
Cette mygale à l’envoûtante couleur bleu métallique ne vit que dans une petite région de l’Inde s’étendant sur une centaine de kilomètres carrés. Très rare et menacée, elle est en danger critique d’extinction (CR).
Description de la mygale de Gooty
Caractéristiques physiques
Poecilotheria metallica fait partie des mygales, un groupe qui réunit plusieurs espèces d’araignées de grande taille – entre 3 et 10 cm en moyenne. Les mygales font presque toutes partie de la famille des Theraphosidae, et c’est aussi le cas de la mygale de Gooty. A la différence des tarentules, les mygales ont le corps recouvert de poils.
Poecilotheria metallica dispose de toutes les caractéristiques communes aux araignées. Elle est dotée de huit pattes réparties à parts égales – quatre et quatre – de part et d’autre de son corps. Chacune se compose de segments articulés qui ont un nom bien précis : le tarse, le métatarse, le tibia, la patelle, le fémur, le trochanter et la hanche (du bout de la patte en remontant vers le corps de l’animal).
Le corps est quant à lui très imposant – environ 6 cm de long pour une envergure totale de 20 cm – et composé de deux parties distinctes : le céphalothorax ou prosoma (tête et thorax) dans lequel on retrouve les yeux, une paire de crochets ou chélicères et enfin deux pédipalpes. Ces derniers font partie de la bouche de l’araignée : ce sont des appendices qui lui servent à détecter sa nourriture et à la goûter. Chez la mygale, les pédipalpes sont très grands et parfois confondus avec des pattes. La deuxième partie du corps, la plus grosse, est l’abdomen. A l’arrière se trouvent les filières, les appendices grâce auxquels l’araignée peut tisser des toiles.
La mygale de Gooty se distingue par sa couleur et les motifs très élaborés qui la recouvrent. Majoritairement bleue, elle arbore quelques touches de blanc, de noir et de jaune de-ci de-là, sur les pattes et les figures géométriques complexes qui recouvrent son abdomen et son céphalothorax. Ces couleurs sont relativement rares dans le règne animal – bien qu’un peu plus communes chez les arachnides – et les scientifiques n’ont toujours pas réussi à savoir pourquoi certaines espèces arborent ce bleu vif, même s’ils soupçonnent qu’il joue un rôle majeur.
Il s’agit de la seule araignée bleue du genre Poecilotheria. Ce genre – désigné parfois sous l’appellation « araignées tigres » ou « pokies » par les collectionneurs – réunit quinze espèces de mygales arboricoles vivant en Inde et au Sri Lanka et arborant des couleurs plutôt vives. Chez Poecilotheria metallica, il existe un dimorphisme sexuel. En effet, le mâle est plus petit et moins robuste que la femelle. Il est par ailleurs facilement reconnaissable aux poches qui lui permettent de stocker son sperme, situées à l’avant du corps.
Régime alimentaire

La mygale de Gooty est photosensible et ne sort de son trou d’arbre que la nuit.
Poecilotheria metallica est une chasseuse. Carnivore, cette mygale ne se contente pas de tisser des toiles pour prendre au piège ses proies comme le font bien d’autres espèces d’araignées. Elle préfère les attraper directement à l’aide de ses tarses et de ses crochets.
Les insectes volants font partie de ses cibles préférées (mouches, mites, mantes, etc.), mais elle peut aussi se nourrir de petits mammifères comme des rongeurs. Extrêmement rapide et imprévisible, la mygale de Gooty est capable de s’en emparer avec une grande dextérité avant de leur infliger une morsure paralysante.
Comportement
Cet arthropode n’apprécie guère la luminosité : elle est photosensible. Elle préfère donc rester à l’ombre pendant la journée et ne sort qu’une fois la nuit tombée pour se déplacer et se nourrir. D’ordinaire solitaire, la mygale de Gooty peut parfois accepter de cohabiter avec d’autres de ses congénères, si par exemple il n’y a pas dans un environnement direct d’autres habitats disponibles. Elle aime par ailleurs la tranquillité et n’apprécie pas d’être dérangée. En cas de stress et si elle se sent en danger, il peut lui arriver de mordre avec ses crochets.
