une nouvelle menace commence à apparaître et pourrait faire parler d’elle les prochaines années. Depuis le début des années 2000, les loutres de mer de Californie ont connu des épisodes de morts massives causés par une intoxication des invertébrés dont se nourrissent les mustélidés. Le réchauffement climatique engendre la prolifération de micro-algues toxiques qui contaminent les mollusques.
Efforts de conservation
Réglementation
La loutre de mer est inscrite en annexe II de la CITES depuis 1977 ; seule Enhydra lutris nereis, la sous-espèce de Californie, est en annexe I. La différence ? L’annexe I interdit totalement le commerce de l’espèce sauf pour raisons scientifiques, tandis que le classement en annexe II limite la commercialisation des animaux aux personnes possédant un permis d’exportation ou un certificat de réexportation.
La loutre de mer est protégée au Canada par la Loi sur les espèces en péril, aux Etats-Unis par la Marine Mammal Protection Act de 1972 (MMPA) mais également par l’Endangered Species Act de 1973 puisqu’elle est officiellement une espèce menacée.
Les réintroductions
Quand la chasse commerciale de Enhydra lutris a été définitivement interdite, l’espèce avait déjà disparu de plusieurs régions de son aire de répartition historique. Des réintroductions ont été tentées dans différentes zones avec plus ou moins de succès. Entre 1969 et 1972, 89 loutres de mer d’Alaska ont été expédiées vers la côte ouest de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, au Canada. La greffe semble avoir plutôt bien pris car en 2011, la population autour de l’île était estimée à 4 712 individus.
A la même période, 59 autres spécimens ont été transférés de l’île d’Amchitka (une des îles Aléoutiennes) à l’État de Washington. En 2012, ces 59 individus étaient devenus 1 105 !
Les associations
Il existe plusieurs ONG spécialisées dans la protection des loutres mais chacune a ses spécificités. Si l’International Otter Survival Fund (IOSF) met en place des actions de conservation pour toutes les espèces de loutres du monde, Friends of the sea otter est, elle, spécialisée dans la protection de Enhydra lutris uniquement. Enfin, fondé en 1968, The otter project ne s’occupe pour sa part que de la sous-espèce la plus menacée, la loutre de Californie. Ces différentes structures ont chacune leur combat. IOSF dénonce le piégeage légal et les chiffres officiels. Pour l’ONG, ce serait presque 40 000 loutres de mer qui seraient tuées chaque année aux Etats-Unis et au Canada en toute légalité pour alimenter le marché mondial de fourrure.
« The otter project » se concentre pour sa part sur l’amélioration de la qualité de l’eau et la préservation de l’habitat de la loutre de Califonie.
Enfin, « Friends of the sea otter » est sans doute l’association qui a les missions les plus complètes. Elle se bat notamment contre l’augmentation des permis de chasse et de commercialisation des peaux de loutres, une mesure de plus en plus réclamée en Alaska. Actuellement, seuls les autochtones de l’Alaska peuvent chasser ces petits mammifères à des fins artisanales.
L’association a également mis en place en 2015 le « sea otter savvy », un programme qui permet d’aller observer les loutres en milieu naturel en adoptant le bon comportement. Enfin, Les amis des loutres de mer réalisent également un important travail de sensibilisation. Ils sont à l’origine de la création en 2002 d’une semaine de sensibilisation qui se déroule chaque année la dernière semaine de septembre.
Reproduction
Chez la loutre, la femelle est mature sexuellement à partir de 3 ans contre seulement 5 ans pour les mâles. Les deux sexes ne se mélangent que lors de la reproduction, de septembre à novembre. L’accouplement comme la mise bas ont lieu en mer. Les couples se font et se défont et une même femelle peut se reproduire avec plusieurs mâles dans une même saison. La gestation dure de 4 à 5 mois au bout desquels un loutron de 3 à 5 kg voit le jour. Les petits naissent avec une fourrure déjà importante qui leur permet naturellement de flotter sur l’eau. Ils ne peuvent pas plonger dans l’eau durant leurs deux premiers mois et sont donc alimentés par leur mère, par allaitement. C’est pour cette raison que les mères installent leur petit sur leur ventre quand elles flottent sur le dos.
Après deux mois, la mère apprend à son loutron à chasser et continuera son apprentissage durant 6 mois à un an avant que le petit ne prenne son indépendance. Une fois son petit parti, la mère est à nouveau disponible pour une nouvelle reproduction.
En moyenne, un mâle loutre de mer vit un peu moins de 15 ans tandis que la femelle peut sans problème atteindre les 16-17 ans.
4 Réponses to “La loutre de mer”
21.08.2019
Sabliet WilliamSujet très instructif et intéressant, et je remercie Cécile Arnoud pour ce tableau très clair. Mais je me pose une question de cohérence sur les chiffres, il me semble qu’il y a erreur : en début d’article on dit qu’il y a entre 120 000 et 153 000 individus recensés (pour les 3 sous-espèces). Plus loin, les ONG disent qu’il y a 40 000 individus qui disparaissent chaque année à cause du commerce de la fourrure en Alaska et au Canada.
Donc 40 000 par an, au bout de 4 ans on arrive à 160 000 la population devrait déjà avoir été décimée et aurait dû disparaître, mais il en reste toujours. Sans compter les prédateurs tels que les orques qui se sont rabattus sur ces proies du fait de la diminution de populations d’otaries et de phoques. N’y aurait-il pas une erreur d’échelle sur le chiffre du commerce de fourrure (4000 au lieu de 40 000) ?
11.02.2019
MARTINIL NE DEVRAIT PAS Y AVOIR DES ANIMAUX EN VOIE DE DISPARITION !!!!!!
11.02.2019
Da CostaJe trouve que les loutres sont des animaux trop mignons pour être en voie de disparition ,malheureusement c’est le cas et si nous ne faisons rien elles disparaîtront pour de bon .
04.03.2019
CHOCOLATLOUTRE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!