Parfois, les morsures s’accompagnent de venin. Car la mygale de Gooty est venimeuse et elle peut inoculer un puissant venin neurotoxique à l’aide de ses crochets. Son venin n’est toutefois pas mortel pour l’Homme, mais il peut lui causer de sérieuses douleurs musculaires et une importante inflammation pendant plusieurs jours.
Habitat
Cette mygale doit son nom à la ville de Gooty, en Inde, où elle a été découverte pour la première fois en 1899. Mais en réalité, son aire de répartition se situe bien loin de là, dans l’Etat de l’Andrah Pradesh, au centre de l’Inde. Ce n’est qu’en 2001, lorsque l’on a redécouvert l’espèce, que l’on a su avec précision où vivait cette mygale : dans les forêts humides et anciennes situées entre les villes de Nandyal et Giddalur, et plus précisément dans la réserve de biosphère de Seshachalam. A ce jour, elle n’a jamais été vue ailleurs malgré les recherches qui ont été menées aux alentours : il semblerait que son habitat naturel se cantonne à cette zone d’une centaine de kilomètres carrés seulement.
Il s’agit d’une espèce arboricole, ce qui signifie qu’elle vit dans des arbres, et plus précisément dans des trous d’arbres. La mygale de Gooty se tapit au fond et tisse à l’entrée des toiles asymétriques pour se protéger de toute intrusion.
Menaces
Aucun recensement n’existe pour savoir combien de mygales de Gooty il reste dans la nature. En revanche, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé l’espèce en danger critique d’extinction en 2008. Il s’agit du dernier stade avant la disparition à l’état sauvage.
Le prélèvement en milieu sauvage
Avec son physique imposant et ses couleurs peu communes, la mygale de Gooty est très populaire auprès des amateurs d’araignées. De nombreux particuliers en ont une chez eux comme animal de compagnie. Les prélèvements dans la nature ont lourdement pesé sur la préservation de l’espèce dans la nature. Lors de sa redécouverte en 2001, des commerçants venus du monde entier ont rapidement saisi l’opportunité de vendre cette espèce très rare et à la couleur bleu vif très recherchée. Ils ont alors commencé à collecter des individus adultes dans la nature en vue de les reproduire ou de les commercialiser.
Difficile d’estimer le poids de ce commerce : les exportations de Poecilotheria metallica depuis l’Inde ne sont en effet pas encadrées. Malgré sa rareté, elle est commercialisée aux Etats-Unis dès 2003, soit deux ans seulement après sa redécouverte. Durant les premières années, l’offre étant plutôt rare, les prix pouvaient atteindre 500 dollars pour une femelle. De quoi attiser la convoitise de nombreux vendeurs supplémentaires. Aujourd’hui, les prix ont quelque peu baissé, l’essentiel des animaux vendus provenant de l’élevage, mais ils restent élevés dans l’univers des collectionneurs de mygales.
Destruction de son habitat
La principale menace qui pèse sur l’avenir de l’espèce reste toutefois la disparition de son milieu naturel. Comme évoqué plus haut, son aire de répartition est très limitée – une centaine de kilomètres carrés seulement. On ignore si à l’origine elle était plus étendue, mais il y a de fortes chances que ce soit le cas : l’Andrah Pradesh où elle vit a connu une forte déforestation ces dernières années. L’Etat aurait ainsi perdu 2 390 km² de forêt entre 1975 et 2014, principalement pour récolter du bois de chauffage. A cela s’ajoutent les incendies de forêt, plutôt récurrents dans la zone. Sur la seule année 2014, plus de 1 000 km² d’étendues boisées sont parties en fumée dans l’Andrah Pradesh. « D’après nos estimations, si l’habitat naturel de Poecilotheria metallica reste soumis à une telle dégradation, l’espèce pourrait disparaître dans un avenir proche », notait l’UICN en 2008.
Efforts de conservation
A ce jour, il n’existe aucun programme de conservation dédié à cette espèce. En revanche, son habitat est protégé. La mygale de Gooty vit en effet dans l’une des 18 réserves de biosphère décrétées par le gouvernement indien et l’Unesco : la réserve de biosphère de Seshachalam, créée en 2011. Il s’agit d’une zone protégée pour sa faune et sa flore remarquables. L’une de ses missions prioritaires consiste à assurer la conservation des espèces rares et menacées qui y vivent comme par exemple le loris grêle (Loris tardigradus), mais aussi le tigre du Bengale (Panthera tigris tigris), l’éléphant d’Asie, la mygale de Gooty et bien d’autres.
Bonne nouvelle, toutefois, la mygale de Gooty est depuis peu protégée par la Cites. Lors de la Cop18 qui s’est tenu à Genève en août 2019, elle a été inscrite à l’annexe II, ce qui signifie que son commerce international est enfin régulé. En 1999, le Sri Lanka – l’un des premiers pourvoyeurs de mygales du genre Poecilotheria – et les Etats-Unis – l’un des principaux marchés – avaient déjà tenté d’encadrer le commerce des espèces Poecilotheria à l’échelle internationale. Le but : donner un cadre légal à leur trafic. Mais en vain. Le Sri Lanka avait donc de son côté interdit le prélèvement et l’exportation de mygales Poecilotheria depuis son territoire, mais ce n’était pas le cas de l’Inde.
Cette tentative de régulation avait échoué car, à l’époque, on manquait de données suffisantes pour les inscrire en annexe I ou II de la Cites. C’est ce qui a motivé le lancement d’études de terrain pour en apprendre plus sur ces araignées, notamment en Inde. Ce sont ces investigations qui ont permis de redécouvrir la mygale ornementale Saphire 102 ans après le premier spécimen et, surtout, de placer l’espèce sur la liste rouge de l’UICN et de la classer « en danger critique d’extinction ».
Reproduction de Poecilotheria metallica
La reproduction de la mygale de Gooty est sensiblement similaire à celle des autres mygales du genre Poecilotheria. Les mâles remplissent leurs bulbes copulateurs – situés dans les pédipalpes à l’avant de l’animal – de spermatozoïdes puis partent à la recherche d’une femelle pour l’accouplement. Lorsqu’il la trouve, il doit réussir à l’approcher sans se faire dévorer ! Le cannibalisme est en effet assez répandu chez les mygales lorsqu’elles n’ont pas réussi à trouver de la nourriture en quantité suffisante. Mais la mygale de Gooty est généralement moins sur la défensive et plus facile à amadouer que les autres espèces.
Le mâle effectue une parade par tapotement pour tester la réaction de la femelle. Si elle est prête à se reproduire, elle lui fera savoir et le laissera approcher. Le mâle dépose alors son sperme dans l’orifice de la femelle, situé sous l’abdomen. Une fois qu’il l’a fécondée, il se retire. Deux à six mois après l’accouplement, la femelle fabrique un cocon blanc et opaque dans lequel elle dépose entre 20 et 200 œufs, ce qui est assez peu pour une mygale.
Il faut savoir que les araignées ont un squelette externe rigide appelé cuticule. Pour grandir, elles sont contraintes de quitter cette enveloppe temporaire via différentes mues jusqu’à atteindre leur taille adulte. Généralement, plus l’espèce est grande, plus il y a de mues. Chez certaines mygales, une quinzaine de mues peuvent être nécessaires !
Les femelles vivent entre 10 et 12 ans et les mâles moins de 5 ans. Il s’agit d’une espérance de vie plutôt courte pour une mygale mais longue au regard des arachnides : dans les régions tempérées, les araignées ne vivent en effet que quelques mois à trois ans maximum.
par Jennifer Matas
5 Réponses to “La mygale de Gooty ou mygale ornementale saphire”
01.03.2021
JoshuaC’était très intéressant et merci ça me servira pour mon exposé!